Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge

Publié le 07/01/2020

Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge

Théâtre national de la Colline

Pas facile de répondre à un besoin de contester, créer, innover, de concilier des fonctions austères de directeur d’une des grandes scènes nationales et de continuer à toucher à tout avec une énergie qui ne se décide pas à faiblir. Wajdi Mouawad ne renonce à rien et son palmarès d’auteur, metteur en scène, scénographe déjà impressionnant ne cesse de s’enrichir. Cette Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge ne restera pas parmi ses créations les plus remarquables mais il s’agit, une fois de plus, d’une œuvre singulière, d’une transgression roborative en abordant le comique au premier degré et d’un spectacle total réunissant un ensemble évident de talents.

La complicité entre Wajdi Mouawad et Arthur H s’est construite autour de deux séjours en commun au Pérou et au Groenland. Dans ces lieux « improbables », naît le projet de mettre en scène l’histoire d’un chanteur à succès, « Alice », et de sa curieuse mort prématurée. Arthur H (Higelin), voix caverneuse, visage tourmenté, forte présence, est cet Alice, son alter ego, et sa prestation est remarquable.

Aux abords de la cinquantaine, le chanteur à succès, envahi par le doute et l’amertume, tourmente ses proches et de plus en plus acariâtre et excessif, met en cause les dérives du star system mercantile. Pour couper court aux critiques sur sa trahison à l’égard de ses premiers engagements et relancer une carrière en déclin, son ancien manager, lui-même has been, lui propose d’annoncer sa mort subite et d’organiser ses funérailles : une bonne recette, pense-t-il, pour que ses détracteurs deviennent ses thuriféraires et pour programmer le lancement d’un disque posthume. Il reparaîtra un an après, auréolé du rôle de justicier à l’égard des tares de son milieu et verra pardonné ce canular. Mais au milieu de la cérémonie, le somnifère qui lui a été administré n’étant pas assez puissant, le chanteur surgit du cercueil à la grande frayeur de ses proches. Le rideau tombe sur cette première partie et l’heure et demie a passé très vite tant la description caustique et ironique de cette vie de star, la fébrilité d’une atmosphère jubilatoire, les rebondissements de l’histoire, l’esthétique de la scénographie, sont réussies.

Il n’en est pas de même pour la seconde partie qui se traîne trop en longueur pour décrire la chute brutale du chanteur, mis à l’écart par la profession et ses proches. Du langage « vert », de la tension fébrile, des rivages inhospitaliers de la douleur et de la mort, on accoste brutalement sur les rives paisibles de propos convenus et d’un humanisme fade, un tête à tête un peu ennuyeux avec Nancy, la fan québécoise…

Mais on a pris tant de plaisir dans la première partie, avec cette performance de deux artistes hors du commun, celle d’une troupe d’excellents comédiens, celle d’une élégante scénographie, d’une construction rigoureuse pour maîtriser une inventivité qui ne parvient pas à se calmer…

LPA 07 Jan. 2020, n° 150b2, p.20

Référence : LPA 07 Jan. 2020, n° 150b2, p.20

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