Une cotte de mailles bien serrée

Publié le 08/08/2022

DedMityay/AdobeStock

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur: « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

« Il faut admettre, cependant, que le trophée, c’est-à-dire la cotte de mailles de Monaldeschi, fut transféré à Saint-Cyr avec le matériel de la première époque, bien qu’aucun registre d’entrée ne l’indique car, en 1857, nous retrouvons sa trace au musée d’artillerie de Saint-Thomas d’Aquin, avec une note indiquant que Saint-Cyr le lui avait versé. Plus tard, en 1861, on le remet aux Tuileries, où l’Empereur le réclame pour le faire figurer dans le musée d’armes qu’il organisait à Pierrefonds. C’est de là qu’il vint occuper au palais de Fontainebleau le piédestal où on l’exhibe, aujourd’hui, au grand frémissement des touristes. Les souvenirs de Monaldeschi auraient-ils pris un chemin de traverse au milieu de leurs nombreuses pérégrinations, pour être substitués à d’autres moins authentiques ? Nous trouvons, en effet, un second itinéraire. Un ancien fonctionnaire du Palais de Fontainebleau affirme qu’avant 1834, les deux objets figuraient déjà au musée d’artillerie, place de Saint-Thomas-d’Aquin. À cette date, Louis-Philippe les aurait fait remettre à Fontainebleau, qu’ils n’auraient pas quitté depuis cette époque.

Le temps me manquant pour pousser plus loin enquête, d’autres feront les recherches nécessaires pour établir la vérité. J’en resterai aux conjectures que me suggèrent ces deux versions contradictoires et j’étudierai la question sous une autre face.

Au premier coup d’œil, pour un amateur exercé, la cotte exhibée fait songer à celle d’un homme d’armes du Moyen Âge, bien plus qu’à celle d’un seigneur italien du XVIIe siècle. Ses larges mailles, rompues par deux ouvertures à fourrer le poing, font mal augurer des armuriers qui l’ont fabriquée. Bref, la défiance commence quand on scrute le tricot de fer et l’on arrive à cette conclusion : la cotte de Monaldeschi n’est pas du XVIIe siècle. Ses larges mailles la font remonter au moins au XVe siècle. Consultez tous les musées d’artillerie : ceux des Invalides à Paris, du Belvédère à Vienne, de la Tour de Londres, de l’Ameria Real de Madrid et de Tzarkoïé-Selo en Russie, vous verrez ce qu’étaient les cottes de 1657, orientales ou européennes. Dans certaines, le tissu était si serré qu’aucune pointe ne pouvait passer au travers ». (À suivre)

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