FLASH : Peter Cherif est condamné à la perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans
La cour d’assises spécialement composée a rendu son verdict jeudi en fin d’après-midi, au terme de trois semaines de procès. Elle a jugé Peter Cherif coupable de la séquestration des humanitaires enlevés au Yémen en 2011 et d’association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste en ce qui concerne les attentats de janvier 2015.

Le verdict était annoncé à 18h15, mais l’attente s’étire dans la salle des grands procès du palais de justice de Paris. Alors on discute par petits groupes. Parmi eux, on reconnait des figures de Charlie Hebdo, dont l’avocat Richard Malka ou encore Laurent Sourisseau, alias Riss le directeur du journal. Celui-ci a été blessé à l’épaule lors de l’attentat et raconte l’attaque dans un livre intitulé Une minute quarante-neuf secondes.
Enfin, la sonnerie retentit, annonçant l’entrée de la cour d’assises. La présidente, Frédérique Aline, qui a tenu son audience d’une main de maître durant ces trois semaines, malgré un accusé alternant périodes de mutisme et déclarations d’ordre général, invite Peter Cherif à se lever. L’intéressé s’exécute. La présidente ne va pas lire l’intégralité de la feuille de motivation qui sera disponible dans le délai de trois imparti à la juridiction par la loi, précise-t-elle, mais entend cependant communiquer les grandes lignes de la décision.
Elle commence par indiquer que la cour a jugé à la majorité l’accusé coupable de la séquestration des otages et coupable de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste qui a débouché sur l’attentat contre Charlie Hebdo. Elle a, ensuite, indiqué pour chacun des crimes retenus les éléments qui ont fondé l’intime conviction de la cour.
S’agissant de la détention et de la séquestration des trois otages au Yémen : Ce sont les seuls faits reconnus, pour la première fois à l’audience, aveux corroborés par les éléments de la coopération internationale et les déclarations des victimes. Ces faits sont survenus moins d’un mois après l’arrivée de Peter Chérif au Yémen, ce qui établit aux yeux de la cour « que sa fuite ne s’explique pas tant par la volonté de fuir la justice française, que par l’intention de poursuivre le djihad ». La cour observe que le rôle de l’accusé n’était pas celui d’un simple traducteur, mais qu’il a effectué aussi une surveillance, organisé des prières et exercé une autorité hiérarchique sur les autres geôliers. Elle précise cependant que les otages ont été bien traités. En cela, elle a entièrement suivi le parquet (lire notre article ici).
S’agissant de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste : Onze éléments matériels ont été retenus dans l’ordonnance de mise en accusation. Malgré le silence de l’accusé tout au long de son procès, la cour a compris des plaidoiries de ses avocats que 9 éléments sur les 11 n’étaient pas contestés. La cour s’est appuyée sur les récits circonstanciés de l’intéressé lors de ses auditions au cours de l’enquête, les témoignages ainsi que le résultat des enquêtes pour considérer qu’il s’était bien rendu au Yémen, qu’il y avait rencontré les dirigeants d’AQPA et exercé les fonctions d’interprète pour le compte de l’organisation. Elle a considéré aussi qu’il avait bien participé à la propagande, via la gestion de la boite mail du journal Inspire et l’usage des supports informatiques qu’il avait sur lui lors de son arrestation. Sur les activités militaires, il est établi qu’il a rejoint le front, puis servi d’instructeur militaire. La cour retient encore qu’il a intégré la police de l’AQPA, participé à la fabrication d’explosifs ainsi qu’à la recherche de cibles, utilisé de faux documents, et bénéficié des ressources financières d’AQPA.
Deux éléments sont contestés par la défense : avoir facilité l’intégration de Chérif Kouachi au sein d’AQPA et avoir conservé des relations avec les frères Kouachi sachant qu’ils avaient reçu mission de commettre un attentat en France. « On ne vous reproche pas de les avoir entraînés et financés, mais d’avoir facilité la venue de Chérif Kouachi et lui avoir permis d’intégrer AQPA » précise la présidente. La cour retient sa culpabilité malgré ses dénégations en s’appuyant sur de nombreux éléments : liens d’amitié anciens avec C. Kouachi, convergence d’intérêts pour le djihad, déclarations de Farid Benyettou … »Vous étiez le seul français et donc le seul susceptible d’accueillir Cherif Kouachi et Salim Benghalem et de servir de traducteur » explique la présidente, lors d’une rencontre qui a eu pour objet de confier des missions d’attentats. « Vous aviez nécessairement connaissance de la mission qui lui était confiée » poursuit-elle. Et de conclure, « la cour a considéré que vous étiez l’unique intermédiaire possible, peu important que le passage à l’acte ait été reculé au 7 janvier 2015 ».
Peine : Pour déterminer une peine, il faut tenir compte de la personnalité de l’accusé et de la gravité des faits. S’agissant de la personnalité, la cour note que l’accusé a 42 ans et deux enfants, qu’il a connu un parcours traumatique lié à la disparition brutale dans un accident de son père quand il avait quatorze ans, qu’il a obtenu une licence en psychologie en prison et que sa détention n’a connu aucun incident. Mais elle constate aussi l’extrême gravité des faits reprochés en état de récidive légale, l’engagement djihadiste de 15 ans, qui n’a pas varié malgré une condamnation, des séjours en prison et un contrôle judiciaire qu’il n’a pas respecté. Elle rappelle en outre les préjudices extrêmement lourds liés à son parcours, qu’il s’agisse de la séquestration des humanitaires ou des attentats de janvier 2015. La cour a pris en compte également « une dangerosité manifeste » révélée lors de la fuite du Yémen à Djibouti où l’accusé a été arrêté en possession d’une arme et de contenus informatiques ciblant des intérêts occidentaux. Enfin, la cour s’est appuyée sur des expertises le diagnostiquant comme une « personnalité de type sociopathe » (en 2008), ayant une propension à la dissimulation et à l’endoctrinement. L’intéressé ayant refusé de se soumettre à de nouvelles expertises dans le cadre du procès, la cour n’avait pas d’autre élément à sa disposition et par ailleurs les choix de prises de parole à l’audience ont démontré, à ses yeux, « une absence de remise en cause des faits et de son engagement ».
La cour a donc décidé de le condamner à la perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans. Peter Cherif a dix jours pour faire appel de la décision.
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Référence : AJU471569
