Bernard Nicolas : « Je ne suis pas complotiste mais je me méfie des versions officielles »
Il se présente comme un passionné des versions officielles… pour les détordre. Journaliste d’investigation pour la télévision, Bernard Nicolas a travaillé sur les affaires Robert Boulin et Bernard Borrel. Avant de découvrir l’affaire Dany Leprince, condamné en 1997 pour un quadruple meurtre qu’il nie avoir commis. Bernard Nicolas, convaincu de son innocence, lui a consacré deux documentaires et un livre co-écrit avec ce dernier, Ils ont volé ma vie, paru en 2023 aux éditions Flammarion. Le journaliste revient pour Actu-Juridique sur ce qui le lie à cet homme et pourquoi il a pris fait et cause pour lui. Rencontre.
Flammarion
Actu-Juridique : Comment vous êtes vous intéressé à l’affaire Dany Leprince ?
Bernard Nicolas : En 1994, j’étais rédacteur en chef à TF1 lorsque Dany Leprince avait été arrêté pour un quadruple meurtre. C’était une affaire horrible : 2 enfants avaient été tués à l’arme blanche avec leurs parents. Il y avait une seule survivante : une petite fille de 2 ans, Solène, retrouvée le lendemain du crime toute propre, avec une couche changée, dans son lit. Dany Leprince avait été condamné trois ans plus tard, en 1997. J’avais suivi l’affaire de manière superficielle. Quelques années plus tard, je travaillais pour une émission d’investigation diffusée sur Canal +. J’ai été sollicité par Roland Agret, un homme condamné à tort pour un homicide dans les années 70, avant d’être reconnu victime d’une erreur judiciaire. Lorsqu’il a été réhabilité, il a décidé de consacrer sa vie à traquer les erreurs judiciaires. Je lui avais promis de me pencher sur le dossier de Dany Leprince. Dix-huit mois plus tard, je me rends donc au domicile de Roland Agret en Ardèche. Je passe 48 heures avec lui. Dany Leprince est alors en prison depuis onze ans. Je lis les pièces du dossier : procès-verbaux de garde à vue, expertises, examens médico-légaux, témoignages. Cela valait le coup d’aller plus loin…
AJ : Quel est votre état d’esprit lorsque vous débutez cette enquête sur l’affaire Leprince ?
Bernard Nicolas : Je ne suis pas complotiste mais je me méfie des versions officielles. J’enseigne le journalisme à l’école de Lille. Quand je me présente devant mes élèves, je leur dis que je suis un passionné des versions officielles… pour les détordre. Ma méthode est simple : je pars sur le terrain et je vérifie les informations. J’avais déjà enquêté sur l’affaire Robert Boulin, ministre en exercice sous Valérie Giscard d’Estaing, officiellement noyé dans 60 centimètres d’eau après avoir absorbé des barbituriques. J’avais également signé un documentaire sur l’affaire Borrel. J’étais alors le seul journaliste français à partir à Djibouti sur les lieux du drame, et j’avais tenté de faire en plein jour le parcours censé avoir été effectué par Bernard Borrel de nuit avant de s’immoler au bord de la Mer rouge. Mon caméraman m’avait filmé, on voyait à l’image que le scénario était impossible. Mon film diffusé en janvier 2002 s’appelait : « Révélation sur un suicide impossible ». En mars 2002, un nouveau juge d’instruction avait été saisi et il avait enfin été démontré que Borrel ne s’était pas suicidé mais qu’il avait été tué. Je sortais de ces deux affaires emblématiques lorsque je me suis attaqué à l’affaire Leprince. Roland Agret m’a sollicité parce qu’il connaissait ce travail. Pour moi, ces trois affaires se ressemblent : on se contente de peu, on fabrique une version officielle. Ce sont pour moi des erreurs judiciaires emblématiques. J’estime que c’est mon travail de mettre en évidence des oublis, négligences, erreurs de trajectoire.
AJ : Que vous apprend ce premier examen du dossier Leprince ?
