Attentat de la basilique de Nice : le procès de l’attaque qui a fait trois morts s’ouvre lundi

Publié le 07/02/2025 à 12h08

Le 29 octobre 2020, à 8 h 29 du matin, un Tunisien arrivé clandestinement en France deux jours auparavant, pénètre dans la basilique de Nice et assassine trois personnes. Il comparait à compter du 10 février devant la cour d’assises spécialement composée pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Palais de justice de Paris
Le procès se tient jusqu’au 26 février dans la salle Georges Vedel du Palais de justice de Paris (Photo : @P. Cluzeau)

Généralement, les terroristes meurent en « martyr » en affrontant les forces de l’ordre une fois leur attentat accompli. Mais l’homme accusé du triple assassinat de la basilique de Nice, Brahim Aouissaoui, 21 ans à l’époque des faits, a survécu à ses blessures. Il est jugé à compter du 10 février par la cour d’assises spécialement composée. Il sera seul dans le box, les investigations n’ayant pas démontré qu’il ait reçu une aide de son entourage, ni que quiconque ait été informé de son projet.

Une série d’attentats à l’automne 2020

Pour comprendre les circonstances des faits, il faut se replacer en septembre 2020. Alors que s’ouvre au tribunal judiciaire de Paris le procès des attentats de janvier 2015 (Charlie, Montrouge, Hyper Cacher), Charlie Hebdo décide de republier les caricatures du prophète. En réaction, Al Qaida publie trois communiqués entre le 9 et le 11 septembre. L’un s’en prend à la France et déclare notamment « celui qui insulte [le prophète] doit être tué, qu’il soit musulman ou un mécréant » (…). Le second appelle « les loups solitaires et les lions » à viser la France. Le troisième exhorte à frapper Charlie et la France. Cela va déclencher une série d’attentats. Le 25 septembre, Zaheer Hassan Mahmood blesse gravement deux journalistes de l’agence Premières lignes au pied de l’ancien immeuble de Charlie, croyant s’en prendre à des collaborateurs de l’hebdomadaire satirique qui, en réalité a déménagé. Il a été condamné à 30 ans de réclusion le 23 janvier dernier. Le 16 octobre suivant, Samuel Paty est décapité à la sortie de son collège par un Tchétchène qui a voulu venger le prophète. Le terroriste est mort en affrontant la police. Ses amis accusés de l’avoir aidé, ainsi que les personnes qui ont orchestré une campagne de calomnie à l’encontre de Samuel Paty et les membres de la djihadosphère ont été condamnés le 20 décembre à des peines comprises entre un et seize ans de prison (nos articles ici).

Un homme ensanglanté, couteau à la main, qui les menace en criant « Allah Akbar »

Et puis arrive le 29 octobre. Alertée à 8 h 54 par un appel téléphonique, la police municipale de Nice découvre Nadine, 60 ans, quasiment décapitée à la porte principale de la basilique, puis, près de l’autel, Vincent, le sacristain, égorgé. La troisième victime, Simone, gravement blessée, est parvenue à fuir et à se réfugier dans une pizzeria, où elle succombera à ses blessures. Les policiers se retrouvent face à un homme ensanglanté, couteau à la main, qui les menace en criant « Allah Akbar ». Ils tirent. L’assaillant est à terre.

Né en 1999 en Tunisie, Brahim Aouissaoui est le cinquième d’une fratrie de six enfants installée à Sfax.  Les enquêteurs ont peu d’informations sur l’intéressé. Il vivait de petits boulots et son dernier travail connu consistait à tenir un point de vente d’essence de contrebande. Son entourage indique qu’à partir de 2018, son comportement change, il adopte une pratique religieuse rigoriste, sans doute sous l’influence de ses nouveaux amis, surveillés par les services anti-terroristes tunisiens. Assez vite, il s’éloigne de sa famille et ne fréquente plus que des hommes qui se qualifieront eux-mêmes de salafistes lors de leurs interrogatoires. Soudain, il décide de partir en France, sans prévenir sa famille. Les investigations révèlent que la décision est prise aux alentours du 10 septembre, soit juste après la republication des caricatures (2 septembre) et au moment des appels à commettre des attentats en France (du 9 au 11 septembre).

