Raoul Dufy, un décorateur flamboyant

Publié le 27/04/2017

Raoul Dufy, Éléphants et fleurs, projet de tissu pour Bianchini-Férier, gouache, 70 x 48 cm, collection particulière.

Photo Jean-Louis Losi

De Raoul Dufy, on retient les toiles colorées sur le thème des courses, des marines, des baigneuses. Il est ce peintre lumineux, mais sa création est plus large. Ouvert, éclectique, curieux d’autres expressions, il s’intéresse à l’art décoratif au début du XXe siècle.

Ce « peintre du plaisir », ainsi le qualifiait la collectionneuse Gertrude Stein, a su élargir sa vision artistique en créant des dessins pour tissus divers : soie, brocart, damas, décors de théâtre, céramique, tapisseries. Il souhaitait affirmer le lien entre ces démarches décoratives et la peinture ou la gravure. Proche du groupe impressionniste, intéressé par le travail de Paul Cézanne puis adhérent du fauvisme, il ne s’est pas limité à tel ou tel mouvement et a toujours privilégié la recherche, l’innovation.

C’est ce que met en relief l’exposition organisée ce printemps à Évian en choisissant de présenter l’œuvre décorative dans toutes ses facettes. La rencontre de Raoul Dufy avec Paul Poiret en 1909 marque un tournant dans sa création. Le couturier le présente à Guillaume Apollinaire qui le sollicite pour l’illustration de son Bestiaire. Raoul Dufy grave sur bois 39 planches, une œuvre où se côtoient primitivisme, art grec et oriental, qui séduit Paul Poiret et sera le point de départ de leur collaboration. En 1910, le couturier ouvre un atelier d’impression sur tissu, La Petite Usine, dont le peintre est le directeur artistique. Il compose des modèles à la gouache sur papier et à l’aquarelle ; par son invention, il donne un nouveau souffle à la saison de Paul Poiret qui imprime ses dessins. Puis, l’année suivante, Raoul Dufy s’engage en exclusivité avec la maison lyonnaise Bianchini-Férier et compose une grande variété de motifs figuratifs et abstraits aux brillantes couleurs : fleurs, fruits, éléphants qui se mêlent au feuillage en une élégante schématisation de la ligne simple, en arabesque parfois, expressive. L’artiste ne cesse de se réinventer. Il réalise également des tentures pour décorer les trois péniches de Paul Poiret : Amour, Délices, et Orgues, d’un véritable raffinement. Les études exposées révèlent les recherches du peintre.

Ces imprimés originaux séduisent par leur modernité durant les Années Folles où on aime le luxe, où tout semble permis et où la vie est comme une fête dans les milieux aisés. Raoul Dufy a réalisé des cartons de tapisserie pour le mobilier : fleurs joyeuses où domine le rouge, architectures stylisées. Sont exposés fauteuils, canapé, ainsi qu’un paravent illustrant en quatre panneaux les principaux monuments de Paris disséminés dans l’espace, tandis qu’une guirlande de roses épanouies occupe le premier plan.

Passionné par les arts appliqués, l’artiste s’initie à la céramique avec Josep Artigas. Il invente des « Jardins de salon », sortes de jardinières à l’intérieur desquelles figurent escalier et fontaine qu’il décore toujours en de vivantes couleurs. Ce sont aussi des vases sur lesquels figurent naïades ou guirlandes fleuries.

Autre création importante, La Fée Électricité, figurant au musée d’art moderne de la ville de Paris, fresque immense réalisée lors de l’Exposition internationale des arts et techniques appliqués. Un décor allégorique en hommage aux 109 savants, tous présents dans ce panneau, qui ont participé au développement de la lumière avec des effets de transparence, de rayonnement.

Dans les années 1930, la tapisserie d’Aubusson renaît grâce à Marie Cuttoli ; elle commande notamment à Raoul Dufy un Hommage à Mozart et un Panorama de Paris, ce sera un succès. Ce peintre-artisan, comme il aimait se présenter, a réalisé des décors de théâtre et d’intérieurs où se sont épanouies sa créativité, sa liberté. Cet artiste a toujours démontré un goût pour le bonheur.

 

LPA 27 Avr. 2017, n° 124r7, p.24

Référence : LPA 27 Avr. 2017, n° 124r7, p.24

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