La frivolité est une chose sérieuse
Éditions de l’Observatoire
Il a animé des émissions télévisées plutôt bien faites, participé à la résurrection du magazine Lui (la première formule de Lui étant inoubliable, il faut absolument lire : Lui, années érotiques de Philippe Roure, qui vient d’être publié chez Gründ).
Il a filmé, scénarisé, joué. Évidemment co-fondateur du « Caca’s Club » ; Éric Neuhoff, qui en parle dans Deux ou trois leçons de snobisme, et bien d’autres, auraient tant aimé fréquenter ce club défunt !
Il a quitté Paris pour le pays basque. Il a créé le très parisien Prix de Flore et tient une chronique littéraire dans un grand journal du week-end. Et surtout, il écrit ! Au-delà de l’amour – forcément la grande œuvre – c’est la littérature dont il a la passion et le goût des histoires (voir son très réussi Oona et Salinger), de l’humour et le sens des formules. L’art des formules, ce n’est pas facile, ça suppose du bagage, de la distance et le sens de la phrase.
On a reconnu Frédéric Beigbeder, dont la trajectoire pourrait être celle « d’un branché qui devient un conservateur ».
La frivolité, un art de vivre ? Au fait, qu’est-ce qu’être frivole ? Et pourquoi serait-ce une « chose sérieuse », ce qui ne s’impose pas à la première réflexion ? Cette frivolité est-elle dans l’air du temps ? Les fashion weeks auxquelles Beigbeder consacre ici pas mal de chroniques sont, à cet égard, une expérience à faire. Y a-t-il vraiment une crise littéraire, le roman est-il mort ? Le rêve américain, faire la fête, « l’héroïsme des discothèques », l’innocence, la survie… Pour évoquer cela et tant d’autres thèmes, Frédéric Beigbeder publie un livre façon « journalisme frivole ». Divisé en trois parties – avant 2015, 2015 et après 2015 – le lecteur trouvera l’explication de ces césures dans la préface signée par l’auteur. Il regroupe d’anciens articles qui font la part belle à l’art d’écrire et de lire.
L’art d’écrire (et de lire). Le livre s’ouvre sur une première question : « Sans mauvaise foi, pourrions-nous écrire ? ». Le ton est donné, les thèmes tracés, les portraits vont suivre. Frédéric Beigbeder parle des enjeux de la création. Il nous promène dans une galerie de portraits, de Bernard Frank, Gracq, Sagan à Fitzgerald et Salinger, sans évidemment oublier « le Mailer d’entre nous ». Quelques titres, certains en forme de clins d’œil (Le réalisme est un humanisme), évoquent aussi les écrivains buveurs, la littérature « tropézienne », « le livre que j’aimerais lire »… Chaque texte est l’occasion pour l’auteur de dévoiler, donner des coups ou des baisers, s’engager, se mettre en scène, et in fine, offrir au lecteur un vrai roman de la frivolité, avec pour personnage principal son auteur.
La frivolité. On se gardera de la définir et de dévoiler ce qu’elle peut être. Portraits on l’a dit, ce livre est également une série de saynètes commentées (en profondeur et sur quelques pages – ce qui est le grand talent), qui en disent long sur l’air du temps, la société, ses nouvelles mœurs, ses icônes, la question du sexe. Face à ce désordre, la frivolité pourrait bien être la seule chance de salut. Le comble de cette frivolité, corollaire du principe d’insouciance, ce pourrait par exemple écrire un texte sur Raquel Welch alors que l’on sait que cela ne sert à rien : « Personne ne le lira », écrit Frédéric Beigbeder. Ce qui ne l’empêche pas de le faire, pour notre plus grand plaisir.
Car il se trompe, on l’a lu !