La Grande Petite Mireille et Proust en clair

Publié le 27/05/2019

La Grande Petite Mireille

Un spectacle où tant de talents sont réunis. Celui d’abord de la vraie Mireille (1906-1996), celle qui « inventa la chanson française moderne » tout au long d’une riche carrière et d’une jeunesse prolongée jusqu’à ses 90 ans. La main trop petite pour saisir au piano les accords des grandes partitions, elle fut d’abord comédienne, puis chanteuse convertie au jazz après un séjour à Broadway et très vite, après sa rencontre avec Jean Nohain, compositrice d’opérettes et de chansons (elle en écrira près de 600). Il y aura aussi à la radio puis à la télévision Le Petit Conservatoire de la chanson de 1955 à 1974, où elle lancera de jeunes talents tels Alain Souchon, Michel Berger, Françoise Hardy…

Elle va revivre grâce à l’audition d’une jeune chanteuse remarquée par un directeur de casting qui projette de monter un spectacle avec elle. Fort empruntée au début, cette Charlotte un peu rustique va rapidement révéler une voix et un tempérament hors du commun et sera engagée. La fausse Mireille est Marie-Charlotte Leclaire, auteur, metteur en scène et interprète du spectacle et la vraie Mireille, ne pouvait rêver une jumelle plus parfaite : même voix enfantine acidulée, même légèreté swing au piano, même énergie, même humour, pas une fausse note dans l’interprétation des mélodies gracieuses. Une trentaine ont été choisies et, sur la scène, on retrouve un complice qui a signé le spectacle avec elle, le très séduisant Henri Devolder, touche à tout talentueux, dont les derniers spectacles musicaux Les Fiancés de Loches et Kiki, le Montparnasse des années folles ont réjoui les salles. Avec Adrien Biry-Vicente, ils font revivre Maurice Chevallier, Jean Sablon, Pills et Tabet et les morceaux de bravoure tels que Le Petit Chemin, Papa n’a pas voulu, Quand un vicomte, les Lutins de la cheminée, Le vieux château. Un charme fou…

Proust en clair

Cette pièce est davantage une causerie pour faire partager un attachement à Marcel Proust en le montrant « en clair ». Jacques Mougenot, à la fois auteur, comédien et professeur de théâtre, a connu le succès avec L’affaire Dussaert, un monologue jubilatoire sur l’art contemporain en 2002, récidivant avec des pièces comme Le Cas Martin Piche et l’adaptation d’une pièce de jeunesse de Feydeau, Les Fiancés de Loches, transformée avec son complice Hervé Devolder en comédie musicale. Humour, légèreté, verbe et musique en liberté !

Le Proust en clair est ordonné autour de trois parties : le personnage Proust entre maladie et mondanités, inspiré de la belle biographie de Stefan Zweig, les témoignages de Paul Morand et Jean Cocteau sur l’écriture fiévreuse d’À la recherche du temps perdu, et enfin la lecture de trois larges extraits du premier livre Combray, qui ouvre le roman. On regrettera certaines longueurs et confusions lorsque Jacques Lougenot se transforme en professeur, cherchant à expliquer avec une application qui tourne alors à l’excès, et coupe le rythme et la « clarté ».

Mais l’ensemble reste agréable, la complexité du personnage, celle de la phrase circulaire et métaphorique qui ordonne, subordonne, rapproche ; la métaphore du miroir éclaté des transmutations constantes de l’homme et des situations devient accessible tout en gardant son mystère.

Théâtre de la Huchette

LPA 27 Mai. 2019, n° 144x9, p.14

Référence : LPA 27 Mai. 2019, n° 144x9, p.14

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