Quel sens à l’art dans la société humaine ?

Publié le 23/03/2021

Quel sens à l’art dans la société humaine ?

La Vierge à l’Enfant.

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L’art est-il essentiel pour nos vies ? René Huyghe disait : « L’art est essentiellement un moyen matériel d’atteindre, de montrer et même d’introduire dans le monde des sens les forces spirituelles ».

L’art regroupe la musique, l’architecture, la poésie, la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma, et chaque création est une vie de la pensée, l’expression d’une réflexion. L’art, nous le savons, favorise les relations et les échanges amicaux entre les hommes et les peuples. D’autre part, tout art émerge de sentiments, d’émotions, de désirs, mais principalement de réflexions et d’intuitions. L’art, en l’étudiant, à travers les époques de l’histoire de l’humanité, montre une nécessité dans la vie des hommes, nécessité de s’exprimer et d’expérimenter. Un compositeur, un architecte, un peintre ou un poète exprimera et proposera ainsi son vécu, suivant la spécificité psychologique qui est la sienne. Un artiste se distingue, de cette façon, par ce qu’il est psychiquement et émotionnellement, par ce qui le motive. Et la raison d’être d’un art est d’exprimer une certaine qualité subjective nous permettant de comprendre le dessein de son créateur.

Nous pouvons donc dire que l’art reflète l’homme, qu’un art reflète la société et l’époque où il s’élabore. Influencé par des facteurs subjectifs, émotionnels ou intellectuels, l’art peut soit grandir ou avilir, montrer des images qui tendent à la joie ou au désordre. Mais l’art répond, de toute évidence, à la psychologie d’une époque, aux besoins psychologiques et mentaux des hommes à un moment de leur histoire.

Jusqu’à une certaine époque, les artistes montrèrent, avec les couleurs et les formes, l’idée d’une harmonie, pour éveiller et transmettre des connaissances. Ils le firent selon leur compréhension et sensibilité. Un jour, cependant, pour des raisons diverses, ils voulurent aussi montrer la laideur du monde. C’est ainsi que des artistes, à partir d’une remise en question de l’art, tel qu’il se présentait, se laissèrent aller à leurs impulsions premières. Ces impulsions, émotionnelles et intellectuelles, pouvaient dès lors être l’objet d’actes créateurs. Nous sommes aujourd’hui les témoins d’où cela nous a menés : on confond, très souvent, bruit et son, vulgarité et beauté, dissonance et harmonie. On confond ce qui est instinctif et l’acte maîtrisé et spontané tel qu’il s’applique dans la pratique de la calligraphie chinoise et japonaise, par exemple.

Il y a plusieurs siècles, l’art, en Europe, était au service de la religion. C’était sa fonction, et il y avait une certaine servilité de la part des artistes. L’art servait à introduire, dans la vie sociale, des idées, liées aux dogmes et aux croyances. Formes et couleurs devaient répondre à des thématiques spécifiques, et un discours imagé et symbolique s’était structuré. Une influence païenne s’exprimait toutefois assez librement chez quelques artistes, mais l’aspect religieux s’imposait plus généralement à leur activité par l’intermédiaire de conditions extérieures plutôt que comme résultat d’une véritable expérience personnelle et spirituelle, à quelques exceptions près bien sûr. Les scènes, ou histoires religieuses transmises par les artistes étaient le plus souvent assez conventionnelles, bien que, pour un certain nombre de chefs-d’œuvre, nous puissions identifier la marque d’artistes qui surent se démarquer du conformisme. Car cette servilité envers les thèmes pouvait être contournée par le simple fait d’exprimer sa propre conception ou sensibilité, tout en restant dans la thématique précise de l’histoire. L’artiste transmettait alors son expérience, son vécu, et sa vocation était d’atteindre le cœur humain.

De cette façon, jusqu’au XIXe siècle, une majorité d’artistes se préoccupait toujours d’améliorer le côté technique de leur travail plutôt que de rechercher le sens des thèmes qu’ils représentaient. C’est pour cette raison qu’une violente réaction se fit devant la beauté plastique et superficielle encore de règle, par ceux que l’on nomme les « modernes », et qui prônèrent l’opposé. Ils prétendirent en effet que les banalités et laideurs de la vie quotidienne devaient être aussi des sujets, des thèmes pour la création. D’après eux, cette attitude permettrait d’atteindre une authenticité de vécu.

La raison de ce rejet des règles et des conventions semble être due aux difficultés de la concurrence que rencontraient alors beaucoup d’artistes, en ces temps où la photographie et le cinématographe commençaient à produire des scènes les plus variées. De ce fait, l’intérêt du public pour la peinture ou la sculpture tendit à décroître. Les portraits peints, par exemple, ne furent plus à la mode. Ces facteurs, ainsi que la tension économique, conduisirent les artistes à choquer le public pour attirer son attention, et à remettre en question les valeurs esthétiques communes et symboliques.

LPA 23 Mar. 2021, n° 160c3, p.23

Référence : LPA 23 Mar. 2021, n° 160c3, p.23

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