Naissance de la sculpture gothique
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Chaque période historique se caractérise par un art particulier correspondant à un besoin de renouvellement, tant au niveau des idées philosophiques et scientifiques que des formes avec leur dynamique. D’un style à un autre, il y a soit une fracture nette, soit une mutation qui refonde ce que l’on connaissait avec de nouvelles influences et innovations.
C’est le cas du style gothique qui apparaît à un moment de changement et d’évolution nécessaire de la société. Ce style se développa tout d’abord en Île-de-France, de 1135 à 1150, puis dans le royaume et en Europe. Il surprend par sa nouveauté stylistique et son apparition semble avoir été une transition à la fois artistique, spirituelle et intellectuelle.
Toutefois, l’art roman demeura dominant à cette époque en Europe. Il recula en Île-de-France dès les années 1140, avec les chantiers de Saint-Denis, Paris et Chartres, qui sont le berceau de cet art qui combina des innovations aussi bien techniques que stylistiques et iconographiques. Et il y eut une émulation entre les maîtres d’œuvre, les sculpteurs et les commanditaires : la première expression de la sculpture gothique se développa parallèlement à l’architecture.
Nous devons l’invention des portails à statues-colonnes aux sculpteurs qui œuvrèrent à Saint-Denis, mais ce fut à Chartres que ce modèle trouva son merveilleux aboutissement. Les colonnettes de la façade de Saint-Denis et la grande bible commandée par l’abbé Suger, aux enluminures chartrains, nous indiquent une parenté et nous met sur la piste des carnets de modèles, malheureusement perdus. Mais en confrontant sculptures, enluminures et vitraux, l’exposition nous donne à reconnaître les sources d’inspirations communes des artistes d’alors.
D’autre part, grâce aux apports scientifiques des nombreux chantiers de restauration menés ces dernières années, nous avons devant nous les premières expressions de l’art gothique et de sa floraison sculptée. Alors que la sculpture romane, principalement en Bourgogne, avait privilégié les sinuosités, un certain hiératisme marqua les premières statues-colonnes, comme celles de Chartres. On trouve en elles une concentration d’énergie : l’expressivité spirituelle du premier gothique. Cette spécificité se retrouve dans les enluminures et les vitraux qui participèrent indéniablement à la définition du nouveau style. Style qui fut nourri grâce aux échanges avec l’art byzantin, l’art mosan et les apports de l’Antiquité. C’est cette somme de connaissances qui permirent cette importante mutation créatrice explorée par la présente l’exposition.