Le piéton de Florence

Publié le 17/05/2019

Éditions Philippe Rey

Connait-on vraiment Florence ? Après avoir fermé le nouveau livre de Dominique Fernandez, grand passionné de l’Italie et des arts, chacun aura sa réponse. Et avec en prime, forcément, l’envie d’y aller ou d’y retourner dans les traces de ce Piéton de Florence

Florence, l’autre ville. Le livre commence fort. Dominique Fernandez ne cache pas ses sentiments, son approche de Florence décoiffe ! Les Médicis sont remis à leur place : le mécénat artistique fut d’abord au service de leur ambition politique (Vasari les aida bien dans cette tâche) et les chefs-d’œuvre ne peuvent faire oublier le sang qu’ils versèrent, en particulier Laurent le Magnifique. Florence elle-même ne souffre-t-elle pas d’être austère et rectiligne, trop sage en somme ? Quant aux Florentins sont-ils les gens les plus agréables ? À ces questions s’ajoute une réflexion du piéton qu’est Dominique Fernandez sur la langue florentine. Parvenue à décapiter les dialectes, que faut-il en tirer comme constant et comme leçon ? Le livre ; érudit mais très facile à lire, sérieux (par exemple le lien proposé entre David, l’œuvre de Michel Ange et la tragédie de Charlie Hebdo en 2015) et parfois léger – on a droit au détour d’une ligne à l’adresse d’un restaurant dont on ne dévoile pas ici l’adresse – déambule autour d’« itinéraires » au cœur des quartiers, des églises et des artistes qui en firent le nom et le renom.

Florence, quelle âme ? En 2016 était paru un album illustré de photographies de Ferrante Ferranti sur la ville. Dominique Fernandez s’en empare pour en remanier profondément le texte et pour s’interroger sur cette cité qui a « redécouvert l’homme et créé l’artiste ». À travers des flâneries, des itinéraires, des digressions de tous ordres et surtout de la critique d’art… Absolument passionnant ! L’auteur ira jusqu’à conclure que Mai 68 est l’avatar de la civilisation nouvelle née à Florence, cette Florence de la renaissance qui incarnait « la chasse au bonheur » en cette époque où « l’homme est devenu son propre dieu » ! L’académicien qui estime que, si Florence est restée chrétienne, c’est d’un christianisme « de surface ». D’où l’approche florentine du corps dans cette ville désormais portée vers « la jouissance de la félicité ». Dominique Fernandez aime évoquer et brosser au passage quelques portraits comme celui d’un certain Harold Acton.

La bataille des arts. La part est faite belle aux arts, aux peintres et sculpteurs. L’auteur nous conduit dans ses promenades, de Sante Croce à Santa Maria Novella, San Lorenzo, pour finir sur la Santissima Annunziata et Lo Studiolo. Historien de l’art, il commente Brunelleschi et ses œuvres, critique, il « descend » au passage certaines analyses (Bernard Berenson et même Vasari en font les frais), dit ses amours de peintures, compare les Cenacolo, décrypte celles de Masaccio, Ghirlandaio, des Lippi, de Michel Ange ; la liste n’est évidemment pas exhaustive. Il réhabilite si besoin Bronzino et les maniéristes. On adore au passage l’itinéraire « Autoportraits », explorant cette façon qu’eurent les peintres de se mettre en scène dans leurs toiles.

En quoi cela fut novateur et que nous dit cette posture d’artiste du statut que celui-ci s’arroge ainsi à l’époque ? Tout cela ravira les piétons que nous sommes ou que nous voulons être…

LPA 17 Mai. 2019, n° 144t1, p.14

Référence : LPA 17 Mai. 2019, n° 144t1, p.14

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