Bernard Nicolas : Dany a été condamné en 1997. À l’époque, il n’y avait pas de possibilité d’appel. Je découvre son dossier en 2008. Je prends la mesure de la scène d’horreur découverte par les pompiers et les gendarmes qui sont rentrés dans la maison où avait été perpétré ce quadruple meurtre. C’était une boucherie. Aucune empreinte palmaire de Dany n’a été retrouvée sur la scène du crime. Aucune empreinte de pas non plus, ni d’ADN correspondant à celui de Dany Leprince. En revanche, une empreinte de Doc Martens, taille 41 a été retrouvée dans une mare de sang. Ce ne sont pas les chaussures de Dany : il chausse du 44. Les vêtements qu’il portait le dimanche soir n’ont aucune tache de sang. Le seul élément à charge est le témoignage de sa femme Martine et sa fille aînée Célia qui disent avoir vu Dany frapper son frère Christian avec un objet métallique de grande taille sur un petit chemin qui passe devant la maison. Un autre élément très important pour moi : le drame a eu lieu le dimanche soir. Martine Leprince, qui d’après ses dires a assisté au crime, est venue se recoucher à côté de son mari meurtrier. Quand, à deux heures du matin, Dany prend comme d’habitude son poste à la Socopa, il est en pleine forme et fait des blagues à ses collègues à la pause-café. L’explication est simple : il n’est pas encore au courant du quadruple meurtre.
AJ : Que vous apprennent les expertises médico-légales ?
Bernard Nicolas : Si l’on suit les déclarations de Martine et Célia, compte tenu des horaires qui ont été vérifiés, ces quatre meurtres auraient eu lieu en 3 minutes, avec une seule arme. L’instruction retient qu’une « feuille de boucher », c’est-à-dire un gros hachoir très lourd, aurait été utilisé. Cela ne colle pas avec les rapports des légistes, qui parlent de meurtres commis avec plusieurs armes dont des couteaux. La scène de crime montre que des doigts ont été coupés à la volée, ce qui est impossible avec une feuille de boucher, mais possible avec un couteau aiguisé comme un sabre. Le seul intérêt du scénario d’un meurtre commis avec une feuille de boucher est qu’il s’agit d’une seule et unique arme. Cela laisse entendre qu’il y a un seul tueur. Très rapidement, les gendarmes ont ciblé Dany. Ils n’ont jamais envisagé que ce meurtre ait pu être commis par quelqu’un d’autre qu’un homme. Or Dany était le seul homme encore vivant dans le quartier.
AJ : Comment Dany a-t-il avoué ?
Bernard Nicolas : Les corps ont été découverts le lundi. Deux jours plus tard, le mercredi, Dany est placé en garde à vue à la gendarmerie du Mans, comme toute sa famille : son père, sa mère, son frère Alain, sa femme Martine et dans un village loin du Mans, sa fille Célia. Le vendredi, à la 46e heure de garde à vue, Dany Leprince craque. Il estimait qu’il n’avait rien à se reprocher et n’avait pas voulu prendre d’avocat. Cela a été son erreur. Il a fait un aveu partiel et reconnaît avoir frappé son frère. Il n’a pas dormi de la semaine. Il est épuisé. Il me dira qu’il n’entendait même plus ce qu’on lui disait. Sa seule envie était de dormir, ce qu’il a fait dès qu’il est arrivé à la prison de Rennes, tout habillé avec ses chaussures.
AJ : Pourquoi cet aveu vous déconcerte-t-il ?
Bernard Nicolas : Parce que je constate qu’il n’a avoué qu’un meurtre sur les quatre. En lisant les procès-verbaux de garde à vue, après avoir lu l’aveu du premier meurtre, j’ai cherché la page suivante avant de m’apercevoir que Dany s’est arrêté là. Jamais les enquêteurs n’ont cherché à savoir comment il aurait tué les trois autres victimes. Cela n’a pas empêché le procureur Jean-Claude Thin de laisser entendre devant les journalistes qu’il avait avoué les 4 meurtres ! Sur le procès-verbal que j’ai lu, Dany explique qu’une dispute a commencé sur le pas de la maison alors que tout le monde était encore vivant. Cela ne colle pas avec les versions de Martine et de Célia, ses deux accusatrices qui prétendent avoir vu la même scène sans se voir ni s’entendre. Célia dit avoir entendu des cris dans la maison en voyant son père frapper. Martine est censée être passé à côté de lui et lui avoir demandé d’arrêter. D’après elle, quand elle arrive dans la maison, tout le monde est déjà mort. Les deux accusatrices se contredisent et l’aveu de Dany Leprince ne correspond à aucun de leur récit. Pour moi, c’est un point fondamental. Malgré tout, la juge ne tient pas compte de ces incohérences et reste sur ses convictions. Quinze jours après son aveu partiel, Dany Leprince se rétracte et refuse de participer aux reconstitutions. Trois ans après les faits, au procès, les journalistes ont appris que Dany n’avait jamais avoué les 4 meurtres. Cela changeait tout.
