L’huître est d’argent

Publié le 09/05/2022

Cette tabatière en argent et en forme d’huître plate au naturel, incrustée d’algues et de coquillages, l’intérieur en vermeil, a été adjugée 115 200 €.

Jean-Marc Delvaux

À quelle période de l’année peut-on déguster des huîtres sans danger ? La tradition les autorise tous les mois en « R », soit septembre, octobre, novembre et décembre. D’où peut venir cette légende tenace ? On se souvient sans doute du tableau Le Déjeuner d’huîtres, peint par Jean-François de Troy en 1735 et conservé au musée Condé, à Chantilly. Sans entrer dans l’historique de la commande faite à l’artiste par Louis XV, pour ses petits appartements de Versailles, on observe que cette toile est la première à représenter une bouteille de champagne. Il est vrai que la scène est joyeuse ; la compagnie boit et gobe les mollusques avec une sympathique satisfaction. À l’époque, au XVIIIe siècle, les huîtres rencontraient un énorme succès. Ce tableau en est la preuve. Elles étaient récoltées uniquement sur les bancs « naturels » et, de ce fait, la pénurie d’huîtres était une menace constante. Aussi, pour leur laisser le temps de se reproduire, Louis XV interdit la récolte du mois de mai à août. Aujourd’hui, cette mesure a été levée et, sauf à détester les huîtres dites laiteuses car en période de reproduction, nous pouvons en manger toute l’année.

Les Grecs ne prenaient pas tant de précaution. Mieux encore, ils conservaient les coquilles dont ils se servaient pour voter. D’où d’ailleurs, le terme « ostracisme ». Nous ignorons si les convives figurant dans le tableau de Jean-François de Troy songeaient, en jetant les coquilles vides des mollusques dont ils venaient d’apprécier la chaire, qu’ils exprimaient un déni de démocratie. Toujours est-il que l’huître que l’on peut objectivement qualifier de partenaire de l’histoire de l’art, apparaît dans de nombreux tableaux, notamment flamands, mais encore en orfèvrerie. Une Tabatière en argent, en forme d’huître, plate au naturel, incrustée d’algues et de coquillages, l’intérieur en vermeil,portant le poinçon du maître orfèvre, Bernard Bellavoine, a été adjugée 115 200 €, à Drouot, le 29 mars dernier par la maison Jean-Marc Delvaux, lors de la dispersion de la collection Stéphane Faniel. On ne connaît que quelques exemples de tabatières en forme d’huître. On cite généralement deux autres boîtes presque identiques, avec des petites variantes, provenant également des ateliers de Bellavoine (Blois vers 1748) ; la première vendue à Drouot en 1983, la seconde également à Drouot en 2015.

• Maison Jean-Marc Delvaux, 5 Rue de Provence, 75009 Paris.

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