Les précieuses encore malmenées

Publié le 23/06/2021

Les précieuses encore malmenées

Cet exemplaire du Dictionnaire des précieuses par le sieur de Somaize, réédité en 1856, par Charles-Louis Livet provenant de la bibliothèque de Feuillet de Conches, a été adjugé 875 €.

Osenat/Versailles

Parmi les contemporains de Molière, un certain Antoine Baudeau de Somaize (vers 1630) dont on ne sait rien, s’en prit aux Précieuses avec une hargne difficilement compréhensible. Il publia quatre ouvrages sur le sujet, le tout en un peu plus d’une année, après la parution, en 1660, des Précieuses ridicules de Molière. Nous en avons décrit, dans une précédente chronique : Les Véritables Prétieuses et Les Prétieuses ridicules (autrefois, « précieuse » s’écrivait « prétieuse »), nouvellement mises en vers. Les titres des ouvrages choisis par Somaize présentent une ressemblance troublante et entretiennent une certaine confusion, qui fait songer au monsieur Jourdain de Molière, justement, qui découvrait avec stupéfaction que l’on pouvait exprimer son admiration pour une dame d’une manière différente avec les mêmes mots. En l’occurrence, Somaize n’avait pas d’admiration pour Molière.

Il donna donc deux autres ouvrages : Le Grand Dictionnaire historique des Prétieuses ou la Clef de la langue des ruelles (1660, petit in-12), dont un exemplaire relié en maroquin vert olive, a été adjugé 1 500 €, à Drouot, le 20 septembre 2012 par la maison Pierre Bergé & Associés. Et l’année suivante : Le Grand Dictionnaire historique des Prétieuses (Jean Ribou, 1661, 2 volumes), dont un exemplaire relié en maroquin rouge a été vendu 3 000 €, à l’hôtel Ambassador le 18 octobre 2019 par la maison Alde.

Nous n’aurions sans doute plus jamais entendu parler des « études » de Somaize sans Charles-Louis Livet (1828-1898). Quoique partisan de thèses aujourd’hui contestées, il fut le premier historien moderne à travailler sur la préciosité au XVIIe siècle. La bibliographie de cet inspecteur général de l’enseignement technique et des écoles d’arts et métiers, nommé en 1870, est d’importance. Il a réuni sous le titre général du Dictionnaire des précieuses par le sieur de Somaize, les 4 ouvrages de Somaize auquel il a ajouté sa propre étude biographique de « précieuses », Clef historique et anecdotique du Grand Dictionnaire des précieuses. Un exemplaire relié par Capet en maroquin grenat dans l’esprit du XVIIe siècle, provenant de la bibliothèque de Félix-Sébastien Feuillet de Conches (1798-1887), a été adjugé 875 €, à Versailles, le 18 avril dernier par la maison Osenat. Il avait été joint à ce lot un exemplaire des « Lettres inédites de Bossuet », recueillies par Feuillet de Conches et copiées par lui, ainsi que des correspondances d’hommes d’église du XVIIe siècle, adressées à Pierre-Daniel Huet (160-1721).

Charles-Louis Livet a conclu ses recherches par un autre ouvrage : Précieux et Précieuses. Caractères et mœurs littéraires du XVIIe siècle (Paris 1859), qui a connu au moins six rééditions, dont la dernière en 2001.

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