Éric Rohmer, critique de cinéma

Publié le 04/05/2020

Capricci

Éric Rohmer aimait-il Raoul Walsh ? Que pensait-il de l’École Russe et du néo-réalisme italien ? Pourquoi tenait-il Tabou de Murnau et Que Viva Mexico ! d’Eisenstein pour les deux plus grands films de l’histoire du cinéma, même si ce n’est pas Eisenstein qui a fini le film ? Pourquoi l’encensé La loi du Seigneur était-il selon lui un film « académique » ? Au fait, quelle est la différence entre « académique » et « classique » ?

Au sujet d’Éric Rhomer, le réalisateur de la Nouvelle Vague et d’après, les appréciations sont diverses. Se souvenir quand même du film Le Genou de Claire et de Laurence de Monaghan. Mais c’est ici d’Éric Rohmer, critique de cinéma, dont il s’agit. La parution du livre Le sel du présent. Chroniques de cinéma est un vrai cadeau et il faut remercier Capricci, et Noël Herpe, qui en a établi l’édition et qui signe une riche et passionnante préface. Noël Herpe a choisi de regrouper des articles rédigés par Rhomer de 1950 à 1959, parus dans plusieurs revues de l’époque (Arts, La Parisienne, L’Opéra, La Gazette du cinéma). C’était au temps de la cinéphilie, analysée par ailleurs de main de maître par Antoine de Baecque. Noël Herpe a choisi de ne pas les ordonner chronologiquement mais de les regrouper de façon thématique. C’est bien vu et cela donne à lire le livre comme une sorte d’histoire critique du cinéma…

Nous ne sommes pas obligés d’avoir partagé et de partager les avis de Rohmer. On pourrait en discuter longuement : défendre par exemple La chronique des pauvres amants de Carlo Lizzani, qui ne méritait pas d’être descendu de la sorte, ne pas être d’accord avec sa vision de High society, ou évoquer le film Mirage de la vie comme un exemple de remake parfaitement réussi… Le but de la critique étant de susciter le débat, le livre fonctionne donc encore en 2020 ! D’autant que la qualité du travail de Rohmer, sa connaissance du cinéma mondial, la vigueur de ses conclusions, sa façon d’argumenter, la force de ses sentences invitent à la réflexion et l’analyse. On ne saurait passer sous silence la qualité de son écriture. Rohmer cinéaste bien sûr, mais Rohmer écrivain également. On peut le trouver injuste, parfois avec l’esprit de système. Mais cela fait précisément « le sel » de ces articles regroupés comme dans un « panthéon programmatique », pour reprendre l’image de Noël Herpe. Défilent sous sa plume les westerns, le mélodrame, la comédie musicale, le cinéma américain, français, suédois, espagnol, indien, italien. Cela donne au passage envie de revoir tous les films qu’il a chroniqués y compris évidemment ceux qu’il a démolis…

« Qui n’a pas la poésie dans le sang doit préférer la prose aux alexandrins », écrivait-il. Cette pétition retentissait comme un appel à l’exigence cinématographique.

LPA 04 Mai. 2020, n° 153q4, p.14

Référence : LPA 04 Mai. 2020, n° 153q4, p.14

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