Label « Patrimoine d’intérêt régional » : préserver et protéger
En 2017, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, annonce la création d’un nouveau label nommé « Patrimoine d’intérêt régional ». Cette action s’inscrit dans une volonté politique de soutien à la culture et au tourisme. En novembre dernier, 9 sites ont obtenu le précieux sésame, amenant le total à 116 sites labellisés en trois ans. Un nouvel appel a eu lieu en février 2021 et d’autres suivront. Outre la mise en lumière d’éléments architecturaux des villes et villages franciliens, ce label apporte également un soutien financier avec des aides dédiées aux investissements pour la restauration (30 % du montant des projets) et au fonctionnement pour la mise en tourisme (20 % du montant des projets).
« Il est possible de labelliser un château, une plage fluviale, un lavoir ou encore un axe public. Cela dépend des réalités identitaires culturelles variées de chaque territoire francilien ». Florence Portelli est maire de Taverny dans le Val d’Oise depuis 2014 et c’est en cette qualité qu’elle a introduit une demande pour la labellisation de la chapelle funéraire des Rohan-Chabot. « C’est une curiosité. À l’intérieur il y a des cercueils et tous les ex voto au nom de familles nobles ou importantes de la commune qui ont donné des noms de rue. Le parc autour est réalisé avec les architectes des Bâtiments de France pour donner envie au public de se réapproprier des lieux peu connus ». Mais Florence Portelli est également vice-présidente de la région Île-de-France chargée de la Culture, du Patrimoine et de la Création. Tous les dossiers de demande de labellisation passent entre les mains de son service. Et ils sont de plus en plus nombreux.
Depuis 2017, 116 sites ont donc bénéficié du label créé par la région Île-de-France. On y retrouve par exemple la bibliothèque Nubar de l’UGAB Paris (75), l’auberge de jeunesse Marc Sangnier de Boissy-la-Rivière (91) ou encore le Mess des officiers de Port Aviation à Viry-Châtillon (91). Début 2021, on compte 16 bâtiments religieux au total, mais aussi 9 gares, 6 cités-jardins et 6 moulins. Chacun représentant des « grandes thématiques structurantes » telles que le patrimoine rural, industriel, l’architecture du XXe siècle, les maisons d’artistes ou de villégiature… Tous incarnent des morceaux d’histoire de la région.
Une sélection sous l’œil des experts
Pour obtenir ce label, il faut en faire la demande lors d’une période d’appel à projet. La dernière session s’est terminée le 2 février dernier. La prochaine sera communiquée ultérieurement, en raison des élections régionales à venir.
Le propriétaire doit remplir un formulaire en ligne sur le site mesdemarches.iledefrance.fr. Il faut pouvoir démontrer au moins l’un des cinq critères suivants : « Un caractère patrimonial démontré ou une force particulière de témoignage ; une qualité architecturale et une relative homogénéité du bâti (excluant une dénaturation trop importante ou une transformation majeure du caractère de l’édifice) ; un réel caractère d’exemplarité ou de représentativité notamment pour le patrimoine vernaculaire ou le patrimoine du XXe siècle ; la rareté du patrimoine, objet atypique « unicum » ou dernier témoignage d’un courant ou d’un type de construction emblématique de l’Île-de-France ou de l’histoire de l’architecture ; et/ou la qualité de l’insertion dans le site et la qualité environnementale du bâtiment ». En outre, l’une des façades principales au moins doit être visible de la voie publique.
Les conservateurs du service de l’Inventaire régional mènent ensuite une expertise scientifique qui tient compte de la qualité de l’architecture du bien concerné et/ou de l’intérêt de celui-ci au regard de l’histoire de l’Île-de-France. « Le label est attribué en fonction de cette expertise », précise Florence Portelli. L’Inventaire est avant tout une base de données réalisées par la complémentarité de deux métiers : conservateur du patrimoine et photographe. Gratuite et publique, consultable sur internet, cette base de données recense les richesses artistiques du territoire national, travail lancé par André Malraux en 1964. Depuis les lois Raffarin de 2003 sur la décentralisation, chaque région dispose d’un service de l’Inventaire. Leur analyse se fonde notamment sur la statistique et l’histoire de l’art.
« Il y a toujours une part de subjectivité », ajoute Florence Portelli, « mais c’est bien que ce soit dévolu à un service et que le politique n’y insuffle pas une subjectivité trop grande. On donne suite dans la majorité des cas, puis il y a une inauguration et une plaque. Les gens sont émus parce que cela fait partie des fiertés historiques de leur territoire. Il peut arriver de suggérer le label. En général, on fait la promotion du label et aux villes et aux propriétaires de s’en saisir ou pas ».
Soutien financier
Le label « Patrimoine d’intérêt régional » permet à des propriétaires de sites non classés et non-inscrits aux monuments historiques de bénéficier de plusieurs aides. D’abord pour l’investissement dans la restauration (à hauteur de 30 % du montant des projets avec un maximum de 500 000 € par tranche de travaux) ; puis pour le fonctionnement, pour la valorisation et la mise en tourisme (à hauteur de 20 % du montant des dépenses éligibles avec un maximum de 30 000 €).
Si l’appel est ouvert aux propriétaires privés et publics, la grande majorité des demandes sont faites par des communes, profitant d’une labellisation moins contraignante que les Bâtiments de France. « On espère mettre un frein à la vente d’un lieu, pour le sauvegarder », complète Florence Portelli. « Cela peut faire désordre de détruire un lieu classé par la région ».
Le label peut aussi être l’occasion d’échanges entre les différents organismes de préservation du patrimoine. « Après l’inauguration d’un des sites, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) s’est déplacée. Cela permet parfois de faire un éclairage ».
À côté des subventions, la Fondation du patrimoine apporte elle aussi une aide grâce au financement participatif : pour 1 € récolté par la Fondation lors d’une campagne de mécénat, 1 € est apporté par la région, avec un plafond par projet fixé à 15 000 €. Mais pour y prétendre, le bien doit être à la charge d’une commune ou d’une association et elle n’est pas cumulable avec une autre aide de la région. Pour des travaux d’un montant de 20 000 €, par exemple, si la Fondation lève 10 000 € de dons, la région met la même chose : le montant total est couvert.
Retombées économiques
Selon le dossier de présentation, « on estime que pour 1 € investi, 70 € de retombées économiques sont générés, avec des recettes qui s’élèvent à environ 5 Md€ » pour le secteur du patrimoine, lié à la culture et au tourisme. Cumulés, les emplois directs, indirects et induits du patrimoine représentent 125 741 emplois en Île-de-France, soit l’équivalent de la filière du cinéma et de l’audiovisuel ; sans compter les 200 entreprises consacrées à la restauration des monuments historiques en Île-de-France.
Malgré la baisse du nombre de touristes étrangers depuis le début de la crise du coronavirus, le label « Patrimoine d’intérêt régional » répond à des demandes nouvelles de la part des habitants et habitantes de la région en termes de curiosités locales. « Cela produit du déplacement touristique avec des consommateurs pour le commerce local », poursuit Florence Portelli. « C’est aussi la possibilité d’attirer des tournages de film sur des lieux méconnus ».
La vice-présidente se dit satisfaite des résultats. « Il y a énormément de lieux qui représentent l’Île-de-France, ses héritages. Il fallait les distinguer. Récemment, lors d’une réunion de l’Association des maires d’Île-de-France (Amif), nous étions une centaine de maires connectés issus des communes de zones rurales. Dans ces territoires, avoir des coups de main de la région de ce type, avec des gens très attachés, est essentiel pour préserver le patrimoine historique. Sinon tout seul ils n’y arrivent pas ».