L’épouse violentée de l’athlète Morhad Amdouni : « J’ai cru que j’allais mourir… »

Publié le 25/02/2025 à 8h38

Morhad Amdouni, recordman français du marathon à Séville l’an passé et champion d’Europe du 10 000 mètres à Berlin en 2018, a été condamné lundi 24 février par le tribunal de Meaux à dix mois de prison avec sursis probatoire de deux ans pour l’agression de sa femme. Il devra se soigner et ne plus l’approcher. Par ailleurs, il fait l’objet d’une enquête pour viol sur la mère de ses deux enfants.

L’épouse violentée de l’athlète Morhad Amdouni : « J’ai cru que j’allais mourir... »
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

 À la barre de la chambre correctionnelle de Meaux (Seine-et-Marne), Amal (prénom modifié) apparaît très éprouvée. L’émotion l’oppresse, accentuée par le regard de son mari qu’elle devine. Il est assis derrière elle, dans cette petite salle d’audience à juge unique, la présidente Caroline Fichet. Amal, 32 ans, maintient ses accusations, en dépit des dénégations virulentes – et maladroites – de son mari, le marathonien Morhad Amdouni. Un peu plus tôt, le prévenu âgé de 36 ans, poursuivi pour des violences conjugales en présence de leur fils de 6 ans, avait déclaré que, confronté à « la crise de colère » de sa femme, « énervée, révoltée », il avait tenté « de la calmer en l’attrapant par les épaules ».

Pendant deux heures et demie, Morhad Amdouni, très confus, a essayé de convaincre le tribunal qu’il est victime « de la vengeance d’une femme très intelligente » au motif qu’il l’a trompée durant plusieurs mois. Ce dont il s’excusera à maintes reprises, finissant par agacer les magistrates tant le délit reproché est bien plus grave qu’une liaison, laquelle « n’est pas une infraction ». Qu’importe, il insistera sur sa « culpabilité » d’avoir « eu une maîtresse » ; il ne se considère coupable que de cela.

« Je suis choqué que madame me traite de violeur »

 Avant que les deux parties s’expriment, la présidente Fichet a lu le rapport des événements. Le 18 septembre 2024 à 22h15, les policiers de Lagny-sur-Marne se présentent au domicile du couple, à Serris. Amal les a prévenus, en larmes, des coups qu’elle vient de subir. Elle en porte une trace au cou, constatent les agents. Une policière s’inquiète aussitôt du petit de 6 ans : il est « traumatisé » par ce qu’il a entendu, vu. La querelle a éclaté pour une broutille, la perte d’une clé de boîte aux lettres, s’est amplifiée lorsque la jeune femme lui a lancé : « Tu n’es pas un homme ». Piqué au vif, Morhad Amdouni « l’a saisie à deux mains ». Se sont ensuivies les violences que la juge résume, et que va détailler Amal à la barre.

Réaction du coureur de fond au récit de la présidente : « Ce sont vraiment des choses obscènes ! » La voix chevrotante, frottant ses yeux secs, il se dit « choqué que madame [le] traite de violeur ». Une enquête préliminaire a été ouverte après sa plainte pour des rapports sexuels contraints. « Je suis sa proie, elle tient sa vengeance. » Il estime « qu’elle s’apitoie sur son sort », profite « de ma fragilité de l’avoir trahie ». Il la dépeint ainsi : « Elle crie, devient toute rouge, ne se contrôle pas. » « Une hystérique », a-t-il déclaré en garde à vue. Un mot « plusieurs fois prononcé à son sujet », soupire Me Mélanie Albatangelo, avocate de la plaignante.

« Il avait le visage du diable »

Hystérique, vraiment ? Plutôt une femme affolée par la tournure que leur querelle a prise. En témoignent les photos de son hématome au bras droit, impressionnant, et les griffures au thorax qui lui ont valu sept jours d’ITT (dont trois pour état anxio-dépressif) par l’Unité médico-judiciaire. Alma, col roulé et pantalon noirs, raconte sa frayeur : « Il a sauté et m’a plaquée contre la porte du rangement. Il avait le visage du diable. Il m’a vraiment étranglée. J’avais du mal à respirer. J’ai remué les mains, les pieds, j’ai crié. Je suis tombée. Sa mère est arrivée dans le couloir et ne m’a pas aidée. Je suis passée entre leurs pieds pour fuir. Elle m’en a empêchée afin que je n’appelle la police. J’ai cru que j’allais mourir… Sa mère a dit : “Il ne t’a pas touchée.” S’il avait réussi à me tuer, elle aurait parlé d’un suicide. »

Le beau visage de la géologue tunisienne est ravagé. Ce témoignage d’une traite l’a épuisée. Elle reprend son souffle, répond à la juge : « Comment je vois l’avenir ? Pas de retour en arrière, je dois protéger mes enfants. » Deux semaines avant l’agression, à la suite d’une discussion avec la maîtresse de son mari, elle a demandé le divorce et cherche un travail.

