Le tout petit monde d’Alexandre Rostov
Fayard
Quand le comte Alexandre Ilitch Rostov, aristocrate élevé dans la tradition russe, se retrouve, au début des années 1920, assigné à résidence dans l’hôtel le Metropol à Moscou par un tribunal bolchévique, il ne sait pas encore que cette condamnation le mènera à vivre la plus grande aventure immobile de sa vie…
Pur produit de l’aristocratie, cet homme élégant, charmeur, n’a pas son pareil pour profiter des plaisirs de la vie.
Lecteur assidu des plus grands auteurs, de Tolstoï à Montaigne, fin gourmet appréciant la cuisine du Boyarski, le restaurant de l’hôtel, et homme d’une extrême finesse intellectuelle, Alexandre Ilitch Rostov manie l’art de la discussion à merveille.
Malgré sa condamnation, le comte Rostov ne se départira pas de toutes ses qualités qui lui seront bien utiles pour traverser la période bolchévique et vivre à travers le petit monde du Metropol tous les bouleversements de la période stalinienne…
Durant près de 30 ans, nous allons suivre les péripéties vécues par Alexandre Rostov, de l’expulsion de sa suite pour se retrouver dans un placard, dans lequel avec un peu d’imagination et de sens pratique il saura faire un nid douillet, à la rencontre avec une petite fille de 9 ans, Nina, qui lui offrira bien des années plus tard, le rôle le plus important de sa vie.
Amor Towles fait vivre ce grand hôtel, avec ses employés, ses rites et ses coutumes… Mais surtout avec ce personnage, venu d’un autre siècle, c’est toute une leçon d’histoire de la grande Russie devenue URSS à laquelle nous assistons.
Déambulant dans les couloirs du Metropol, Alexandre Rostov assiste impuissant aux bouleversements que connait son pays, voyant passer les plus grands dignitaires de l’empire soviétique, s’amourachant d’une célèbre actrice russe, mais surtout découvrant les affres de la nouvelle administration stalinienne ; le voyage à travers ces temps révolus est un vrai plaisir…
La plume légère et l’humour des personnages au charme suranné font de ce roman un vrai moment de plaisir ; près d’un million de lecteurs à travers le monde ne s’y sont pas trompés, puisqu’il figure dans la liste des best-sellers du New York Times.
Et l’on rêve de s’asseoir quelques instants dans le grand hall de cet hôtel pour assister, nous aussi, impassibles, à cette rencontre entre l’ancien et le nouveau monde ; ce monde dans lequel Alexandre Rostov, malgré des incompréhensions, a su recréer une famille et qui, grâce à sa facilité d’adaptation, son éducation et son savoir vivre, traverse les époques, échappe aux privations, aux guerres et aux ignominies en tout genre qu’a pu générer le système bolchévique.
À n’en pas douter et comme son ami d’enfance, Michka, lui fera remarquer en 1946, le tribunal lui aura finalement fait une fleur, car en le condamnant à une telle peine, c’était certainement la meilleure chose qui pouvait lui arriver : « Qui aurait pu imaginer, Sasha, quand tu t’es retrouvé assigné à résidence au Metropol il y a des années de cela, que tu venais de devenir l’homme le plus verni de toute la Russie ? » (p. 369).
À lire sans modération, pour faire une plongée dans un monde certes désuet mais dont le charme agit encore une fois la dernière page tournée…