Hervé Di Rosa : la passion de la peinture

Publié le 28/03/2019

Victoire Di Rosa

Exposées dans le charmant musée du Touquet, situé dans une grande maison des années 1920 typique de la région du Nord, au cœur de la forêt, les 58 œuvres d’Hervé Di Rosa illuminent les murs blancs de leurs couleurs.

Le Touquet est réputé pour sa côte d’Opale, qui a attiré des artistes tels qu’Henri Le Sidaner, Fritz Taulow ou Eugène Boudin, tous séduits par cette douce lumière si particulière… Le musée possède des toiles de ces peintres, ainsi qu’une importante collection de photographies dédicacées. Il est, par ailleurs, le seul endroit de cette partie du Nord présentant des expositions d’art contemporain.

Quarante ans de peinture retracent l’incroyable parcours d’Hervé Di Rosa, artiste foisonnant et inclassable. Né à Sète, il va très vite rêver d’ailleurs : il commence par s’évader grâce à la lecture de bandes dessinées et aux cours de dessin. Après son baccalauréat, il prépare le concours de l’école des Arts Décoratifs à Paris. Reçu, il y étudie pendant 3 ans et rencontre le peintre François Boisrond, avec lequel il se lie d’amitié : ils participeront ensemble, avec Robert Combas notamment, au mouvement « Figuration Libre » qui s’oppose à l’art conceptuel, trop savant selon eux. La bande dessinée et la culture rock demeurent pour l’artiste ses sources essentielles. Il est peintre, mais voudrait se classer « entre Picasso et Walt Disney » ; Matisse et Dubuffet sont également ses maîtres !

Les œuvres de ses débuts reprennent les codes de la bande dessinée. Il affirme cependant sa liberté ; parfois, il se rapproche de l’Art Naïf. Déjà, la gamme colorée est puissante et l’espace presque saturé, comme le montre La Plus Belle Histoire du Monde. Puis, il commence à réaliser de grands formats, telle l’immense Attaque de la rue du Malheur, habitée par des pauvres et des prostituées amenant des monstres, impressionnante par le chaos représenté et peint en une écriture dynamique, et en une palette forte. Vers cette époque, il crée des personnages qui l’accompagneront dans différentes phases de sa création. Des fonds marins peuplés de poissons étranges, à l’expression presque humaine parfois, seront aussi représentés par ce créateur.

Si pour l’artiste l’art est affaire sérieuse, il s’amuse aussi en peignant des compositions singulières : comme L’Artiste et sa femme, représentés en Adam et Ève et entourés de monstres dans un « anti-jardin d’Eden ». Il ajoute à sa composition morceaux de verre et coquillages. Hervé Di Rosa excelle dans des narrations multiples réunies en un même tableau.

Peu à peu, la culture occidentale ne lui suffit plus ; avide de découvertes, il arpente le globe et s’imprègne de civilisations diverses… Il séjourne au Ghana, où il s’initie à la peinture locale et découvre les peintres de panneaux de coiffeur dans l’atelier d’un artiste africain. C’est ainsi qu’il réalise un Veau d’or, vénéré par les humains. Il se rend au Bénin, en Afrique du Sud… Le Mexique a été également une belle découverte. La matière devient plus lisse, les couleurs demeurent puissantes et l’on retrouve sa mythologie. En 1995, il découvre le travail de la laque au Vietnam et apprend avec un maître laqueur. L’Atelier et la maison aux insectes, une laque incrustée de nacre et de coquilles d’œuf, révèle son talent d’adaptation à d’autres techniques : une œuvre sereine.

Hervé Di Rosa évoque chaque culture qu’il interprète selon sa vision, parfois violente, expressive. Il est parfois caricatural ; c’est le cas avec les États-Unis, dans Mississippi boat, critique amusante. Dans les toiles peintes à Miami, il se moque gentiment de la société en ville, à la plage, dans une géométrie qui étonne.

Depuis 2010, il aborde une période « classic », synthèse de son travail avec une belle virtuosité ; il est maître de son art. Hervé Di Rosa est un artiste hors normes, en perpétuelles recherches et évolutions.

LPA 28 Mar. 2019, n° 142v8, p.16

Référence : LPA 28 Mar. 2019, n° 142v8, p.16

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