Repérages

Le 20 septembre, Brahim Aouissaoui figure parmi les 24 migrants interceptés par les gardes côtes italiens et débarqués à Lampedusa. Puis, il est transféré sur un navire pour subir une quarantaine. Le 9 octobre, il débarque à Bari après avoir reçu un refus d’entrée en Italie et l’ordre de quitter le territoire. Mais Brahim Aouissaoui n’a pas du tout l’intention de regagner la Tunisie. Il est venu pour frapper la France. Alors en sollicitant l’aide de tunisiens croisés sur sa route, il parvient à trouver l’argent pour prendre un bus en direction de Palerme où il arrive le 12 octobre. De là, il se rend dans une petite ville nommée Alcamo, où il travaille à la cueillette des olives, très certainement pour rassembler l’argent nécessaire à son voyage au « pays des mécréants et des chiens ». Le 27 octobre, Brahim Aouissaoui arrive à Nice à 20 h 03, via Rome, Gênes et Vintimille. Après avoir récupéré un sachet repas à une distribution, il trouve un hall d’immeuble pour dormir. Le lendemain matin, il se rend à la mosquée puis commence son repérage autour de la basilique à 11 heures. Toute la journée, il fait des allers-retours entre la mosquée et la basilique avant de rentrer dormir dans le même hall d’immeuble que la veille.

Deux femmes et un homme poignardés à mort

Le 29 octobre, à 6 h 04, il quitte cet abri de fortune, se rend à la mosquée puis passe se changer à la gare et se dirige vers la basilique. A 8 h 14, le sacristain et un de ses amis ouvrent l’église. À 8 h 28, Brahim Aouissaoui entre dans l’église. Deux femmes le suivent et ressortent sans dommage. C’est à 8 h 39 qu’entre la première victime, Nadine. L’ami du sacristain qui était parti, revient dans l’église, sans rien voir de suspect. Les deux hommes sortent prendre un café à la boulangerie. Il n’y a plus dans l’église que Nadine et Brahim Aouissaoui. A 8 h 49 une femme entre dans l’église et en ressort en faisant signe qu’il ne faut pas y aller. Mais une autre femme, Simone, informée que quelqu’un est blessé, décide malgré le danger d’entrer pour savoir si elle peut porter secours.  À 8 h 51, un homme entre puis ressort et prévient qu’il ne faut pas entrer, il a vu Nadine au sol et entendu une autre femme crier au fond de l’église. Pendant ce temps, celle qui a donné l’alerte la première va chercher le sacristain qui revient avec son ami dans l’église. Le premier se fait assassiner, le second parvient à s’échapper. La police arrive. À 9 h 00, elle annonce par radio que l’assaillant est neutralisé. Il est blessé, mais vivant.

L’accusé n’a guère été coopératif durant l’enquête, expliquant qu’il ne se souvenait de rien, ni s’agissant de sa famille, ni concernant son engagement religieux. Dans la mesure où il a refusé de s’expliquer durant l’instruction, la justice pour l’instant ignore tout de ses motivations et du projet qui était le sien. Les enquêteurs supposent qu’il voulait frapper à Paris, mais aurait finalement renoncé, faute d’argent.  Sa détention a été émaillée d’incidents qui ont motivé plusieurs changements de centres pénitentiaires. C’est donc un accusé difficile que la cour s’apprête à juger. Acceptera-t-il enfin de s’expliquer devant ses juges et les proches des victimes ?  Réponse à partir de lundi. Le procès est programmé sur 15 jours, le verdict est annoncé le 26 février.

Plan