Madame Bovary

Publié le 30/06/2017

Madame Bovary au théâtre du Lucernaire.

DR

André Salzet, comédien et maître d’œuvre de la compagnie Théâtre Carpe Diem, créée en 2003 à Argenteuil, a pris le parti d’adapter pour le théâtre des romans, essais ou nouvelles d’auteurs consacrés et de les conter, seul en scène pendant près d’une heure et demie.

Nous avions vu Le joueur d’échecs de Stephan Zweig ainsi que La colonie pénitentiaire de Franz Kafka qui n’ont guère cessé d’ être joués en tournée et nous avions admiré la performance de conteur gourmand de la grande littérature, de serviteur respectueux du texte, capable par le simple gestuel de faire revivre les personnages les plus divers.

Il a choisi cette fois-ci l’un des romans les plus célèbres de notre littérature, Madame Bovary et le spectacle s’ouvre et se clôt avec le fantôme de Flaubert en voix off rappelant combien « écrire était pour lui une chose redoutable, pleine de tourments, de périls, de fatigue », comme l’avait observé son jeune ami Guy de Maupassant.

L’écriture du roman lui demanda plus de cinq ans et il s’était identifié à l’héroïne : « Madame Bovary c’est moi » !

André Salzet ne s’identifie pas seulement à Emma mais à tous les autres personnages du roman et tout d’abord à Charles, à qui il pourrait ressembler et qui sortira grandi de cette mini tragédie provinciale puisque parmi des comparses sans doute plus séduisants, il est le seul capable d’aimer.

Quant à Emma, Rodolphe, ou Léon, André Salzet leur donne vie par les expressions du visage et les mouvements du corps ce qu’il fait avec aisance, soutenu par une mise en scène efficace de Sylvie Blotnikas.

On se laisse donc emporter dans la progression des événements, depuis l’enfance de Charles étouffé par une mère et une première femme possessive, un veuvage rapide et un mariage avec la jeune Emma. Sans doute sa conversation est-elle « aussi plate qu’un trottoir de rue » mais sa passion pour elle aura quelque chose d’héroïque lui faisant tout supporter, s’aveugler volontairement et, lorsqu’elle aura avalé l’arsenic dans un mouvement de colère, prendre son temps pour mourir de tristesse.

Rien ne manque des inconséquences d’Emma, de sa duplicité, de ses mensonges dans ses passions malheureuses pour Rodolphe et Léon. On participe à l’ambiance joyeuse des comices agricoles, on se cache dans le fiacre aux rideaux tirés, on suit la montée des périls pour le couple.  Et la voix de Flaubert nous avertit qu’il a enfin vaincu ce vautour prométhéen qu’il a si longtemps combattu.

Du bel ouvrage, plus discret que certains autres one man show littéraires médiatisés. Vraiment, du bel ouvrage.

LPA 30 Juin. 2017, n° 127t5, p.21

Référence : LPA 30 Juin. 2017, n° 127t5, p.21

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