L’hôpital intercommunal de Montreuil ne sort pas la tête de l’eau
En première ligne face au Covid-19, le centre hospitalier intercommunal (CHI) André Grégoire de Montreuil ainsi que ceux de Montfermeil et Aulnay-sous-Bois, regroupés en groupement hospitalier de territoire (GHT), espèrent profiter des annonces ministérielles de 2019, confirmées par le Ségur de la santé. La mairie de Montreuil a lancé une pétition pour alerter les pouvoirs publics du péril en la demeure.
À la fin du mois de septembre dernier, le maire de Montreuil, Patrice Bessac, a lancé une pétition sur change.org intitulée : « L’hôpital intercommunal de Montreuil doit vivre, les Montreuillois.es s’engagent ! ». « Faute de moyens financiers conséquents, l’existence du CHI André Grégoire situé à Montreuil, et dont l’avenir concerne huit autres villes de Seine-Saint-Denis (limitrophes), est menacée », met en garde la tribune.
Déjà près de 7 000 personnes ont apposé leurs signatures après que la pétition a été également déposée dans plusieurs lieux publics de la ville et envoyée par mail aux habitants. Une démarche coup de poing, pour que l’enjeu revienne vite aux oreilles du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. Une solution qui avait déjà été choisie, il y a cinq ans, par le comité de défense du CHI André Grégoire, créé en 2012.
Cet élan de solidarité entre les habitants et leur hôpital s’est renforcé avec la crise du Covid-19, alors que la Seine-Saint-Denis a affiché une surmortalité de plus de 120 % par rapport au reste du territoire. Au plus fort de cette crise l’hôpital local a été mobilisé aux deux tiers pour venir en aide aux malades (plus de 650 patients soignés) et s’est mis en quatre pour proposer aux citoyens un accès aux tests PCR (plus d’une centaine pratiqués chaque jour). Les liens forts entre la commune et l’hôpital ont été capitaux : c’est la mairie qui a mis en place en mars des collectes pour fournir aux soignants les protections, masques, gants et surblouses, qui leur manquaient. Une vertueuse politique du donnant-donnant.
« Il y a eu beaucoup d’annonces à l’issue du Ségur de la santé, on espère qu’elles seront suivies d’effets »
La situation de l’hôpital André Grégoire est compliquée : l’ancienne direction a contracté des emprunts à taux variables, « des emprunts toxiques » comme on peut le lire dans la pétition, qui ont servi à financer la maternité construite à la fin des années 2000. Une maternité de type III, indispensable au territoire, avec plus de 4 200 naissances par an.
Aujourd’hui, 20 ans après, ces dettes grèvent encore lourdement son budget. Malgré les aides de l’Agence régionale de santé, l’hôpital parvient tout juste à faire les investissements indispensables à son bon fonctionnement (renouvellement du matériel, rénovations et création de nouveaux services).
Le directeur du CHI André Grégoire, Paul Chalvin, se souvient encore du moment où Agnès Buzyn (ancienne ministre de la Santé) est venue dans son établissement présenter ses promesses. Celles d’effacer une partie des dettes contractées par les hôpitaux (à hauteur de 10 milliards d’€ sur trois ans), pour leur donner une plus grande latitude d’investissement au service de la population. C’était en novembre 2019, au moment même où la réforme instaurait les GHT et promettait à la Seine-Saint-Denis un budget spécial pour la modernisation des services d’urgence.
Une mise à jour indispensable selon Paul Chalvin, car ces urgences de la petite couronne sont soumises à une pression grandissante, la population parisienne suivant la progression du métro (ligne 11). Aujourd’hui, l’hôpital compte déjà 90 000 passages aux urgences, chaque année. Depuis ces promesses, plus rien, si ce n’est une pandémie contre laquelle les équipes ont répondu présentes. Mais plusieurs salariés ont décidé de démissionner et l’hôpital peine désormais à recruter. Une situation qui n’augure rien de bon.
« L’hôpital est fragile du fait de la dette, il y a eu beaucoup d’annonces suite au Ségur de la santé, on espère qu’elles seront suivies d’effets. À ce jour il n’y a pas eu d’effacement de la dette ni de changements sur les fiches de salaire… On espère que parole sera tenue », nous a confiés le directeur.
Si la pétition parvient à donner vie à ces promesses, l’hôpital André Grégoire ne sera pas le seul établissement de santé à sortir de l’impasse, loin de là. Dans le même groupement hospitalier territorial, Montreuil est l’arbre qui cache la forêt. Anissa Taleb, directrice de la communication GHT Grand Paris Nord Est, espère que l’aide des élus – à l’image de celle apportée par Patrice Bessac – permettra de faire avancer les choses : « À Aulnay-sous-Bois comme à Montfermeil, les bâtiments ont besoin d’être remis aux normes, les équipement renouvelés… On ne peut plus fermer de lits, on doit en ouvrir ! ». La jeune femme est inquiète : « La pandémie du Covid-19 est un symptôme, il faut en tirer les conséquences pour sécuriser l’avenir ».