Quand l’Op Art électrise le cinéma au MAMAC

Publié le 20/09/2019

MAMAC

L’exposition « Le diable au corps. Quand l’Op Art électrise le cinéma » au MAMAC de Nice met à l’honneur les liens entre cinéma, art optique et cinétique, voyeurisme érotique, hallucinations, art abstrait, histoire des formes et discours sur l’art. Ou comment l’Op Art a-t-il été récupéré par le cinéma… Prétexte à un parcours inédit que l’on peut voir comme une part de l’histoire du cinéma et de l’histoire de l’art. Au fait, qu’entend-on par « récupération » ? Et d’abord, c’est quoi l’Op Art ?

On s’en voudrait de déflorer ici les sujets. Accueillis dès l’entrée par Brigitte Bardot chantant Contact (une pépite signée Gainsbourg), « BB », filmée parmi les œuvres du musée d’Art Moderne de Paris en 1967, et habillée en robe façon plaques d’aluminium (Paco Rabanne crée à cette époque ses robes « armures » pendant que les frères Baschet habillent les mannequins du film Polly Maggoo, autre moment culte), l’univers comme le décor sont plantés : les visions condensées et spatio-dynamiques d’un Nicolas Shöeffer annoncent les travaux sur et à partir de la lumière, dont les cinéastes, décorateurs, monteurs, photographes ne pouvaient pas s’emparer, des Demoiselles de Rochefort à Orange Mécanique, en passant évidemment par Blow Up – une histoire de photographe, justement – et d’autres bijoux de l’art cinétique. Ah, ces séquences de L’Homme au pistolet d’or (James Bond façon Roger Moore et Guy Hamilton en 1974) ou de Casino Royale (1967) ! Le parcours de l’exposition donne à voir les œuvres de Vasarely, les interprétations des créateurs face à la cinétique… À la mécanique Très stable (1956) de Jean Tinguely fait écho Instabilité (1962) d’Yvaral. Alors, l’Op Art, alibi filmique ou véritable sujet de l’œuvre cinématographique ? C’est aussi à cette question cruciale que permet de répondre cette exposition excitante. Comment le cinéma des années 1960 et 1970 fut-il influencé par le courant cinétique ? Comment a-il exploité cet univers aux possibilités combinaisons multiples ? Était-ce un simple prétexte « décoratif » ou un vrai changement dans le cinéma, déjà bien bousculé par la nouvelle vague qui n’a pas été en reste face à ce mouvement : Doniol Valcroze, Truffaut (est ici diffusée évidemment la fameuse séquence du manège des Quatre Cents Coups), Godard. Claude Lelouch aussi, dont les visiteurs pourront voir un extrait (le seul qui demeure du premier film de Claude Lelouch : Le propre de l’homme). Ce n’était pas qu’une affaire de jeunes loups du cinéma. L’exposition met en valeur le travail d’un Michael Powell, d’un Henri-Georges Clouzot à travers La Prisonnière et surtout L’Enfer, film inachevé avec Romy Schneider, dont l’affiche de l’exposition s’inspire. C’est dire.

L’Op Art, histoire d’un succès et d’une décadence ? C’est également l’une des questions que pose l’exposition. Sur fond de combat artistico-politique (cf. les mots d’ordre du GRAV), le cinéma est-il devenu tachiste, psychédélique, conceptuel ? Comment le cinéma à son tour s’est-il moqué de la création cinétique, expériences d’avant-garde dont s’étaient vite emparés les designers, la publicité, la mode ? Revoir avec gourmandise l’extrait de L’œil du Monocle (et tout le film) avec le délicieux Paul Meurisse faisant l’expérience d’un atelier d’artiste, il en tombe son pistolet… Le cinéma a-t-il donné ses heures de noblesse à cet art ou a-t-il accéléré sa décadence en en le rangeant au rang de simple accessoire et de citation ? Au-delà des plaisirs visuels – la moindre des choses, vu le thème – l’exposition interroge profondément sur les enjeux du cinéma, de l’art et sur leurs liens forcément amoureux et ambigus.

Avant de tourner Taxi, Gérard Pirès avait réalisé Erotissimo. C’était en 1969. Dans l’appartement d’Annie Girardot, une sculpture de Nicolas Schöeffer et des sérigraphies de Vassarely. Brigitte Bardot chantait en 1968, immobile, Contact, comme si elle venait d’une autre planète. Julio Le Parc avait déjà créé Continuel Lumière et les Lunettes pour une vision autre. La même année, Courrèges sortait les lunettes Eskimo.

L’Op Art, toute une époque… C’était franchement chouette.

LPA 20 Sep. 2019, n° 147v8, p.13

Référence : LPA 20 Sep. 2019, n° 147v8, p.13

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