Verrocchio, maître de Léonard
Palazzo Strozzi
Nous fêtons en France le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. Son maître a, quant à lui, une exposition remarquable à Florence. L’exposition du palais Strozzi nous révèle l’apport significatif et original de Verrocchio à ce moment de l’histoire de l’art qu’est le quattrocento. Ainsi, à travers 120 œuvres, les commissaires Francesco Caglioti et Andrea de Marchi ont mis en place une série de confrontations par thèmes : bustes féminins, héros antiques, madones, drapés, figures du Christ, etc., pour essayer de démêler ce qui fut le travail du maître et celui de l’atelier. Des comparaisons claires et argumentées et de nombreuses réattributions sont proposées.
Verrocchio, Andrea di Michele di Cione, naquit en 1435. À l’âge de 14 ans, il fut accusé d’avoir tué accidentellement un camarade par le jet d’une pierre lors d’une bagarre. Les deux familles trouvèrent un accord d’apaisement, et l’orfèvre Giuliano Verrocchi fut un des témoins. L’adolescent entra ensuite comme apprenti chez cet orfèvre. Ce dernier lui apporta le nom que nous lui connaissons mais surtout le travail bien fini et la belle matière. Plus tard, dans sa propre bottega (son atelier), l’une des plus importantes de Florence, on pratiqua tous les arts.
Verrocchio passa ensuite chez l’orfèvre Antonio Dei, avec lequel il se forma dans le travail du métal. Il garda de cette expérience un trait superbement ciselé qu’il emploiera plus tard dans ses sculptures monumentales en bronze, comme L’Incrédulité de Saint Thomas ou la statue équestre du condottiere Bartolomeo Colleoni, son dernier chef-d’œuvre, qui fut coulé en 1488, après sa mort, par Alessandro Leopardi et érigé à Bergame en 1496.
Verrocchio semble avoir eu des liens avec Donatello, alors au service des Médicis. Dès 1464, il lui succéda auprès de la célèbre famille. Il sculpta pour elle le tombeau de Pierre et de Jean de Médicis à San Lorenzo et son célèbre David, jeune, en bronze, très inspiré par celui que réalisa Donatello trente ans plus tôt. Verrocchio partit pour Venise en 1483, où il mourut en 1488.
L’exposition du palais Strozzi souligne aussi la dette du jeune Verrocchio envers les bustes de femmes et d’enfants en marbre réalisés par Desiderio da Settignano. Verrocchio ajouta de nouveaux détails caractéristiques : cheveux bouclés, ornements en feuilles de chardon et des mains expressives. Ces marques indiquent son innovation et son style qui seront repris par tous ses élèves, même par Botticelli.
Les madones réalisées par Verrocchio sont tout en élégance, et elles feront école. Deux sont venues de Berlin pour cette exposition et une autre est prêtée par la National Gallery de Londres. Elles sont en résonance avec les innovations de la peinture flamande, mais la lumière, naturelle et cristalline, nous renvoie à la Toscane. Cette lumière souligne délicatement les traits émaciés de son Saint Jérôme, que Verrocchio peignit pour une église de Pistoia.
Cette exposition est la première consacrée à cet artiste, qui fut à la fois orfèvre, sculpteur et peintre. Dans son atelier florentin furent formés des artistes exceptionnels : Léonard de Vinci, bien sûr, mais aussi Francesco Botticini, Lorenzo di Credi, Ghirlandaio ou Le Pérugin. Celui dont Vasari disait que son « style assez dur et sans délicatesse » nous apparaît là comme un véritable tournant et un renouvellement de l’art florentin.
En fin d’exposition, le commissaire Francesco Caglioti propose de rendre à Léonard de Vinci une petite madone en terracotta, conservée au Victoria and Albert Museum. Une surprise, car il s’agirait de la seule sculpture conservée de Léonard. Cette attribution fut néanmoins proposée dès 1899 et confirmée par plusieurs experts, mais rejetée depuis 1949. Francesco Caglioti nous montre toutefois combien cette petite sculpture appartient au cercle de l’atelier de Verrocchio. Vasari ne dira-il pas, après la mort de Léonard, qu’il modela à ses débuts ?