Fernand Khnopff, le maître de l’énigme

Publié le 03/01/2019

Des caresses, 1896, huile sur toile, 50,5 x 150 cm, Bruxelles.

J. Geleyns Art Photography

Un parcours intimiste pour la présentation de cet artiste à la forte originalité, complexe aussi. Phare du symbolisme belge, il a composé une œuvre aux nombreuses facettes, déclinée au fil de l’exposition en une mise en scène qui illumine l’art de ce peintre.

Dès l’entrée, l’atmosphère est créée avec la reconstitution du vestibule de la maison-atelier, que Fernand Khnopff a construite à l’image d’un temple avec un autel familial. Né à Grembergen en 1858, il passe son enfance à Bruges. L’ambiance de cette ville un peu décadente le fascinera toute sa vie. Il fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles de 1876 à 1879, années durant lesquelles il effectue de fréquents séjours à Paris. Il découvre alors les peintures de Delacroix et Gustave Moreau qui vont le marquer, tout comme il s’inspirera de la poésie des tableaux des Préraphaélites anglais : Burnes-Jones et Rossetti. Il est également passionné par la littérature française. C’est un dandy assez distant, vivant dans son monde comme en témoigne son œuvre.

À la peinture qu’il pratique cependant, Khnopff préfère le pastel, l’aquarelle, le dessin et la photographie réhaussée de pastel ou de crayon de couleur. Tous les thèmes qui l’ont inspiré, depuis les paysages jusqu’aux rêveries de la femme-sphinx ou femme-ange pour lesquelles il prend sa sœur pour modèle, figurent dans ce parcours révélant la diversité d’inspiration de cet artiste, chez lequel l’on retrouve l’onirisme, le repli sur soi. Khnopff est un solitaire qui pratique l’introspection.

Paysagiste, il évoque avec tendresse et sensibilité la sérénité de Fosset, hameau où, enfant, il passait ses vacances. On le découvre observateur attentif, savourant le silence ambiant. Il réalise également des vues très attachantes de Bruges, dans lesquelles il excelle à rendre les reflets sur l’eau, l’atmosphère si particulière de cette cité… Autre thème important : le portrait ; il peint et dessine sa sœur, souvent presque irréelle, d’élégantes représentations de sa famille ou encore de jeunes femmes évanescentes au regard perdu, remarquablement dessinées, parfois à la sanguine. Mystère et solitude marquent ces visages lisses. Il réalise des peintures à la palette sobre pour évoquer de jeunes enfants au regard grave, éloignés de l’insouciance et très présents sur la toile où l’importance est aussi donnée au cadrage.

Esquisses et études évoquent l’une de ses plus importantes compositions, Memories, qui ne peut être présente en raison de sa fragilité. Dans cette œuvre, l’artiste peint 7 fois au pastel sa sœur – sa muse – sur le même tableau, symboliste, qui traduit la solitude de ces personnages qui s’ignorent tout en se côtoyant ; chacune est plongée dans son monde intérieur.

Étrange, sensuelle, Des caresses est l’une des œuvres les plus célèbre de Khnopff ; dans une composition recherchée sur fond de marbre et de paysage antique, un personnage androgyne au regard lointain incline la tête vers la caresse d’un sphinx à tête de femme et au corps de guépard. Une allégorie courante au Moyen Âge, où l’homme se trouve devant un choix : le plaisir ou la puissance. Chez les symbolistes, la femme incarne la dualité et l’ambiguité du monde. Dans l’œuvre du peintre, elle est tour à tour l’ange, la muse, la tentatrice. La sensualité est souvent présente dans cette création porteuse de la puissance du rêve et de l’introspection permanente ; on la retrouve dans les nus finement dessinés toujours habités de ce mystère.

Le visiteur peut s’installer dans le « salon symboliste » avec de nombreuses animations et, au fil des salles, sentir des parfums différents, rappelant ceux qui flottaient dans la maison-atelier.

Par son imagination, Fernand Khnopff a donné vie à un univers clos sur lui-même, chargé de mystère dans une distinction mélancolique.

LPA 03 Jan. 2019, n° 141t7, p.16

Référence : LPA 03 Jan. 2019, n° 141t7, p.16

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