Mais qui est donc Margaret Lemon ? – Première partie

Publié le 08/04/2022

Cette miniature (aquarelle sur vélin), peinte par Samuel Cooper vers 1635, représente Margaret Lemon.

Fondation Custodia

La fondation Custodia, l’une des plus importantes collections de dessins anciens, recèle des trésors. Cécile Tainturier, conservatrice, présente une miniature (120 x 98 mm), une aquarelle sur vélin peinte par Samuel Cooper, signée de son monogramme et figurant Margaret Lemon, vers 1635-1637, dont le prénom est représenté par trois lettres entrelacées devant son nom. La jeune femme d’une sage et trompeuse beauté apparaît en costume masculin, coiffée d’un haut chapeau, laissant les boucles de ses cheveux châtains effleurer le large col de son vêtement. Son regard, si l’on y prête attention, est teinté d’insolence. Cet éclat se retrouve dans les autres portraits qui furent exécutés tout au long de sa courte vie.

Mais qui est donc Margaret Lemon ? Elle serait née vers 1614 et serait morte en décembre 1643, après s’être suicidée. De sa vie, nous ne connaissons rien, sinon qu’elle a été la maîtresse d’Antoine van Dyck (1599-1641) et qu’elle fut sans doute une courtisane admirée par ses contemporains. Sa relation avec le peintre aurait débuté vers 1632-1633 et se serait achevée en 1641, au moment du mariage de ce dernier avec l’aristocratique Mary Ruthven, alors dame de compagnie de la reine née Henriette de France. On pense que le roi Charles Ier ne serait pas étranger à ce mariage afin d’obliger son portraitiste attitré, qui avait une vie pour le moins dissolue, de s’acheter une conduite.

Van Dyck avait un ami, Sir Endymion Porter, en réalité son protecteur, dont on dit qu’il fut aussi l’amant de Margaret et qu’elle se serait suicidée après la mort de celui-ci. Mais les dates ne concordent pas, il est par ailleurs intéressant de savoir qu’il était marié avec Olivia Butler (vers 1597-1663), avec laquelle il eut onze enfants. Selon Hilary Maddicott, auteur d’un article très complet sur ce modèle paru dans le Burlington Magazine (février 2018), on cite deux femmes qui se suicidèrent à Oxford durant la première guerre civile, après la mort de leur amant du nom de « Gil Porter ». La seconde femme répondait au nom de « Lady Butler », un surnom « calomnieux ». Elle en conclut que Margaret Lemon et Lady Butler, enterrées à Saint Pierre-en-Orient dans le centre d’Oxford, le 15 décembre 1643, étaient la même personne. Par ailleurs, aucun des enfants Porter, si ce n’est une fille Mary à l’âge de dix ans, n’est mort en 1643. Sir Endymion avait en revanche un frère cadet, « Gil », né en 1611, qui aurait été tué à la bataille d’Alton, le 13 décembre 1643.

Les gazettes de l’époque rapportent que « Lady Butler » se promenait en homme. La miniature représenterait-elle une fantaisie artistique ou traduirait-elle un comportement connu et scandaleux de Lemon ? Il reste que cette femme dont on ne sait rien, fut si célèbre à Londres, à son époque, qu’elle inspira de nombreux portraits.

• Fondation Custodia, 121 rue de Lille, 75007 Paris.

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