Une rareté dans le domaine de l’amateur

Publié le 07/08/2024

Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) fut nommé en 1846 bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile parues en 1861. Cet ouvrage se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (la comtesse de Ranc… [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des lettres. Nous poursuivons la publication de la Lettre XIII consacrée à « De Boze ».

« Mais je suis bien trompé si M. Villenave n’a pas fait, à ce sujet, une grande méprise. D’abord, il donne fort improprement à ces quelques pages le titre de catalogue ; elles ont, à la vérité, une pagination distincte, mais elles sont tout simplement intitulées : Supplément, livres retirés. En effet, elles ne contiennent qu’une suite d’articles qui font lacune dans les numéros du catalogue, et que, par un motif ou par l’autre, on ne voulut pas exposer en vente. Avant de connaître ce supplément, et d’après la nature du livre cité par M. Villenave, j’avais cru que ces pages présentaient beaucoup de productions du même genre, retirées par respect pour la morale publique : ce n’est nullement cela. On y trouve bien quelques autres ouvrages un peu hasardés, tant sous le rapport moral que sous le rapport religieux, mais il y a tout lieu de croire que le motif principal qui fit retirer ces articles fut la rareté, l’excellence des éditions qu’on y remarque, ou d’autres considérations tenant à des goûts particuliers. Rien n’a donc pu motiver ce titre de Petit Boze, auquel M. Villenave, en raison de sa citation, semblerait entendre un peu malice. Ce titre qui, hors le sens que je l’indique, n’en aurait, ce me semble, aucun, attribué à un supplément aussi restreint, a plutôt été donné au second catalogue publié par Martin en 1754, volume de cent quatre-vingt-douze pages, que M. Villenave n’avait probablement pas présent à l’esprit. J’ai vu souvent, en effet, dans des notes, tantôt imprimées tantôt manuscrites, ce volume désigné par le titre de petit catalogue de de Boze. Il faut donc, en définitive, laisser les quatorze pages dont j’ai parlé pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire pour un supplément qui, par l’intérêt qu’il présente, comme par sa rareté, fait partie intégrante et presque nécessaire du catalogue de 1753, auquel tout bibliophile un peu exigeant doit être désolé de le voir manquer.

Je ne pousserai pas plus loin, Madame, l’examen de ce qui est relatif au savant bibliophile sur lequel vous avez désiré quelques détails. Tout le monde n’est pas de la même religion que nous, et il faut un tant soit peu de fanatisme pour pardonner certaines longueurs. En résumé, de Boze, y compris son goût pour la bibliographie, restera un des hommes les plus marquants de la première moitié du XVIIIe siècle, et cela malgré quelques lignes dénigrantes d’un homme plus savant, plus illustre, j’en conviens, qui le suivit de près dans les deux académies. » (À suivre)

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