Assassinat de S. Paty : Des peines sévères pour « une atteinte irrémédiable à la République »

Publié le 20/12/2024

La cour d’assises spécialement composée a rendu son verdict dans le procès de l’assassinat de Samuel Paty vendredi 20 décembre. Les peines, comprises entre un et seize ans de réclusion, sont parfois plus lourdes que les réquisitions. Les juges dénoncent dans leur arrêt la « barbarie absolue du crime » et l’atteinte irrémédiable portée à la République et au sanctuaire de l’école ».

Assassinat de S. Paty : Des peines sévères pour "une atteinte irrémédiable à la République"
Entrée de la salle des grands procès, le 4 novembre 2024 (Photo : ©P. Cabaret)

Il est 19 h 45 ce vendredi 20 décembre. En cette veille de week-end et de départ en vacances, le palais de justice de la Cité est désert à l’exception de la salle des pas perdus. Un mur de caméras et de micros accueille ceux qui se rendent dans la salle des grands procès pour entendre le prononcé du verdict dans l’affaire de l’assassinat de Samuel Paty. Tout le monde est là. Les accusés bien sûr, les avocats, les parties civiles, la presse, mais aussi les familles des accusés et le public. La cour avait prévenu qu’elle se prononcerait à 20 heures. Et c’est très précisément à 20h que le président a prononcé la formule sacramentelle  « Accusés, levez-vous ! »

Brahim Chnina, 52 ans, le père de l’élève qui a menti (10 ans requis, 30 ans encourus) : il est condamné à 13 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. La cour a estimé que, compte-tenu de son habitude des réseaux sociaux, il ne pouvait méconnaître le risque certain qu’il faisait courir à l’intégrité de Samuel Paty. Elle lui reproche encore son aveuglement à l’égard de sa fille et son absence de volonté d’apaisement. Mais les juges ont tenu compte aussi  du fait qu’il n’était pas démontré qu’il ait souhaité cette issue fatale, de l’ascendant exercé sur lui par Abdelhakim Sefrioui et de son état de santé fragilisé. Il a déjà effectué quatre ans de prison.

Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, l’activiste (12 ans requis, 30 ans encourus) : les juges ont fixé une peine de 15 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste. La cour a estimé qu’il avait joué un rôle essentiel dans la chaine causale en usant de son autorité proclamée de représentant des imams, en publiant la vidéo, et en ne faisant rien pour apaiser la situation. Elle a tenu compte aussi de la série « d’actions virulentes » qu’il avait menées pendant plusieurs années.  Malgré l’extrême gravité des faits, souligne-t-elle, elle a néanmoins relevé qu’il n’était pas démontré qu’il avait souhaité « l’issue fatale telle qu’elle s’est produite ». La peine tient compte également de l’absence de  signe de radicalisation violente et de son âge. À l’issue de chaque prononcé de peine, le président demande à l’accusé s’il a compris.

« — J’ai compris que vous avez fait de la politique,  commence à répondre A. Sefrioui.

— Pas de commentaire ! Vous avez le droit de faire appel, rétorque le magistrat.

— Je fais appel maintenant, lance l’accusé.

— C’est votre droit ».

Il a déjà effectué quatre ans de prison.

Azim Epsirkhanov (23 ans), ami d’Anzorov (16 ans requis, perpétuité encourue) : Il est condamné pour complicité à 16 ans de réclusion. La cour a estimé qu’il était parfaitement conscient de la dangerosité de son ami. Malgré cela, il a recherché pour lui une arme de poing, participé à l’achat de l’arme blanche et à l’organisation de ses trajets. Les juges ont tenu compte aussi de son jeune âge à l’époque des faits (18 ans), de sa présentation spontanée aux services de police et du sérieux de son investissement professionnel.  Elle n’a pas prononcé d’interdiction du territoire français. À la question du président qui lui demande s’il a compris, le regard intense et les pommettes très rouges, l’intéressé se tait.

Naim Boudaoud (22 ans), ami d’Anzorov (14 ans requis, perpétuité encourue) : il est également condamné pour complicité à 16 ans de réclusion. Lui aussi, aux yeux de la cour était parfaitement conscient de la dangerosité de l’auteur des faits, et pourtant, il a acheté deux armes avec lui et l’a véhiculé jusqu’au collège. S’il devait nécessairement être conscient du projet de porter atteinte à l’intégrité physique de quelqu’un, il n’est pas démontré que l’accusé était avisé de l’intention d’Anzorov de tuer Samuel Paty.  La peine tient compte aussi de son jeune âge et de l’absence de radicalisation violente. « J’ai rien à dire », a-t-il répondu au président.

Priscilla Mangel (36 ans), membre de la djihadosphère (18 mois requis) : la cour la condamne à trois ans de prison avec sursis pour provocation directe au terrorisme, elle devra se prêter à une prise en charge sanitaire, sociale et psychologique, exercer une activité professionnelle, ne pas détenir d’armes ni exercer d’activité en contact avec des mineurs.

Yusuf Cinar (22 ans), membre de la djihadosphère (un an requis) : il est condamné à un an de prison pour apologie de terrorisme, assorti d’un suivi sociojudiciaire de trois ans ; il devra exercer une activité professionnelle ou suivre une formation et ne pas détenir d’arme.

Ismael Gamaev (22 ans), membre de la djihadosphère (5 ans requis) : La cour le condamne à une peine de 5 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste, assortie d’un sursis à l’exécution de la partie de 30 mois.

Louqmane Ingar (22 ans), membre de la djihadosphère (3 ans requis) : il est condamné à 3 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste, avec sursis de la partie de 2 ans. Il ne retournera pas en détention car la partie ferme a déjà été exécutée, lui a précisé le magistrat.

Si le président n’a lu que quelques extraits de la décision, les peines souvent plus lourdes que les réquisitions et les mots très forts employés pour dénoncer la « gravité exceptionnelle des faits », la « barbarie absolue » de l’assassinat, ou encore « l’atteinte irrémédiable portée à la République et au sanctuaire que constitue l’école » montrent que la Cour a sans doute voulu faire un exemple. Le prononcé du verdict s’est déroulé dans un climat d’extrême tension. Tandis que sur les bancs des proches des accusés, une femme se mettait à hurler de colère et de douleur à l’énoncé du verdict, mobilisant à la fois gendarmes et secouristes, des applaudissements éclataient dans le public, rapidement réprimés par le président.

La déclaration d’Abdelhakim Sefrioui sur son intention de faire appel donne à penser qu’un nouveau procès va sans doute se tenir.

 

 

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