À Montmartre, de Steinlen à Satie

Publié le 19/07/2016

Antoine de La Rochefoucauld, Portrait d’Erik Satie, 1894, h/b, 80 x 68 cm, Service interministériel des Archives de France/IMEC.

Fondation-Archives Erik Satie, Paris

Dès 1870, Montmartre a vu arriver sur la Butte de nombreux artistes français et étrangers qui trouvèrent là un lieu d’échange et de création. Jusqu’en 1910, ce lieu fut celui de l’innovation avec pour point culminant le tableau Les Demoiselles d’Avignon, réalisé au Bateau-Lavoir par Pablo Picasso et qui allait révolutionner l’art.

Très vivant, ce quartier de Paris entretient la mémoire de ces peintres, poètes, musiciens, danseurs et chanteurs de cabaret admirés aujourd’hui encore. Erik Satie a vécu sur la Butte et le musée de Montmartre célèbre cet été le 150e anniversaire de sa naissance avec une exposition de plus de 160 peintures et aquarelles présentées dans l’ordre chronologique et révélant les personnalités et les mouvements artistiques si nombreux à cette période qui se sont épanouis dans ce havre de liberté.

Dès le milieu du XIXe siècle, des artistes tels que Fernand Pelez, Henri Martin ou Eugène Carrière sont déjà installés dans ce quartier ; ils sont présents sur les cimaises, ainsi un puissant portrait du peintre Henri Bellery à la touche impressionniste dans une matière nourrie par Henri Martin. Il est entouré d’autres artistes précurseurs. Théophile-Alexandre Steinlen figure parmi les peintres connus de Montmartre ; dans la salle qui lui est consacrée, on découvre un délicat autoportrait au crayon et aquarelle. Ce sont aussi de merveilleux pastels, petits instantanés de vie quotidienne pris sur le vif, accompagnés, sur la même feuille, de poèmes d’Aristide Bruant. À découvrir encore, une vue personnelle de Montmartre et évidemment de nombreux chats qu’il aimait, parfois inquiétants, symboles de liberté. Il dénonce également les injustices sociales dans des revues satiriques.

L’on pénètre ensuite dans la salle d’Erik Satie accompagné par les Gymnopédies. Homme libre, il fréquente les artistes, se lie avec Suzanne Valadon comme en témoigne une lettre manuscrite ainsi qu’un portrait du musicien au visage rayonnant d’intelligence vigoureusement traité. Plus délicat, celui de Santiago Rusiñol, qui représente Satie dans sa chambre, composition intimiste ; quant au portrait exécuté par Antoine de La Rochefoucauld, il s’avère d’une grande délicatesse, peint en petits accents pointillistes. Quelques photographies, de La Goulue notamment, contribuent à créer l’ambiance.

En ce tournant du siècle, Montmartre a été le berceau des avant-gardes. Figurent dans l’exposition les œuvres d’Émile Bernard, Henri-Gabriel Ibels, Pierre Bonnard comme Henri de Toulouse-Lautrec ; puis viendront les fauves, et, accompagnant ces peintres : Guillaume Apollinaire, André Salmon, tous préfigurant les avant-gardes du XXe siècle. On retient encore une scène du cirque Medrano, enlevée, et la douceur enneigée autour du château des Brouillards, une huile sur bois fort sensible par Max Jacob qui fut aussi poète.

Avant de s’installer à Montparnasse, Amedeo Modigliani, comme bien d’autres artistes, était lui aussi sur la Butte ; ici un portrait au crayon de Paul Yaki. František Kupka propose un très fin panorama de la Butte à l’encre et crayon. On ne saurait évoquer ce lieu sans présenter la célèbre famille formée par Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, son fils, et André Utter, le compagnon de Valadon, trio tumultueux et souvent talentueux. De Raoul Dufy, une gravure nerveuse de nu féminin. Habitant avec d’autres peintres le Bateau-Lavoir, Picasso était une figure de Montmartre, il a effectué là de nombreuses recherches. Il est possible aussi de voir l’atelier de Suzanne Valadon qui a habité rue Cortot, vaste pièce donnant sur le jardin bien reconstitué ; il semble qu’elle va revenir travailler.

Sans doute les visiteurs seront-ils surpris par le nombre d’artistes connus qui ont séjourné dans ce lieu historique qui a attiré, comme après lui Montparnasse, tant de talents.

LPA 19 Juil. 2016, n° 119c6, p.15

Référence : LPA 19 Juil. 2016, n° 119c6, p.15

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