Attentat contre « Charlie Hebdo » : L’accusé, Peter Cherif, semble décidé à coopérer
Le procès de Peter Cherif, soupçonné d’être l’inspirateur de l’attentat contre « Charlie Hebdo » le 7 janvier 2015 et d’avoir participé à l’enlèvement par AQPA (Al-Qaïda dans la Péninsule arabique) en 2011 de trois humanitaires, s’est ouvert ce lundi. Le procès doit durer trois semaines.
Ce sont des habitudes qui en disent long sur le nombre et la gravité des attentats qui ont ensanglanté la France ces dernières années. Avocats, journalistes, personnel d’aide aux victimes, gendarmes, chacun désormais connait par cœur le parcours sécurisé qui mène à la salle des grands procès au palais de justice de la Cité, tout le monde y retrouve sa place dans un rituel parfaitement rôdé. Cette salle a vu passer la plupart des grands procès terroristes depuis celui des attentats du 13 novembre (surnommé V13 par les gens de justice) de septembre 2021 à juin 2022 pour lequel elle a été construite. Rien que cette année par exemple, on y a jugé le procès de l’attentat de Trèbes-Carcassonne (4 morts en 2018, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame) et celui de Strasbourg (5 morts en 2018). En novembre prochain s’y tiendra le deuxième procès relatif à l’assassinat de Samuel Paty.
Peter Cherif a-t-il joué un rôle dans l’attentat contre Charlie ?
Pour l’heure, la cour d’assises spécialement composée va se replonger durant trois semaines dans le dossier de l’attentat commis par les Frères Kouachi le 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo qui a fait 12 morts. Le djihadiste français Peter Cherif est en effet accusé d’en avoir été l’inspirateur, ce qu’il nie. S’il n’a pas été jugé en 2020 avec les autres individus poursuivis pour avoir participé à la préparation de l’attentat, c’est parce que lorsqu’il a été arrêté fin 2018, l’instruction était terminée.
Ami d’enfance de Chérif Kouachi, l’un des deux auteurs de l’attentat contre Charlie, avec qui il a grandi dans le 19e arrondissement, Peter Cherif a appartenu à la même filière djihadiste dite des Buttes Chaumont. Ils se sont retrouvés en 2011 au Yémen, Peter Cherif étant soupçonné d’avoir facilité la venue de Chérif Kouachi au sein d’AQPA, l’organisation qui a revendiqué l’attentat. Peter Cherif comparait également pour avoir participé à l’enlèvement de trois humanitaires au Yémen en 2011. Une accusation qu’il conteste aussi.
Lors du procès des attentats de janvier 2015, Peter Cherif avait été auditionné en qualité de témoin depuis son centre pénitentiaire. Il avait alors refusé de répondre à toutes les questions posées par la cour et les avocats, se limitant à une simple déclaration en arabe et assurant qu’il n’avait rien à voir avec l’attentat.
Perpétuité encourue
On se demandait donc à l’ouverture du procès lundi matin quelle attitude il allait adopter. Crâne rasé, lunettes de vue et masque chirurgical, il s’est présenté dans le box vêtu avec grand soin d’un costume gris occidental, assorti d’une chemise blanche impeccable. Peter Cherif n’a procédé cette fois à aucune déclaration liminaire, ni religieuse, ni concernant son innocence. Il s’est contenté de répondre calmement aux questions posées par la présidente de la cour d’assises relatives à son identité. Plus tard dans la matinée, alors que la magistrate lui demandait des précisions sur la situation de sa mère – elle indique être dans l’impossibilité de venir témoigner pour raisons de santé – il a répondu sans difficultés, confirmant la stratégie de coopération qu’il semble avoir décidé d’adopter. Il faut dire que l’enjeu est d’importance. Poursuivi pour participation à un groupement formé en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes de nature terroriste en récidive, et séquestration en bande organisée terroriste, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
La matinée a été consacrée, comme il est d’usage, à l’appel des parties civiles, puis des témoins ; on y retrouve la plupart des victimes des attentats de janvier 2015, et notamment l’hebdomadaire Charlie, représenté par Me Richard Malka. Puis la présidente de la cour d’assises a procédé l’après-midi à la lecture de son rapport.
Demain mardi, aura lieu le premier interrogatoire de l’accusé sur son parcours depuis sa naissance et l’audition de l’enquêtrice de personnalité.
Parcours d’un djihadiste français : de l’Irak au Yémen en passant par la Syrie
Né à Paris dans le 19e arrondissement en 1982, Peter Cherif tente d’intégrer l’armée en 2001, mais il fait l’objet d’un avis défavorable. Finalement, il obtient dans le cadre d’une préparation militaire à Pau son diplôme de parachutiste en 2002, mais se blesse le pied. Il renonce à intégrer l’armée et se radicalise sous l’influence de Farid Benyettou. En mai 2004, il part combattre en Irak. Capturé le 2 décembre suivant par les Américains à Falloujah, il est condamné à 15 ans de prison et incarcéré à Abou Ghraib, puis Mossoul. Mais il est libéré le 6 mars 2007 lors d’une attaque de la prison et exfiltré en Syrie où il finit par se rendre à l’ambassade de France le 7 février 2008. Jugé en janvier 2011 par le tribunal correctionnel de Paris, où il comparait libre, pour son départ en Irak, il est condamné le 10 mars suivant à cinq ans de prison. Il n’exécutera pas sa peine car il a quitté la France deux jours plus tôt, pour échapper à sa peine. Il passe par la Tunisie et arrive au Yémen le 5 mai 2011 où il intègre AQPA dont il est salarié. C’est à cette époque qu’il aurait organisé la venue de Cherif Kouachi. Toujours à l’été 2011, il est soupçonné d’avoir joué un rôle d’interprète dans l’enlèvement de trois humanitaires. Il reste au Yémen jusqu’en 2018, participe à des combats et apprend à fabriquer des explosifs. Avec sa compagne qui l’a rejoint sur place, ils ont deux enfants nés en 2014 et 2015. Alors qu’il tente de reconstruire sa vie à Djibouti avec sa famille, il y est arrêté fin décembre 2018 et expulsé vers la France.
Référence : AJU466711