Passeport d’Alexis Michalik au Théâtre de la Renaissance

Publié le 26/03/2024

Théâtre de la Renaissance

Ce « Passeport » ne tiendra peut-être pas aussi longtemps à l’affiche qu’« Edmond » mais il est promis à un inévitable succès, tant le système Michalik est au point. Un rythme endiablé, un enchaînement de situations, un humour potache, des personnages pittoresques, des comédiens épatants dans des rôles multiples, et ce rythme sans faille, bien plus rapide que celui de Feydeau – pourtant fort vif – et, pour poursuivre la comparaison, une bienveillance sans la cruauté de son aîné, ainsi que des tranches de vie sociale de notre époque bien éloignée des adultères IIIe République.

Pas de message politique dans cette description de l’immigration, pas d’introspection psychanalytique dans cette quête d’identité, pas de présentation crépusculaire de la jungle de Calais, mais une épopée grandiose et bordélique à la Easy Rider pleine de rebondissements, avec un trio de Don Quichotte-SDF au sacré caractère, qu’il s’agisse du Tamoul Arun, du Syrien Ali, compagnons d’infortune d’Issa devenu amnésique à la suite de coups reçus dans le camp de réfugiés et qui ne possède plus que son passeport érythréen. Nous les suivons à l’hôpital, sous une tente, dans un container ou les cuisines de restaurants où ils trouvent toujours un emploi, les jungles administratives pour régulariser leur situation d’apatrides, une bibliothèque municipale, ascension vers la reconnaissance et l’identification.

Autre destin, celui de Lucas, jeune noir né à Mayotte, adopté par des Français un peu beaufs installés à Calais, devenu gendarme et lui aussi en quête d’identité. Deux figures féminines, des Françaises bien intégrées qui aideront à l’insertion et une intrigue policière qui n’est pas le meilleur de l’entreprise.

Le meilleur, c’est la bande de comédiens tous performants dans ce marathon sans pause (Jean-Louis Garçon est un Lucas tout en finesse) c’est la force corrosive de cette épopée, montrant l’énergie vitale de ces nomades soudés par un destin commun et leur capacité à transformer la détresse en farce. La patte Michalik donnant à la tragédie de ces errants une vérité brute, plus forte que celle du pathos ordinaire qui oublie souvent la mise en cause des responsables de ces désastres.

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