La belle et les bêtes
Éditions de l’Iconoclaste
Elle habite le « Démo », un lotissement d’une cinquantaine de pavillons gris « alignés comme des pierres tombales ». Elle, c’est notre héroïne. On ne connait pas son prénom, mais elle a 10 ans et vit dans l’une de ces maisons moches.
Il y a 4 chambres dans cette maison : la sienne, celle de son petit frère Gilles, celle de ses parents et celle des bêtes, ces cadavres empaillés au gré des chasses de son père.
Dans cette dernière pièce, les trophées règnent dans un silence absolu. Pourtant elle, elle les entend et reconnaît même parfois le rire amer de la hyène empaillée…
C’est dans cet univers glauquissime qu’elle grandit, jouant avec son frère entre les carcasses de voitures de la décharge alentour.
Et puis il y a cet accident, ce stupide accident, auquel elle assiste avec son petit frère, totalement impuissante…
Leur vie va s’en trouver chamboulée.
Alors comme elle se refuse à ce que son frère ne soit plus le même, avec toute sa force, sa détermination et son intelligence, elle va élaborer un plan, un plan simple : remonter le temps afin de revenir à une autre vie – la vraie vie ! – celle qu’ils auraient dus avoir. Pour que Gilles sourit à nouveau.
C’est dans cet univers sordide que nous plonge Adeline Dieudonné, dans son premier roman La Vraie Vie, paru aux éditions de l’Iconoclaste.
Il en ressort à la lecture une envie de vivre, une puissance, une force infinie. Les gentils finissent par gagner et à force de conviction, de rage et d’amour aussi, on peut s’en sortir.
Tout n’est finalement pas joué d’avance ; la belle peut prendre le dessus sur les bêtes et faire preuve de bien plus de stratagèmes qu’on ne l’imagine, même lorsqu’on est une petite fille, dont la mère est une amibe craintive, le père un chasseur énervé et le frère retourné par les monstres qui pullulent dans la chambre des cadavres.
Adeline Dieudonné trouve les mots justes ; sa plume, parfois drôle, déliée, nous insuffle la force de cette jeune fille. Même quand il fait sombre, le soleil, la lumière jaillit dans les pages : « Mais ma colère s’est interposée, s’abattant sur les torrents de larmes comme un soleil incandescent » (p. 185).
L’auteur nous transporte avec l’héroïne : nous sommes avec elle, derrière elle, afin de la sauver de ceux qui guettent.
Un premier roman puissant qui, tout en nous faisant penser au livre de Gabriel Tallent, My Absolute Darling (V. LPA 4 oct. 2018, n° 139a7, p. 16), par son univers inquiétant et la place que revêt son héroïne, nous communique un espoir fou, une rage folle, celle dont on sort grandi.
Oui, les bêtes sauvages existent, mais parfois, certaines petites filles arrivent à les dompter et triompher du Mal.