Fenêtres sur cours

Publié le 30/03/2017

L’hôtel-restaurant Fournaise, René Joseph Gilbert.

Chatou, musée Fournaise

Voilà un thème d’exposition original : découvrir l’envers du décor dans les cours de palais et de fermes, les cloîtres et les patios. Que se passe-t-il dans ces lieux retirés ? Notre (saine) curiosité est alertée et voici que se dévoile cette vie intime, particulière en différents lieux, du XVIe au XXe siècle, en 90 tableaux issus de collections publiques et privées.

Intéressés, tant par la vie quotidienne propre à chaque lieu et selon les siècles que par l’architecture, les artistes ont saisi ces moments avec vérité, parfois imagination et souvent poésie.

L’exposition se décline en sept sections qui permettent de bien cerner la spécificité de chaque cour. L’atrium est très présent dans la peinture d’histoire avec ses colonnades ; bien des événements s’y déroulent, en témoigne l’œuvre de William Bouguereau dans sa composition classique relatant un épisode de l’histoire d’Ulysse. Plus intimes, plus près de nous, les « Patios bleus » infiniment poétiques de Santiago Rusiñol révèlent les tâches quotidiennes, ainsi l’accrochage du linge. Le patio est une extension de la maison, la peinture orientaliste s’en est beaucoup inspirée. L’atmosphère est tout autre avec le cloître, espace clos ouvert sur un jardin bien ordonné et propice à la méditation dans le silence. La toile de Jodocus Sebastiaen Van den Abeele (1797-1855) évoque le bâtiment, ses arcades et une ouverture sur l’extérieur, tandis que celui de Georges François Castex est empreint d’une grande poésie.

Grandioses avec leurs imposantes colonnades, les cours de palais sont évoquées, en particulier pour leur architecture majestueuse. Artistes néerlandais et français ont capté cette beauté des pierres entre ombre et lumière. Ici, l’être humain est absent. Fort variée, l’exposition emmène le visiteur dans des cours qui n’ont rien de commun entre elles. Ainsi celles des fermes, où règne parfois un certain désordre, symboles de la vie paysanne active ; Jean-Baptiste Corot les évoque en tonalités d’ocres avec vérité, on découvre au premier plan une fermière soignant ses poules. Celle de Pierre Bonnard est ensoleillée. On retrouve l’atmosphère de la campagne dans des toiles souvent réalistes.

La cour comme lieu de vie à l’abri des regards réunit parents et amis pour jouer et boire ; cela peut être également une terrasse ou une cour de manège pour cavaliers, lieux où l’on se retrouve. Dans les cours urbaines il arrive que l’on observe l’autre, on colporte parfois des cancans ; c’est ce qu’évoque Pierre Duval Le Camus au début du XIXe siècle avec un attroupement autour de la « portière » souvent aux aguets. La détente, la paix se trouvent dans le jardin de la Maison Fournaise vue par René Joseph Gilbert.

Qui n’a eu un jour le désir de pousser la porte d’un hôtel particulier pour découvrir les jardins intérieurs ? Ils ont inspiré des peintres qui se font témoins de cet art de vivre, d’autres révèlent l’évolution de l’architecture urbaine. Les bazars, lieux fermés et animés ont inspiré nombre d’orientalistes séduits par cet exotisme, cette atmosphère si particulière. Paris, Rome, l’Orient, autant de visions diverses dans lesquelles les couleurs, les jeux d’ombre et de lumière, une foule bigarrée, évoquent la vie. On peut élargir la vision de la cour, qui devient parfois théâtre d’événements historiques ou mystiques dans un décor somptueux, telle Paysage architectual avec Dédale et Pasiphaé, œuvre classique du XVIIe siècle par Jean Lemaire dit Lemaire-Poussin. La cour devient symbolique dans Le Christ apparaissant aux apôtres par Maurice Denis dans l’harmonie des couleurs et des formes.

Réalisés au long de cinq siècles, ces tableaux, dans leur diversité d’approche, révèlent l’importance de la cour.

LPA 30 Mar. 2017, n° 125c8, p.16

Référence : LPA 30 Mar. 2017, n° 125c8, p.16

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