Robert Mitchum, le grand retour à l’écran
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L’acteur Robert Mitchum, « le dernier des Mohicans » comme il se qualifiait lui-même, revient à l’honneur sur les écrans grâce à un documentaire signé Bruce Weber. On se souvient de Let’s Get Lost en 1988. Bruce Weber y filmait parfois crûment le trompettiste Chet Baker. On retrouve dans Nice girls don’t stay for breakfast le même type d’approche, la même façon d’écouter, de filmer, de monter un film documentaire. Intelligent. Brillant ! Fin des années 1990 : Weber filme Mitchum en noir et blanc, chantant devant un micro chez Capitol Records et enregistrant des standards de Cole Porter sur un canapé, pendant qu’une jeune actrice lui téléphone en lui faisant du gringue, avec ses potes, sur un trottoir. Lorsque Mitchum meurt en 1997, Weber a laissé son projet de côté. Le temps est passé, il a repris son travail pour sortir ce film présenté à Deauville.
Le pari de Bruce. Bruce Weber a cherché à mieux cerner ce type plutôt mystérieux, assez taiseux et pas facile à classer qu’était Bob Mitchum. Pour cela, il a pu non seulement filmer l’acteur déjà vieilli, mais a réuni en guise de témoins un casting inédit : Brenda Vaccaro, Marianne Faithfull et Ricky Lee Jones avec lequel Bob aimait bien se laisser aller, Julia Reed, Benicio Del Toro, qui d’ailleurs confia : « Enfant, j’avais deux croque-mitaines. L’un était Dracula, interprété par Bela Lugosi (…). Mais il y avait l’autre (…). Et ce croque-mitaine-là c’était Robert Mitchum dans Les Nerfs à vif. À cause de ce film, il a été le tout premier acteur à laisser une empreinte indélébile en moi », et Johnny Depp, sur lequel s’ouvre le film. Occasion de revoir aussi des extraits cinématographiques qui font du bien et qui, à leur manière, redonnent à voir l’histoire du cinéma américain. On redécouvre Mitchum, artiste un peu oublié…
Mitchum, l’acteur, les femmes. Les extraits de films permettent de se souvenir combien il fut l’un des géants de Hollywood à une époque qui n’en manquait pourtant pas ! Comment trouver et faire sa place ? La rivière sans retour, le mythique La nuit du chasseur, Carmen Jones, La fille de Ryan, Macao, Angel Face ; c’était lui ! Il a tourné avec les plus grands réalisateurs : Nicholas Ray, Edward Dmytrik, David Lean, Jacques Tourneur, Sidney Pollak, Otto Preminger, Vincente Minnelli, et tant d’autres… Impressionnant. Bob et les femmes à l’écran, ça donne aussi le tournis : il a croisé et donné la réplique aux plus douées et délicieuses stars de l’époque : Jean Simmons, Susan Hayward, Jane Greer, Janet Leigh, Ava Gardner, Marilyn Monroe, Sarah Miles… Aussi la grande Deborah Kerr, dont le film offre l’image fugace, et pour laquelle Mitchum devant la caméra de Weber avoue sa plus grande admiration. À la ville, Mitchum et les femmes, c’est peut-être plus compliqué à cerner. Le film fait toutefois une grande part au rôle essentiel de sa femme Dorothy dans la vie de Robert et ne cherche pas en savoir plus sur la relation avec Shirley MacLaine, avec laquelle il tourna aussi What a way to go.
Bob, un corps à l’écran ! Ce film est l’occasion de se rendre compte combien Mitchum fut d’abord un « corps ». Mitchum, 1,85 m, torse nu et en caleçon dans les films, combien de fois ? Jouant de sa carrure et de sa nonchalance, un corps dont la sensualité et la puissance qui, si l’anecdote est vraie, ira jusqu’à incommoder Grégory Peck sur le tournage de Les Nerfs à vif. Même assis dans un fauteuil dans une scène de Home from the hill, Mitchum n’avait pas à se lever pour en imposer à un George Peppard pourtant filmé en contrechamp et le dominant, dans cette scène de La route de l’ouest.
Au final, il n’est pas certain que Mitchum, souvent mutique et facétieux, se soit livré devant la caméra comme pouvait l’espérer Weber, dont, on le redit, le film est une pépite pour les cinéphiles. On s’en moque, finalement. Si le peu que Mitchum nous dit rend quelque part son mystère encore plus épais, on aime justement cette idée de ne jamais tout savoir sur une étoile…