Oudrymania à Chantilly

Publié le 05/07/2024

De J. B. Oudry, illustration pour « Le Renard, le loup et le cheval » des Fables de La Fontaine

Château de Chantilly/musée Condé

On se souvient, sans en connaître le sens, que Louis XVI écrivit dans son journal à la date du 14 juillet 1789 : « Rien ». Il a été facile à ses détracteurs de l’accuser de négligence dans les affaires de l’État, alors que la révolte grondait à Paris. En réalité, le souverain n’avait rien pris à la chasse, qu’il pratiquait presque journellement. Comme le souligne Oriane Beaufils, conservateur au musée Condé et commissaire d’une exposition consacrée à Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), « la chasse [était] plaisir et rite presque quotidien des rois de France ». Il suffit de contempler les œuvres de Snyders, Rubens ou Paul de Vos et plus encore de Desportes. La chasse n’était pas seulement un passe-temps, mais encore une école qui permettait d’aguerrir les jeunes et les moins jeunes qui la pratiquaient.

Rien ne prédisposait Jean-Baptiste Oudry à devenir peintre animalier et plus encore cynégétique. D’abord formé dans l’atelier de Nicolas de Largillière, plus connu comme portraitiste, il fut reçu à l’Académie royale de peinture en 1719 avec une Allégorie de l’Abondance, dans laquelle apparaissent quelques chèvres et une vache, souligne avec un brin d’ironie Oriane Beaufils. S’agissait-il d’un présage ? Déjà dans ses portraits, il avait introduit des animaux, notamment des chiens. Il réalisa en effet, dans la décennie qui suivit, six compositions dont La Chasse au cerf, La Chasse au loup et La Chasse au sanglier, qui marquèrent les esprits. Ce qui le conduisit à imaginer trois nouvelles scènes de chasse destinées au décor de la salle des Gardes du château de Chantilly. C’en était fait, ces tableaux et les suivants, les copies et les répliques lancèrent, selon le mot de la commissaire, « l’Oudrymania ».

Oudry devint le spécialiste des scènes cynégétiques. Son succès fut tel que « les chasseurs se faisaient un plaisir de lui envoyer de toutes parts », rapporta en 1761, l’abbé Gougenot, son premier biographe. Louis-Henri de Bourbon, septième prince de Condé, avait une passion pour la chasse, il souhaitait la partager avec ses proches grâce aux compositions d’Oudry ; de son côté, le roi Louis XV reconnut son talent et le nomma « peintre ordinaire de la vénerie royale ». Oudry prit très au sérieux cette charge et suivit les chasses royales saisissant les scènes cynégétiques, ce qui le fit surnommer « le peintre des chiens ». Les compositions d’Oudry inspirèrent des cartons de tapisserie à Beauvais et plus tard aux Gobelins, dont il fut nommé inspecteur de tous les travaux dans cette manufacture. L’artiste s’est également intéressé aux animaux sauvages, laissant des sanguines, exposées au musée Condé, comme le Combat de léopards (1751), ou, sur papier bleu, Combat d’éléphants et de léopards (1745). Si l’on note de nombreuses feuilles bleues, elles étaient moins fragiles que celles réservées aux sanguines et… moins onéreuses. C’est sur celles-ci qu’il composa les illustrations des Fables de La Fontaine (Paris, Desaint & Saillant et Durand, 1755-1759), qui contribuèrent à sa renommée.

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