Les précieuses malmenées

Publié le 16/06/2021

Les précieuses malmenées

Il ne reste que cinq exemplaires de l’édition originale des Précieuses ridicules. Celui-ci est estimé 50/60 000 €.

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La comédie de Molière, Les Précieuses ridicules, fut représentée pour la première fois le 18 novembre 1659 au théâtre du Petit-Bourbon, à Paris, en seconde partie de spectacle. Cette pièce sera jouée 44 fois, en un an, sans compter les « visites », c’est-à-dire les représentations privées. Autant dire que ce fut un succès ! La preuve, nous en parlons encore… Le sujet de cette pièce ne repose pas seulement sur les excès de la préciosité, Molière s’en est d’ailleurs défendu dans sa préface : « Les véritables précieuses auraient tort de se piquer lorsqu’on joue les ridicules qui les imitent mal ». Il souhaitait évoquer la condition féminine en butte aux mariages arrangés. Ce qui provoqua quelques polémiques. Cette pièce fut la première de Molière à avoir été publiée. La première impression chez Jean Riou en 1660 n’eut pas l’approbation de Molière, au contraire de celle de Guillaume de Luyne et de Claude Barbin, véritable originale. Il est très rare d’en croiser un exemplaire ; il n’en resterait pas moins d’une vingtaine en circulation, dont cinq en mains privées. L’un d’eux, relié en veau brun jaspé, appartenant à Albert-Jean Guibert, a été présenté à la vente, le 18 octobre 2019 par la maison Alde, avec une estimation de 50/60 000 €.

Parmi les contemporains de Molière, un certain Antoine Baudeau de Somaize, qui serait né vers 1630, et dont on ne sait rien d’autre sur sa vie à un tel point que l’on s’est demandé s’il avait existé, s’imposa néanmoins comme polémiste. Il s’en prit aux Précieuses avec une hargne difficilement compréhensible et publia successivement : Les Véritables Précieuses, comédie en prose dont le bibliographe Jean-Charles Brunet dit qu’elle est « au-dessous du médiocre », et « qui contient contre Molière, une préface insultante » : « Il est certain, dit le sieur de Somaize, que Molière est singe en tout ce qu’il fait, et que non seulement il a copié les Précieuses de l’abbé de Pure, jouées par les Italiens ; mais encore qu’il a imité par une singerie dont il est seul… ». Dans ses Mélanges (1829), Jean-Charles Nodier commente les propos de Somaize : « Ce volume est curieux par la manière dont le misérable auteur parle de Molière ; c’est une de ces turpitudes qu’il faut recueillir pour la consolation du génie méconnu et pour l’éternelle honte des sots » !

Non content de reprendre l’idée des Précieuses, Somaize « eut la témérité de mettre en vers cette jolie comédie et de la faire imprimer », précise encore Jean-Charles Brunet. Un exemplaire de cet autre ouvrage, Les Précieuses ridicules, nouvellement mises en vers, dans sa seconde édition, a été présenté à la vente le 18 octobre 2019 par Alde, avec une estimation de 400/500 €. (À suivre)

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