Homère
Louvre-Lens
Qui, à l’évocation des noms d’Hélène, d’Hector, de Pâris, d’Achille ou d’Ulysse, ne voit pas défiler devant lui les événements rapportés par Homère ? L’œuvre du poète a inspiré, à toutes les époques, écrivains, musiciens et artistes, de la peinture au théâtre et au cinéma. L’exposition de Lens nous replonge, à travers 250 œuvres, allant de l’Antiquité à nos jours, dans le monde de la mythologie grecque, avec ses dieux, demi-dieux, héros et humains, avec leurs querelles et leurs guerres. Et nous prenons ainsi la mesure de la fascination exercée par l’Iliade et l’Odyssée encore aujourd’hui.
L’exposition de Lens est une promenade où résonnent les deux épopées helléniques, un monde bien lointain mais toujours présent. Dans la première salle est dressée une demi-douzaine de statues représentant les dieux de l’Olympe. Sur le mur de droite est accrochée une grande toile de Cy Twombly (1928-2011), représentant Achille pleurant la mort de Patrocle (1962). Une interprétation de la scène de l’Iliade, où le peintre américain jeta sur la toile de la peinture rouge et griffonné à la mine de plomb. Sur le mur de gauche est placée une tapisserie de la manufacture des Gobelins, de différentes nuances de carmin, d’après David Boeno, relatant un passage du chant IV.
Les thèmes du meurtre, de la mort, et de la vengeance nous accompagnent avec des peintures, des objets et des statues représentant des moments dramatiques du poème, comme : Hector tué par Achille de Pierre Paul Rubens (1630) ; le cadavre de Sarpédon, mort sous les coups Patrocle, porté jusqu’à Zeus, son père, par Thanatos et Hypnos, d’Henri-Léopold Lévy (1874) ; le duel d’Ajax et d’Hector représenté sur un aryballe en argile à figures noires (625-620 av. J.-C.). Des œuvres d’Antoine Watteau, Gustave Moreau ou Marc Chagall sont aussi présentes pour nous rappeler d’autres épisodes…
Quant à L’Odyssée, les représentations de ce poème sont plus sereines. Une peinture de John William Waterhouse (1849-1917) montre Circé alanguie dans un fauteuil, offrant une coupe à Ulysse (1891) ; Antoine-Jean Gros (1771-1835) représenta Hélène avec des seins vigoureux et des joues rosées au côté de Pâris (première moitié de XIXe siècle) ; ou cette peinture de Léon Belly (1827-1877), montrant les sirènes nues, tentatrices, s’accrochant au bateau d’Ulysse (1867).
Les deux poèmes d’Homère fascinent aussi par les descriptions détaillées des objets, autant que les descriptions des lieux et des parures des personnages. Des historiens et archéologues ont retrouvé des vêtements, des armes, des matériels de pêche et de chasse qui correspondent aux récits d’Homère. Dans une vitrine, nous voyons réunies une vingtaine de pièces, dont le célèbre casque à dents de sanglier qu’Ulysse porta pour aller affronter les Troyens (chant XI de l’Iliade). La datation de ces objets s’étend sur huit siècles, entre le XVIe et le VIIe av. J.-C.
Les arts décoratifs se sont aussi emparés de certaines thématiques des deux poèmes. Par exemple, nous pouvons voir le guéridon nommé « Bouclier d’Achille », réalisé d’après une œuvre de Michaël Köck (1760-1825), qui relate le récit de la fabrication du bouclier du chant XVII de l’Iliade. Il fut offert, en 1826, par le pape Léon XII au roi Charles X.
Au cours du parcours, des instants musicaux ont été prévus, de Monteverdi au hard-rock. Nous pouvons aussi écouter, grâce à des casques audio, une bande-son évoquant les épopées homériques.
Selon la tradition, Homère était un aède (poète) de la fin du VIIe siècle av. J.-C., mais personne ne peut dire aujourd’hui s’il fut un personnage historique ou un personnage conceptuel.
Plusieurs villes ioniennes telles Chios, Smyrne, Cymé ou Colophon, se disputèrent l’origine du poète, et il aurait été aveugle. Homère est ainsi représenté avec son guide sur une peinture de William Bouguereau (1825-1905), datée de 1874. Alexandre Farnoux, directeur de l’École française d’Athènes, dit qu’Homère désigne peut-être « un groupe de poètes qui, au VIIe siècle av. J.-C., en Grèce, se donnèrent ce nom pour unifier leurs récits épiques ».