Par deux fois, furieux, Morhad Amdouni a voulu l’interrompre. Me Jean-Charles Negrevergne, son avocat, se poste à moins d’un mètre d’Alma, lui demande de justifier un lancer de farine et de chaise bien avant les faits, et qui n’ont rien à voir avec ceux-ci. La jeune femme reconnaît honnêtement s’être « emportée », développe ses « crises d’angoisse » après avoir appris la liaison : « Je dormais dans le lit de ma fille, je mangeais dans sa chambre, je pleurais, je m’évanouissais. »

« Il l’a plaquée contre le mur sinon elle aurait tout cassé »

 « Comment allez-vous, aujourd’hui ? s’enquiert la présidente.

– Je vais mieux, mon fils aussi. Nous avons été suivis par un psychologue. Je me suis ressaisie. Mais ma fille de 4 ans a toujours peur pour moi. »

Le petit garçon s’est interposé entre ses parents, il a hurlé « arrêtez », peut-être a-t-il sauvé sa mère d’un autre coup. Car la victime s’est sentie seule, ce soir-là. Il y avait sa belle-mère et son beau-frère dans l’appartement – ils y vivaient depuis un an – mais ils l’ont enfoncée : « Elle cherche le conflit, elle est colérique », a témoigné la première ; « il l’a plaquée contre le mur sinon elle aurait tout cassé », a indiqué le second. La maîtresse, elle, est venue à sa rescousse face à la police : « Je la crois à 100 %. »

Quant à l’enfant, il a vu « papa étrangler maman » et précisé : « Je voudrais que ce soit calme » (à la maison). « Ce sont des mensonges, objecte Morhad Amdouni. Mon fils ne sait même pas ce que veut dire étrangler ! Il est sous pression. Elle le manipule. » Et ainsi de suite. Quand viendra l’examen de sa personnalité, il se plaindra d’avoir été suspendu de son club, ainsi que de sa fonction d’ambassadeur de l’athlétisme. Il craint d’être exclu des 20e Championnats du monde en septembre. Et n’apprécie pas de verser 800 € de pension mensuelle à sa famille…

« La posture de monsieur est abominable ! »

Me Mélody Hollemaert plaide pour l’association Avimej, administratrice ad hoc du garçonnet : « Il était dans son lit, il a été réveillé par les cris. Il a été exposé à des scènes de violence. Il n’a pas choisi de vivre dans un tel environnement, et je n’ai pas entendu monsieur parler beaucoup de lui… »

Me Mélanie Albatangelo, qui représente Alma, est tout aussi déroutée par l’atmosphère « d’un huis clos familial malsain où personne n’a aidé » celle que « l’on fait passer pour une hystérique ». Elle déplore « qu’il se pose en victime » et soit si « préoccupé par son image ».

La tempête s’abat sur le marathonien lorsque la procureure Louise Sahali prend la parole : « Cette audience est d’une indécente absolue à l’égard de la victime ! La posture de monsieur est tout à fait abominable ! Il l’accable, il la diabolise. » Considérant que « la culpabilité ne fait aucun doute », la représentante du parquet regrette que M. Amdouni « voie en ce procès un enjeu de réputation, et non un enjeu de réflexion, de remise en question ». Elle s’indigne « qu’il ne respecte que partiellement son contrôle judiciaire, qu’il ne participe pas aux groupes de parole à cause de sa notoriété ». Il a admis s’en dispenser : « C’est filmé et je suis connu ». Mme Sahali requiert douze mois de prison avec sursis probatoire de deux ans, une obligation de soins, d’effectuer un stage de responsabilisation contre les violences et l’interdiction de contacter, d’approcher Alma durant trois ans, le tout avec exécution provisoire.

En défense, Me Negrevergne plaide « pour un homme présumé coupable dès lors que la victime vient » (se signale), voyant en la démarche d’Alma « un moyen de récupérer le logement ». Il met en doute les hématomes, la parole de l’enfant, digresse sur la sexualité du couple (Alma pleure) et lui décoche une flèche brutale : « Elle a un problème pour chercher du travail car elle porte un foulard, mais elle n’en porte pas pour comparaître à votre audience ! »

Trois heures après les premiers mots de Morhad Amdouni, le tribunal suit l’intégralité des réquisitions du parquet, à deux mois près s’agissant de la peine. Il versera 1 000 € à son épouse, 700 € à l’association Avimej pour son fils.

Assommé, le marathonien quitte à longues foulées la petite salle.

L’épouse violentée de l’athlète Morhad Amdouni : « J’ai cru que j’allais mourir... »
Le marathonien Morhad Amdouni au tribunal de Meaux, le 24 février 2025 (Photo : ©I. Horlans)

 

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