Les manuscrits descendants des arbres
Liber Floridus, manuscrit sur parchemin composé à l’Abbaye Saint-Pierre de Gand au XVe siècle
RHT-CNRS
L’arbre le plus célèbre de la période médiévale, serait-il le chêne de Vincennes, sous le feuillage duquel Louis IX rendait la justice ? Il est vrai que cette espèce a toujours symbolisé la force et la fidélité. Les arbres, quels qu’ils soient, ont, dans toutes les civilisations, joué un rôle important. Souvenons-nous de « l’Orme de Gisors » qui abrita en 1180 Philippe Auguste, qui ne l’était pas encore et Henri V Plantagenêt, qui se disait lui aussi roi de France. Et combien d’autres ? La bibliothèque du Musée Condé à Chantilly présente une exposition consacrée aux arbres et aux livres, In Folliis Folia. Celle-ci explore « les liens multiples tissés du Moyen Âge à l’époque moderne à travers 50 livres de la collection bibliophilique du duc d’Aumale ». Il suffit de faire appel à la sémantique : la feuille de parchemin, puis de papier, dérive étymologiquement du latin folium et désigne la feuille végétale. Depuis les arbres bibliques ou mythologiques, des arbres éclairent en effet les recueils de poésie ou les romans initiatiques, sans oublier les livres d’apparat montrant les forêts des princes. L’illustration s’intègre à la page puis se glisse dans les lettrines ou les marges. « Plus profondément, l’arbre imprime sa forme à la structure de certaines mises en page et même à la pensée : « il sert de moyen mnémotechnique, d’élément de comparaison, de motif allégorique, » précise le commissaire, Marie-Pierre Dion, conservatrice générale des bibliothèques.
Le plus curieux des arbres aperçus dans ces volumes est sans doute L’Arbre des batailles. Ce manuscrit sur parchemin comprend 141 feuillets et 2 grandes peintures attribuées au Maître de Johannes Gielemans. Celui-ci, Honoré Bouvet, était un clerc et juriste provençal. Il composa ce livre entre 1386 et 1389 pour le jeune roi de France, Charles VI, alors confronté à la guerre avec l’Angleterre et le Grand Schisme. Il introduit son propos par une enluminure représentant un « arbre des batailles », dont les branches sont occupées par des hommes, papes, rois, princes et simples sujets, qui se livrent combat. Entre les aléas de la fortune et les feux de l’enfer, la guerre apparaît désastreuse mais inévitable. Selon le commissaire de l’exposition, l’auteur pose les prémices du « droit des guerres ». Il incite le jeune roi à exercer le pouvoir de manière juste et à rétablir la paix dans le monde chrétien.
Si les formes se sont affinées avec les temps, comme on le voit dans le psautier de la reine Ingeburge, seconde épouse de Philippe Auguste, les représentations plus réalistes datent du XIVe siècle. On classa assez vite les membres d’une famille dans les branches des arbres, ce qui donna l’idée de classer de la même manière les savoir. Ainsi le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer, montre à voir les vertus comme autant de greffons issus d’une même souche, celle de la charité. Ce manuscrit sur parchemin (191 feuillets. 60 miniatures) a été composé en 1120 par le chanoine Lambert de Saint-Omer. Il a utilisé les vingt-deux branches du palmier, représentation de l’Église, pour opposer le nom d’une vertu morale, écrit en rouge entre les feuilles, au vice correspondant, écrit en noir.
Référence : AJU015e1