AJ : Comment les médias ont-ils traité cette affaire ?
Bernard Nicolas : Dès le début, en 1994, les journalistes sont gentiment informés par les gendarmes qui se focalisent déjà sur Dany Leprince : les archives de l’époque le démontrent). Mais après la mise en cause de Dany Leprince pour ce quadruple meurtre, il y a eu un black-out médiatique. C’est très rare. J’ai compris pourquoi a posteriori : il n’y avait rien dans le dossier ! Les journalistes qui allaient voir la juge d’instruction ou le procureur trouvaient porte close. Rien de l’instruction ne filtrait. Dany Leprince était défendu par Jean-Louis Pelletier, un avocat brillantissime et très discret. Seulement, il était de la vieille école : il pensait que son talent d’orateur, réel, suffirait à faire basculer le procès. À l’époque, seulement deux documentaires ont été consacrés à l’affaire Leprince. Un épisode de « Faites entrer l’accusé » et un documentaire sur M6, qui mettent en image l’acte d’accusation. Les journalistes reprenaient les éléments de langage des gendarmes et se demandaient comment Dany n’avait rien vu ni entendu. Comme s’il était le seul qui aurait pu voir et entendre quelque chose ! Assez rapidement, les gendarmes ont fait savoir qu’ils avaient trouvé sur un meuble à l’intérieur de la maison une reconnaissance de dette, correspondant à une somme d’argent équivalente à 2 000 euros, aujourd’hui, prêtée par Christian à son frère. Le papier trônait sur le meuble de l’entrée, faisant de l’argent un mobile. Et effectivement, dans son aveu partiel, Dany dit que son frère ne voulait pas lui prêter de l’argent. Tout cela semble fabriqué. Dany n’aurait pas été assez idiot pour laisser cet élément en vue. Comme il le dit : « Si j’étais le meurtrier, j’aurais évité de laisser cette pièce en évidence ! » Deux journalistes, cependant, ont fait un travail critique sur l’affaire. Nicolas Poincarré a écrit un livre, Condamné à tort, avec Roland Agret. Un peu plus tard, Franck Johannes, du Monde, s’intéressera à l’affaire Leprince et fera un remarquable travail de déconstruction.
AJ : Quand rencontrez-vous Dany Leprince ?
Bernard Nicolas : Après examen du dossier, je commençais à douter sérieusement de sa culpabilité. Au milieu de mon enquête, j’ai fait une demande de droit de visite à la prison de Poissy. C’était la première fois que je faisais une telle démarche. J’ai passé 2 heures avec lui. Je lui ai posé toutes les questions possibles en essayant de le pousser dans ses retranchements. Tout au long de notre entretien, il est resté droit dans ses bottes. Depuis sa cellule, il écrivait des milliers de lettres à la justice et aux hommes et femmes politiques. Je suis ressorti de la prison de Poissy définitivement convaincu de son innocence.
AJ : Comment avez-vous préparé le premier documentaire, sorti en 2009 ?
Bernard Nicolas : 90 % de mon travail de journalisme se fait sans caméra. Je suis parti sur le terrain dans la Sarthe pour interviewer des membres de la famille : Robert Leprince, son père ; Alain, son frère. J’ai ensuite sollicité les enquêteurs, les juges. J’ai raconté cela dans un premier film diffusé sur Canal + en 2009. L’ancien procureur, Jean-Claude Thin, a refusé de me rencontrer. La juge d’instruction, Céline Brunetière, en revanche, a accepté d’être interviewée. Elle s’était ridiculisée à l’antenne. Cette magistrate avait interrogé la petite Solène, âgée de 2 ans, au moment des faits. Elle l’avait prise sur ses genoux et lui avait montré une photo de Dany. Elle raconte qu’elle avait alors senti les muscles de la fillette se raidir et qu’elle avait frappé la photo en disant « tonton méchant ». Qu’une juge d’instruction accorde du crédit à un tel témoignage en dit long sur ses méthodes. Aujourd’hui, Solène a une trentaine d’années et estime qu’elle a été manipulée… L’ancien chef d’enquête avait également accepté l’interview. Courageux, honnête dans ses réponses, il avait reconnu que beaucoup de pièces manquaient au puzzle. J’ai également retrouvé des acteurs moins connus de l’affaire. Par exemple, un cantonnier local, qui, avec sa pelle mécanique, avait retrouvé un couteau gravé Leprince dans la terre. En 1999, il l’avait transmis à la gendarmerie qui n’en avait rien fait. Ce couteau démontrait à lui seul qu’on n’avait pas tout dit et que le dossier n’aurait pas dû être clos. Le procureur, pourtant informé de la découverte de ce couteau gravé Leprince deux ans auparavant, a fait détruire tous les scellés en 2001.
