Montmartre 1880-1916

Publié le 29/10/2019

La Muse de Montmartre, Louis Charbonnier.

Stéphane Pons

Quel plaisir, quelle détente en retrouvant ces œuvres vivantes et si diverses ! Évocateurs de spectacles, de moments de vie, les tableaux présentés actuellement au musée de Montmartre, sont signés de noms importants et d’autres à découvrir…

Montmartre est comme une ville dans la ville, perchée sur la butte, alors lieu privilégié où travaillent et vivent de nombreux artistes. C’est la vie de bohème, avec peu d’argent, mais le bonheur de créer et l’espoir de toucher le public ; c’est aussi un lieu de plaisir. Cette ambiance de travail, de cabarets et de danseurs, mais également de personnages du quotidien, revit à travers les tableaux ; ils semblent bien loin de nous et attirants.

Les 200 peintures, aquarelles, dessins, affiches, lithographies, journaux réunis au musée de Montmartre, sont issus de la collection Weisman et Michel, un couple américain passionné par l’art de cette époque, qui a acquis des toiles de trois artistes emblématiques : Théophile-Alexandre Steinlen, Henri-Gabriel Ibels et Suzanne Valadon, ainsi que des peintres moins connus. Composée d’œuvres réalisées entre la fin du XIXe siècle et la Belle Époque, la collection illustre ces périodes riches en création dans la diversité d’écriture, en un réalisme loin des conventions. Ce sont souvent des instants pris sur le vif.

Le parcours débute avec une évocation de ce quartier devenu mythique ; quelques tableaux évoquent le Montmartre de la fin du siècle ; on remarque une sensible Rue Lepic de Louis Lemanceau, ou Nuit étoilée à Montmartre, à l’aquarelle et pastel, qu’Eugène Grasset évoque entre ombre et lumière dorée.

Premier cabaret célèbre fondé en 1881 par Rodolphe Salis, « Le Chat Noir » est évoqué par une série de chats peints tour à tour agressifs ou facétieux, peints par Steinlen avec humour et vivacité. Le théâtre d’ombres très prisé à l’époque, est présent avec les silhouettes d’Henri Rivière ; les lithographies de Chéret affirment sa modernité, dans la légèreté de la matière colorée et le mouvement des danseurs. Plusieurs cabarets vont voir le jour : « Le Mirliton », dirigé par Bruand, ou « Le Lapin agile » qui attirent une forte clientèle : poètes, musiciens, public s’y retrouvent et les artistes y exposent parfois quelques œuvres.

Si les cabarets ont aidé à la connaissance et la réputation de Montmartre, des journaux : Le Rire, L’Assiette au beurre ou La Revue Blanche ont participé à cet essor et aidé les artistes, en confiant des illustrations à Ibels ou Vallotton, parmi d’autres. De même, les affiches qui s’adressaient à un plus large public et signées Capiello, Willette, Léandre. On découvre encore une représentation de La Goulue de Steinlen ou la finesse d’expression d’Henry Somm. La chanson a accompagné la peinture, c’est l’époque du « Moulin Rouge » et des « Trois Baudets », où l’on découvrait Yvette Guilbert très sobrement évoquée par Lempereur, et d’une grande présence.

Les collectionneurs ont acquis de nombreuses œuvres de Suzanne Valadon, artiste d’avant-garde qui a su se faire une place dans le milieu très masculin de la peinture. Parmi les nombreuses œuvres : un portrait de Miguel Utrillo de profil, au fusain, d’une grande vérité, et des nus à la facture solide sous la lumière, telle la superbe Jeune fille au bain, aux formes généreuses et sensuelles. C’est encore L’Acrobate, saisie dans le mouvement et haute en couleurs.

LPA 29 Oct. 2019, n° 149a5, p.16

Référence : LPA 29 Oct. 2019, n° 149a5, p.16

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