A star is born
Yonathan Kellerman – OnP
« Il était une fois un gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu’on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le Mari avait de son côté une jeune fille, mais d’une douceur et d’une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa Mère, qui était la meilleure personne du monde » ; c’est ainsi que commence le conte de Charles Perrault, Cendrillon ou la petite pantoufle de verre.
Mille fois racontée aux enfants, cette histoire compte parmi les plus célèbres. Ce conte doit son succès mondial au long-métrage de Walt Disney, sorti en 1950.
Cendrillon ne cesse de faire briller les yeux et chanter les cœurs des petits, toutes générations confondues.
Pourtant, en 1986, quand Rudolf Noureev veut créer son Cendrillon pour l’Opéra national de Paris, il souhaite en donner une nouvelle version. Celle-ci va s’inspirer de sa propre existence. Lui, petit Tatar ayant fui sa condition misérable et qui, à force de travail et d’obstination, pourra quitter l’URSS et devenir une star de la danse, et quelle star… C’est ce destin transfiguré qui va l’inspirer pour chorégraphier ce ballet.
Se fondant sur la partition du ballet de Serge Prokovief, il souhaite rendre Cendrillon plus merveilleuse et plus humaine. Il choisit ainsi de transporter l’histoire dans l’univers hollywoodien des années 1930, avec des décors de Petrika Ionesco, inspiré par le film réalisé en 1927 de Fritz Lang, Metropolis.
Cendrillon, découverte par un producteur de cinéma, fait ses débuts à l’écran et conquiert le cœur de l’acteur-vedette, qui la sauve de la misère et de sa méchante famille, relève son talent et la propulse en haut de l’affiche. Cette ascension fulgurante raisonne comme une success story, une réussite éclair, à l’américaine, qui prouve que le rêve peut parfois devenir réalité…
C’est cette version qui se joue – ou plus exactement se danse ! – actuellement à l’opéra Bastille. Un vrai spectacle de Noël pour petits et grands, entre féerie et entertainment, divertissement à l’américaine.
Tout est juste dans ce spectacle : les danseurs prennent un réel plaisir à exécuter toutes les danses du répertoire, dont certaines danses de caractère allant même jusqu’aux claquettes ; la musique interprétée par l’orchestre Pasdeloup, sous la direction de Vello Pähn ; et les décors : des studios de cinéma à un King Kong géant, aux mécanismes de l’horloge, la scène est grandiose et fait référence aux grandes heures des studios d’Hollywood, d’un Chaplin ou d’un Lubitsch.
L’interprétation de Cendrillon, ce jour-là par Ludmilla Pagliro, est d’une intensité forte ; l’acteur-vedette, Germain Louvet, réalise une vraie performance. Quant aux rôles d’Anastasie et Javotte, les deux méchantes sœurs de Cendrillon, interprétées par Émilie Cozette et Ida Viikinkoski, constitue un pur moment de fantaisie et de facétie. Toutefois, il ne faut pas oublier le rôle de la marâtre, incarné par Alexandre Gasse, un homme sur pointe dans un rôle de femme constitue toujours un moment de bravoure, fort bien maitrisé. Il y a un vrai plaisir à voir la troupe sur les planches de l’opéra Bastille.
Ce ballet est un hymne à la danse, mais aussi à la force de croire en ses rêves, ou comment l’art peut transfigurer les hommes et les femmes, pourvu que le talent existe.