AJ : Votre thèse est qu’on a fabriqué un coupable. Pourquoi et comment ?
Bernard Nicolas : Les gendarmes de la section de recherche d’Angers et la brigade de recherche du Mans travaillaient ensemble. Ils avaient cinq jours pour résoudre cette affaire dans le cadre d’une enquête de flagrance. Ils ont paré au plus pressé. Ils n’ont pas cherché à expliquer le scénario du crime, son déroulé. On pense que Christian, le frère de Dany, a été tué en premier, mais même de cela on n’est pas sûr. Les enquêteurs se sont contentés de mettre Dany dans une nasse. On l’a surnommé « le boucher de la Sarthe » alors qu’il n’a jamais été boucher et travaillait dans une usine à faire des steaks hachés avec une machine. Sa femme, en revanche, était bouchère et travaillait avec des couteaux. On n’a pas cherché le vrai coupable, ou les vrais coupables. Il y avait sans doute plusieurs personnes pour assassiner deux adultes et deux enfants sans que personne ne s’enfuie.
AJ : Quand Dany Leprince a-t-il fait une requête en révision ?
Bernard Nicolas : Il a déposé une première requête en révision en 2005. La commission l’a d’abord examinée sur la pointe des pieds, son président se hâtant lentement. Lorsque lui a succédé Martine Anzani, grande juge d’instruction habituée des dossiers très sensible, cela a vraiment bougé. Elle a vite vu que l’enquête était cousue de fil blanc. Elle note l’absence d’empreinte, trouve que les accusatrices sont difficilement crédibles. Elle fait donc faire des vérifications, des expertises ADN. On trouve alors 2 ADN mélangés sur un couteau de couleur jaune : l’un compatible avec celui de Martine Leprince, l’autre compatible avec celui d’une des petites victimes. Martine Anzani demande une expertise de Martine Compain, l’ex-épouse de Dany Leprince. Devant l’expert psychiatre, cette dernière dit qu’elle a « peut-être tué quelqu’un dans cette affaire ». Elle ajoute qu’il faut qu’on l’aide, qu’elle en a parlé à son avocate. Martine Azani, stupéfaite, la fait venir à la commission, où Martine Compain réitère sa déclaration. Pour voir une requête en révision aboutir, il faut faire apparaître des éléments nouveaux. Cette déclaration de Martine Compain en est assurément un, considérable… Dès lors, Martine Anzani estime que Dany n’a plus rien à faire en prison. Alors qu’il avait été condamné à une peine de prison de 22 ans de sûreté, il sort au bout de 16 ans de la prison de Poissy.
AJ : Comment Dany Leprince a-t-il vécu sa détention ?
Bernard Nicolas : Pendant ses 18 ans d’incarcération, il a toujours travaillé et a même été responsable d’un atelier, pendant plusieurs années. Ironie du sort, pour son premier travail, il a été affecté à un atelier de confection de tabliers de boucher… Au début, on lui jetait des pierres par la fenêtre en le traitant d’assassin et de tueur d’enfant. Il sortait en balade tout seul. Lorsque les journalistes ont commencé à poser des questions, les journaux ont circulé dans la prison et il a peu à peu été considéré comme innocent, à la fois par ses codétenus et par les surveillants. Des détenus sont venus lui parler. Il a sympathisé avec ceux qui le traitaient d’assassin et s’est mis à jouer au foot avec eux. Le chef des surveillants de la prison de Rennes, au téléphone, m’a raconté que quand il était de permanence le week-end, il ouvrait la cellule de Dany et le faisait venir dans son bureau. Il s’était documenté sur l’histoire et était convaincu que Dany n’avait rien à faire en prison. Il a essayé d’améliorer ses conditions de détention. Ce surveillant pénitentiaire était magicien à ses heures perdues, et Dany était son premier public.
AJ : Comment réagit la presse à cette libération ?
