Louvre : le panier de fraises de Chardin attend ses mécènes

Publié le 20/11/2023

Le musée du Louvre lance un appel aux dons pour financer l’acquisition du Panier de fraises de Chardin, classé trésor national à la suite de son acquisition aux enchères par un marchand d’art américain en 2022 au prix de 24,3 millions d’euros.  L’oeuvre est exposée salle 831, au deuxième étage de l’aile Richelieu. 

Louvre : le panier de fraises de Chardin attend ses mécènes
Panier de fraises – Jean Siméon Chardin (Photo : ©Musée du Louvre/Hervé Lewandowski)

Ne cherchez pas Le panier de fraises avec les autres toiles de Jean Siméon Chardin (1699-1779). Bientôt peut-être, mais pour l’heure, son sort demeure suspendu au succès de l’opération Tous mécènes que vient de lancer le Louvre le 7 novembre pour acquérir le tableau. Si toutefois vous tenez à vous assurer par vous-même de la nécessité de financer l’acquisition de ce chef d’œuvre, il est exposé dans le musée, mais ailleurs. Pour le découvrir, il faut se diriger vers l’aile Richelieu, monter au deuxième étage, et traverser les premières salles de la peinture française.  Un coup d’œil au retable de Saint-Denis, une station devant la piéta de Villeneuve-Lès-Avignon, et voici que l’on débouche sur une grande salle sombre occupée par un seul tableau : la merveille de Chardin.

Une pyramide de fraises – des bois très certainement – qui donne son titre au tableau, un verre d’eau sur lequel se reflètent les fruits, deux œillets blancs, une pèche, deux cerises. Il y a dans cette toile de petite dimension (38 x 46) quelque chose de bouleversant qui rappelle ces vers d’Aragon  :

« Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle

qu’à qui voudra m’entendre, à qui je parle ici,

n’ayant plus sur la lèvre une seul mot que merci,

je dirais malgré tout que la vie fut belle ».

« On peint avec le sentiment »

Ses natures mortes, dit-on, n’ont pas de signification symbolique cachée. Elles chantent simplement le charme du quotidien. Des fleurs et des fruits, un verre d’eau. Rien d’autre. Et c’est le mystère de Chardin. On vante sa technique, sa palette, sa modernité, mais la fascination qu’il exerce dépasse tous les arguments rationnels, c’est de la poésie pure. « On se sert des couleurs, disait-il, mais on peint avec le sentiment ». Il a fasciné les plus grands, des Frères Goncourt à Malraux, en passant par Cézanne, Soutine (qui s’inspirera de la fameuse raie) et Proust. Voici ce qu’en disait Diderot :

« Ô Chardin, ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir

que tu broies sur ta palette; c’est la substance même

des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la

pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile.

 La toile date de 1761, c’est l’une de ses dernières natures mortes. Elle appartient aux descendants du peintre et collectionneur Eudoxe Marcille (1814-1890) depuis le milieu du 19è siècle. Vendu aux enchères à Paris le 23 mars 2022, Le panier de fraises était convoité par un collectionneur américain et un marchand d’art également américain, lequel l’a emporté pour la somme record de 20,5 millions d’euros, soit 24,3 millions avec les frais. Laurence des Cars présidente-directrice du Louvre a sollicité auprès du ministère de la culture l’attribution du titre de Trésor national. Le 13 avril 2022, la commission consultative des trésors nationaux a refusé le certificat d’exportation, ce qui a ouvert un délai de 30 mois au musée pour réunir les fonds nécessaires à son acquisition. Le fait qu’il ne dispose que de 5 à 7 millions d’euros de budget d’acquisition par an explique que le musée du Louvre n’ait pas pu tout simplement préempter le tableau le jour de la vente (lire à ce sujet Trésors nationaux : un peu d’arithmétique autour d’un panier de fraises – La Tribune de l’Art (latribunedelart.com). Certains objectent que sur une œuvre comportant moins de 300 toiles, le Louvre en possède déjà 41 dont la fameuse raie, la tabagie, le lièvre mort ou encore l’enfant au toton. Et cela justifierait de renoncer au plus beau ?

Jusqu’au 28 février

Les campagnes Tous mécènes ont débuté en 2010 et permettent chaque année de financer un projet jugé prioritaire. C’est ainsi par exemple que le musée a pu acquérir Les trois grâces de Lucas Cranach ou encore deux statuettes en ivoire complétant une Descente de croix.  LVMH s’est engagé à contribuer pour 15 millions, une personne privée souhaitant rester anonyme à hauteur de 1 million, la Société des amis du Louvre a réuni 500 000 euros. Il reste au Louvre à trouver huit millions. D’où l’opération Tous mécènes à hauteur de 1,3 million, ouverte jusqu’au 28 février prochain. Les dons peuvent être réalisés en ligne ici ou par chèque en suivant les consignes figurant sur le site. Ils donnent lieu à une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 66% de la somme dans la limite de 20% du revenu imposable.

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