L’inspiration de L’Arioste

Publié le 05/08/2022
L’inspiration de L’Arioste
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Georges Lafenestre (1837-1919) était autant poète qu’historien et critique d’art. Conservateur au musée du Louvre, il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts, le 6février 1892, au fauteuil de Jean Alphand. Lié avec José-Maria de Heredia, il fréquenta Essarts, Sully Prudhomme, Henri de Régnier, Barrès, Colette, Henry Gauthier-Villars, et Pierre Louÿs. Il a laissé une trentaine d’ouvrages, des recueils de poèmes et des essais critiques, notamment Artistes et amateurs, publié en 1899 par la Société d’Édition Artistique. Dans cet ouvrage, Georges Lafenestre décrit le Titien et les princes de son temps. BGF

« Les livres Ferrare de dépense du château de Ferrare ont enregistré les paiements faits le 30 janvier à un batelier pour transport, de Venise à Ferrare, d’une peinture envoyée à Son Excellence par Maestro Tiziano ; item à un charretier pour transport de Francolino à Ferrare de la malle de Maestro Tiziano. Titien avait seulement envoyé d’avance par le plus court sa toile et ses bagages. Quant à lui, il s’était arrêté à Mantoue pour y passer quelques jours chez les Gonzague, auxquels il était recommandé. par leur ambassadeur à Venise. Avant de quitter Mantoue, il prit soin de demander au jeune marquis Frédéric, qui l’avait accueilli avec une grâce parfaite, une lettre pour le duc Alphonse, dans laquelle le marquis s’excusait d’avoir retenu le peintre et priait son oncle de le lui renvoyer au plus vite pour quelques jours. C’est seulement le 7 février qu’on le trouve à Ferrare, où les livres du château font mention de 24 repas apprêtés pour les personnes de sa suite.

La toile de Bacchus et Ariane complétait, avec l’Offrande à Vénus et la Bacchanale, la décoration du cabinet pour laquelle le vieux Giovanni Bellini avait donné, dans son Repas des dieux, la note première et charmante. Ces trois peintures, où le génie du peintre, se débarrassant de ses dernières timidités, éclate avec une joie virile, portent l’empreinte des enthousiasmes classiques qu’excitait alors, dans tous les esprits cultivés, la résurrection des poètes et des écrivains de l’Antiquité. Les sujets des deux premières sont empruntés à Philostrate et celui de la dernière à Catulle, dont Alde Manuce, chez qui Titien rencontrait souvent Bembo (le cardinal Pietro Bembo, poète et traducteur 1470-1547), Navagero (Andrea Navagero, diplomate, poète, orateur et botaniste, 1483-1529) et tout le groupe des érudits vénitiens, avait récemment publié les œuvres. Dans toutes les trois, à l’inspiration de la poésie antique se joint, selon toute apparence, l’inspiration directe de L’Arioste, qui travaillait alors au Roland furieux et que Titien dut voir fréquemment à Ferrare ». (À suivre)

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