Bernard Nicolas : Cette fois, toute la presse est là. Yves Baudelot, l’avocat de Dany Leprince, explique aux journalistes tous les éléments qui, aux yeux de Martine Anzani, ont justifié sa sortie de prison. Dany Leprince se tait, comme on le lui a demandé. Quelques mois plus tard, la commission de révision transmet son rapport aux magistrats de la Cour criminelle de cassation qui composent la Cour de révision. Ces derniers doivent se prononcer. À l’audience, l’avocat général Mathon démonte pièce par pièce toute l’enquête menée par la gendarmerie et la juge d’instruction entre 1994 et 1997. Il estime que la société doit un nouveau procès à Dany Leprince. Pourtant, quelques semaines après cette audience, nouveau coup de théâtre : tous les éléments nouveaux, y compris le semi-aveu de Martine Compain, ont été jugés irrecevables. Dany Leprince vient de passer 9 mois dehors. On lui repasse les menottes. Les journalistes se retrouvent face à des magistrats de même rang, qui, à quelques semaines d’intervalle, leur disent tout et son contraire. Ils sont stupéfaits. Au bout d’un an, Dany Leprince va ressortir mais son jugement est assorti d’un silence obligatoire. Il n’a pas le droit de s’exprimer sur l’affaire par quelque moyen que ce soit pendant 10 ans. Il est interdit de séjour en Sarthe et dans les départements limitrophes. Il lui est également interdit de rencontrer Solène, la rescapée du massacre. La justice ne le lâche pas. Pendant un an, il porte un bracelet. Il travaille à Marmande, dans le Lot, où il vit avec sa nouvelle femme. En 2016, son père décède. Dany demande l’autorisation d’aller à l’enterrement en Sarthe, personne ne lui répond. À peine a-t-il quitté Marmande en voiture que les gendarmes se rendent à son domicile pour contrôler. C’était un piège. Le juge d’application des peines d’Agen le remet en prison pour 6 mois. Il le vit comme un acharnement. Dany Leprince est définitivement libre en 2016.
AJ : Vous avez rencontré Martine Anzani. Que vous a-t-elle dit ?
Bernard Nicolas : Elle est convaincue de l’innocence de Dany Leprince et n’a toujours pas digéré que la Cour ait rejeté son travail. Elle pense qu’en remettant Dany en liberté, elle a froissé les magistrats de la Cour de révision, qui ont estimé être mis devant un fait accompli. Le semi-aveu de l’ex-femme de Dany suffisait à ouvrir un nouveau procès. Ce n’est pas normal qu’il ait été rejeté. Il y avait eu une résolution de l’affaire très rapide, il était inconcevable de revenir en arrière. La commission a démontré que la France avait un mal fou reconnaître ses erreurs, même en présence de nouveaux éléments tangibles.
AJ : Comment naît votre livre, Ils m’ont volé ma vie ?
Bernard Nicolas : En 2015, je vais voir Dany Leprince à Marmande et je lui propose d’écrire son histoire. Il accepte et nous signons un contrat chez Flammarion. Il est alors toujours interdit de parole, jusqu’en 2022. Il faudra attendre cette date pour que le livre soit publié. Cela nous laisse quelques années pour travailler tranquillement. En 2022, Dany Leprince dépose une nouvelle requête en révision de 200 pages, portée cette fois par l’avocat Olivier Morice. La commission de révision accepte d’étudier ce dossier. Cette nouvelle requête est toujours à l’étude. Dany Leprince est libre et pourrait couler des jours heureux à Marmande, mais non. Il a deux objectifs : que son innocence soit reconnue lors d’un nouveau procès, et que les vrais coupables soient identifiés. Dany Leprince a perdu une grande parte de sa famille dans ce drame. Son frère, sa belle-sœur, ses nièces mais aussi sa mère, qui s’est suicidée après les faits. Quant à son père, il est mort sans connaître la vérité.
AJ : Comment va Dany aujourd’hui ?
Bernard Nicolas : Il est retraité et continue à espérer un nouveau procès. Je ne pense pas qu’une telle erreur judiciaire soit encore possible. Dany Leprince, aujourd’hui, ne serait pas condamné. Déjà, il aurait eu la possibilité de faire appel. Et les progrès faits en matière d’ADN auraient aidé. On ne se serait pas arrêté au fait que l’ADN retrouvé sur le couteau jaune était compatible avec celui de Martine Compain, on aurait vérifié s’il s’agissait du sien. J’espère bien sûr que Dany aura le droit à un nouveau procès et que son innocence sera reconnue. J’y crois. S’il est reconnu innocent, je referai un film sur ce long processus qu’il a mené pour enfin démontrer son innocence.
Référence : AJU013b8