Les propriétaires désormais mieux protégés contre le squat

Publié le 29/09/2023
Les propriétaires désormais mieux protégés contre le squat
Anthony SEJOUR/AdobeStock

En juillet dernier, les parlementaires ont adopté une nouvelle loi anti-squat. Les sanctions pénales de l’occupation illicite de logements logement sont triplées. La loi du 27 juillet 2023 créé également de nouveaux délits, notamment à l’encontre des locataires en impayés de loyers restés dans le logement à la fin de la procédure d’expulsion.

Après deux navettes parlementaires et un examen par le Conseil constitutionnel, la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite a été publiée au Journal officiel (L. n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, JORF n° 0173 du 28 juillet 2023). Son objectif est d’apporter une réponse aux petits propriétaires confrontés aux squatteurs ou à une petite minorité de locataires qui ne paient plus leurs loyers depuis des années, sans pour autant remettre en cause la protection des occupants de bonne foi. Le texte reprend certaines dispositions qui figuraient dans la proposition de loi tendant à garantir la propriété immobilière contre le squat, déposée par Dominique Estrosi Sassone, et adoptée par le Sénat en janvier 2021 sur le rapport d’Henri Leroy.

Le squat plus sévèrement réprimé

La nouvelle loi réprime plus sévèrement l’occupation illicite. Les squatteurs sont les occupants « entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ». Jusqu’à présent, en cas de squat de domicile, la peine encourue s’élevait à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. « Paradoxalement, cette peine est nettement inférieure à celle qui est encourue par les personnes qui expulsent personnellement les squatteurs de leur domicile sans avoir recours à la force publique, qui s’élève à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende », indique l’exposé des motifs. L’article 1er de la loi procède à un rééquilibrage de ces peines. Le squat est désormais sanctionné par une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 226-4 du Code pénal).

La loi modifie la notion pénale de domicile pour y inclure les résidences secondaires : « Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »

Sur ce point, le Conseil constitutionnel, saisi de la constitutionnalité de cette mesure a prononcé sa conformité en émettant une réserve. « S’il est loisible au législateur de prévoir, à cet effet, que constitue notamment le domicile d’une personne un local d’habitation dans lequel se trouvent des biens meubles lui appartenant, la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile. Il appartiendra dès lors au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle » (Cons. const., 26 juillet 2023, n° 2023-853, JORF, n° 0173 du 28 juillet 2023).

En outre, la loi crée une peine pour l’occupation frauduleuse de tout local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel. La peine est toutefois moins lourde que celle concernant le domicile puisqu’elle s’élève à deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende (C. pén., art. 315-1). En conséquence, la loi étend la procédure administrative d’évacuation forcée d’un domicile avec le concours des préfets, prévue par la loi Dalo de 2007 (L. n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, JORF n° 55 du 6 mars 2007) à tous les locaux d’habitation illégalement occupés.

En outre, l’occupation illicite peut être désormais constatée par le maire de la commune, par un commissaire de justice ou encore par un officier de police judiciaire. Aussi, lorsque le propriétaire ne peut pas apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite dans un délai de soixante-douze heures l’administration fiscale pour établir ce droit (article 226-4 du Code pénal).

De nouveaux délits

La loi instaure une peine contre les personnes qui se disent à tort propriétaires d’un logement pour le louer. Ces « instigateurs de squats » s’exposent désormais à une peine de trois ans de prison et à une amende de 45 000 euros. De plus, la loi instaure une amende de 3 750 euros contre « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode », de méthodes visant à faciliter ou à inciter les squats (article 226-4-2-1 du Code pénal).

Sanctionner les locataires en cas d’impayés et accélérer les procédures

Elle instaure une amende pour les locataires en situation d’impayés de loyer, du dépôt de garantie, de loyers ou de charges aux termes convenus, et qui restent dans le logement à l’issue d’un jugement d’expulsion devenu définitif (occupant sans droit ni titre d’un logement d’habitation). La peine encourue s’élève alors à 7500 euros.

La loi a toutefois prévu plusieurs exceptions :

– l’occupant bénéficie de la trêve hivernale (article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution),

– Le juge de l’exécution a été saisi pour obtenir des délais avant de quitter les lieux (article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution). Notons que la loi exclut désormais la possibilité pour un squatteur de solliciter ces délais et les délais que peut octroyer le juge sont compris entre un mois et un an, contre trois mois et trois ans auparavant.

