Once Upon a Time in… Hollywood
Sony Pictures Entertainment
Au-delà de la rencontre historique et réussie entre les deux monstres que sont Leonardo DiCaprio et Brad Pitt, Quentin Tarantino a choisi l’année 1969 et un fait divers bien précis pour brosser une véritable fresque de l’Amérique des années soixante.
Once Upon a Time… le cinéma. Réflexion sur le cinéma, le film donne à voir et penser le Hollywood de la fin des années soixante, qui continue à produire des films mais qui déjà a largement investi l’univers de la télévision et des séries. Des générations, y compris européennes, ont été nourries par les séries Mannix, FBI, Lancer, Tarzan (la version de Ron Ely), évoquées tout au long du film. La scène d’ouverture est précisément le générique d’une série télévisée, qui met en scène un chasseur de primes, façon Au nom de la loi, soit un certain Jack Cahill, interprété par Rick Dalton (joué par Leonardo DiCaprio), doublé comme d’habitude par le cascadeur Cliff Booth (incarné par Brad Pitt). Prétexte avec l’arrivée d’Al Pacino d’évoquer les tournants que doivent prendre les acteurs : choisir (ou cumuler) entre cinéma et télévision, se résigner (ou non) à aller tourner en Italie des westerns italiens… Ah, ce moment délicieux où Al Pacino évoque Sergio Corbucci, « le deuxième plus grand réalisateur de western spaghetti ». Leonardo DiCaprio joue un acteur qui pleure, se cherche et doute. Comme l’Amérique elle-même, confrontée notamment à la guerre du Viêt Nam et la montée du phénomène hippie.
Once Upon a Time… l’Amérique et Hollywood. En jeu, l’Amérique vue et construite par Hollywood et le roman national imprimé sur pellicule. Quentin Tarantino, finement, tout en suggestions, avec l’excellence du scénario et de la réalisation, évoque cette Amérique qui, face au phénomène hippie, était bien méfiante (scène de Brad Pitt au ranch Spahn), sinon hostile (communauté qui ne doit évidemment pas être réduite et assimilée à celle de Charles Manson). Manière de se rappeler qu’en 1969, le « Summer of Love » a déjà ripé vers l’acide et la violence. Cette Amérique s’interroge également sur les valeurs et les principes. Une réplique de l’une des filles du « clan Manson » glace le sang! Cela fait des années qu’Hollywood et ses acteurs ne cessent de nous montrer des assassins à l’écran. On nous injecte ces scènes violentes qui ont fait de nous des tueurs. En vrai.
Once Upon a Time… Sharon Tate. En 1969, le massacre de Cielo Drive à Los Angeles propulse la pauvre Sharon Tate au rang de célébrité. Elle n’était pas forcément connue, y compris aux États-Unis. Incarnée par Margot Robbie, Sharon Tate se montre très touchante dans la scène où elle s’apprête à voir The Wrecking Crew au cinéma, où elle joue aux côtés d’Elke Sommer et Dean Martin, dans la peau de Matt Helm. L’affaire Manson et Sharon Tate sont ainsi au cœur du film et c’est bien autour de cette histoire que tout gravite. Le génie du film est de tisser des histoires à l’intérieur de cette intrigue…
Once Upon a Time… Tarantino. Étonnant, détonnant, le neuvième film de Quentin Tarantino est assurément le plus raffiné, le moins bavard, le plus sensible. Étonnant, détonnant, c’est le même Quentin Tarantino qui déboulonne les statues : la scène avec Bruce Lee, le Kato du Frelon vert, que l’on voit ridiculisé (ce qui a déjà valu à Quentin Tarantino la réaction de la fille de Lee), mais aussi les allusions peu élogieuses au western spaghetti. Manière de s’interroger sur l’homme de cinéma qu’est Tarantino, qui excelle dans ce registre ironique et grave, truffé par ailleurs de citations et de clins d’œil au cinéma des autres (on adore l’allusion à The Wrecking Crew, produit à l’époque par la Columbia qui n’est autre aujourd’hui que le producteur d’Once Upon a Time in… Hollywood, cinquante ans après) et au sien. Ce réalisateur possède l’art de concocter des fins et de réécrire l’histoire et celle aussi du cinéma : comme le montre le film avec Rick Dalton jouant dans La Grande Évasion, à la place de l’acteur Steve McQueen, ici magnifiquement incarné par Damian Lewis. Un bijou cinématographique.