– Le logement occupé appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.

La loi contient plusieurs mesures de pré-contentieux dans les rapports locatifs découlant de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Premièrement, elle impose que les contrats de location contiennent systématiquement une clause de résiliation automatique en cas d’impayés de loyers, jusque-là facultative. Deuxièmement, si le juge peut suspendre les effets de cette clause, si le locataire est en situation de régler sa dette locative, la loi ajoute une nouvelle condition : le locataire doit avoir « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ». De plus, « cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge. »

Troisièmement, toujours en matière de résiliation, la loi réduit le délai accordé au locataire pour solder son arriéré de loyer à compter de la date du commandement de payer et au-delà duquel, en l’absence de régularisation, le bail était résilié. Le délai de deux mois passe à six semaines.

Enfin, la loi renforce la prévention des expulsions locatives. Désormais la saisine de la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) dont les missions ont été précisées et renforcées, cette saisine est requise « lorsque le locataire est en situation d’impayé de loyer ou de charges locatives sans interruption depuis une durée de deux mois ou lorsque la dette de loyer ou de charges locatives du locataire est équivalente à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives ».

La censure partielle par le Conseil constitutionnel

Saisi en fin de parcours parlementaire, le Conseil constitutionnel a censuré un article de loi nouvelle (Cons. const., 26 juillet 2023, n° 2023-853, JORF, n° 0173 du 28 juillet 2023) : l’article 7 qui modifie l’article 1244 du Code civil afin de libérer le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d’entretien et de l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien.

Les députés requérants ont fait valoir que, en libérant le propriétaire de l’obligation d’entretenir son bien, ces dispositions auraient pour effet de faire peser cette charge sur les occupants illicites, alors que la plupart d’entre eux se trouvent dans une situation matérielle précaire. D’après eux, cette disposition méconnaissait l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne et le droit de mener une vie familiale normale. Ils reprochaient également à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les victimes, selon que l’immeuble fait ou non l’objet d’une occupation sans droit ni titre, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine. « En instituant un régime de responsabilité de plein droit en cas de dommage causé par la ruine d’un bâtiment, lorsqu’elle résulte d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction, le législateur a entendu faciliter l’indemnisation des victimes. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. Toutefois, en premier lieu, d’une part, le bénéfice de l’exonération de responsabilité est accordé au propriétaire du bien pour tout dommage survenu au cours de la période d’occupation illicite, sans qu’il soit exigé que la cause du dommage trouve son origine dans un défaut d’entretien imputable à l’occupant sans droit ni titre. D’autre part, le propriétaire bénéficie de cette exonération sans avoir à démontrer que le comportement de cet occupant a fait obstacle à la réalisation des travaux de réparation nécessaires. En second lieu, les dispositions contestées prévoient que le propriétaire est exonéré de sa responsabilité non seulement à l’égard de l’occupant sans droit ni titre, mais également à l’égard des tiers. Ainsi, alors que ce régime de responsabilité de plein droit a pour objet de faciliter l’indemnisation des victimes, les tiers ne peuvent, dans ce cas, exercer une action aux fins d’obtenir réparation de leur préjudice qu’à l’encontre du seul occupant sans droit ni titre, dont l’identité n’est pas nécessairement établie et qui ne présente pas les mêmes garanties que le propriétaire, notamment en matière d’assurance ».

Cette décision a fait l’objet d’une interprétation erronée, laissant croire qu’en vertu de la censure de l’article 7, tout occupant illicite d’un logement pourrait désormais obtenir réparation du propriétaire si le bien occupé est mal entretenu. Dans un communiqué de presse du 29 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a tenu à rectifier ces commentaires et à rétablir la juste portée de sa décision, « qui, par la censure de l’article 7 de la loi déférée, a pour seul effet de maintenir l’état du droit en ce domaine, qui n’est pas celui décrit par ces commentateurs. Les motifs de la censure prononcée par le Conseil constitutionnel ne privent pas le législateur de la possibilité de réformer ce même état du droit pour aménager la répartition des responsabilités entre le propriétaire et l’occupant illicite. Ils se fondent sur la nécessité que, ce faisant, demeurent protégés les droits des tiers victimes de dommages ».

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