Tribunal de Meaux : « Je ne suis pas misogyne puisque je déteste les homosexuels ! »

Publié le 09/10/2024

« Arrogant, insultant, méprisant, odieux. » Ainsi le vice-procureur a-t-il décrit Patrice qui s’est livré à une violente diatribe contre les femmes au tribunal de Meaux, en Seine-et-Marne. Il s’est en effet montré exécrable. À son ex-conjointe, il a adressé jusqu’à 500 textos d’insultes par jour. Et, à sa fille mineure, il a tenu des propos salaces et humiliants.

Tribunal de Meaux : « Je ne suis pas misogyne puisque je déteste les homosexuels ! »
Salle d’audience au Tribunal judiciaire de Meaux (Photo : I. Horlans)

Dès son entrée dans le box des détenus avec son escorte pénitentiaire, l’on pressent que l’audience va donner du fil à retordre aux magistrats. Patrice, 52 ans, 1m80, cheveux gris en brosse, blouson bleu, lance des regards noirs aux juges, en particulier à la présidente Isabelle Florentin-Dombre. Arrêté fin septembre, il répond le 4 octobre de harcèlement durant 18 mois contre sa voisine, ex-compagne « aux conditions de vie et à la santé dégradées ». Le psychiatre lui a accordé sept jours d’ITT. De harcèlement, aussi, envers sa fille de 16 ans : il la traque, l’agonit d’injures obscènes. L’expert a dit son « inquiétude » pour l’adolescente, dont « le retentissement psychologique est d’intensité importante ».

« Une bâtarde » à « la gueule de pédale »

 Patrice, grutier en situation précaire depuis qu’il est séparé de sa famille – il a également un fils de 6 ans –, est furieux d’être traduit en justice à cause « de la pouf ». Ainsi désigne-t-il Carine*, « une fille de pute » avec qui il a vécu 15 ans. Dès l’ouverture des débats, il exprime ainsi sa rancœur : « Je n’ai pas souhaité les enfants ! Quand elle est tombée enceinte, j’ai insisté pour qu’elle enlève le gosse. »

Carine n’a pas avorté, Léa* est née. Son père ne l’aime pas.

Avec la jeune fille, il n’a plus de liens depuis près de trois ans. Mais il vient sur le marché où elle se fait de l’argent de poche le week-end et la traite de tous les noms devant le patron, les clients. À ses yeux, c’est « une bâtarde » à « la gueule de pédale » qui « montre ses parties » intimes et qui « devient une Lolita ». Il lui parle de « sa chatte » et promet de « l’enculer ». Propos les moins crus, qui donnent un aperçu de la relation père-fille. Avocate des victimes, Me Valérie Lefèvre-Krummenacker raconte qu’une fois l’affaire acceptée, elle a entrepris « de surligner les injures. J’ai vite cessé car j’aurais surligné toutes les feuilles » des procès-verbaux.

Sous sursis probatoire renforcé pour violence avec arme, il ne respecte pas l’injonction de soins : « Je ne sais pas où on fait ça, donnez-moi l’adresse. » Il a été plusieurs fois condamné, y compris pour s’en être pris à un policier. Son ancien voisinage évoque « un monsieur colérique avec des problèmes de comportement ».

« Je ne suis pas un taliban ! »

 Carine n’est pas plus épargnée, mais c’est une adulte de 38 ans, susceptible de mieux encaisser. À « la flemme », un autre de ses surnoms, il « fait vivre un enfer », précise son conseil. « Son téléphone ne cesse de vibrer : certains jours, elle a reçu 400 à 500 appels et textos ! » Enregistrements et captures d’écran ont été versés au dossier. Cela dure depuis qu’ils se sont quittés, il y a un an et demi. Carine l’a souvent signalé à la police, qui n’a pas agi.

Patrice paraît plus proche du petit garçon, bien que l’enfant ne veuille plus le voir, indique la juge. Il s’emporte : « Conneries ! Ce qu’elle [l’enquêtrice sociale] écrit est complètement faux ! Sa mère le monte contre moi. »

Laquelle enquêtrice « peut aller se torcher le cul avec son rapport ».

« Arrêtez de crier, monsieur. Vos enfants sont en pleine construction, vous leur faites du mal.

– Et vous, me parlez pas sur le ton que j’emploie avec eux ! Je suis pas votre fils ! »

Le procureur Éric de Valroger révèle ses propos sur les femmes. Florilège :

« Si elles veulent surpasser l’homme faut qu’elles soient exceptionnelles. » Ou « la femme, égale de l’homme ? Elle nous arrive pas à la semelle ! » Ou encore, à propos de sa séparation avec Carine : « Je n’allais pas me taper la même rillette pendant 15 ans. »

Riposte de Patrice : « J’en ai marre ! J’ai fait un mois et demi de psychiatrie mais je ne suis pas un taliban ! La vie avec les femmes est trop compliquée, trop dangereuse. »

« Il sort du Moyen Âge ! »

Ainsi apprend-on, par sa réponse, qu’il a fait l’objet d’un placement sous contrainte en hôpital psychiatrique. Le motif était forcément grave. Mais l’expert qui l’a examiné en garde à vue n’a relevé aucune pathologie, ni de traitement. Me Lefèvre-Krummenacker dit « la peur » de ses clientes, « qui ne demandent qu’une chose : la tranquillité. Il les détruit. Vous devez les protégez ».

Consterné par « le nombre incroyable de faits », Éric de Valroger estime le prévenu « irrespectueux ici », « détestable » en général : « S’il n’est pas un taliban, il sort du Moyen Âge ! » Préoccupé par le danger qu’encourent les victimes, il requiert deux ans de prison, dont un avec sursis probatoire de même durée, le maintien en détention pour la partie ferme, l’interdiction de contacter Carine et Léa, de paraître à leur domicile, des soins et le retrait de l’autorité parentale.

Défenseur de Patrice, Me Jean-Louis Granata s’interroge honnêtement sur « le caractère nauséabond de ce qu’a pu dire » son client. « Mais si la police sollicitée depuis 2023 avait mis le holà, on n’en serait pas là. » S’il admet « qu’on a presque envie d’être aussi méchant avec lui », il croit toutefois en l’amour pour son fils : « Il ne peut plus accueillir. La prison n’est pas la réponse. Il faut lui adresser un message, lui fixer des interdits ».

Patrice, qui a la parole en dernier, démolit la plaidoirie : « Apparemment, je serais misogyne. Je ne le suis pas puisque je déteste les homosexuels ! Il faut voir la jungle qu’est devenue cette société ! Ça me dégoûte. Elle aussi [Carine] est dégoûtante. Je suis à bout, je suis fatigué. »

Et ainsi de suite, jusqu’à ce que la présidente Florentin-Dombre suspende l’audience.

Le tribunal suit les réquisitions, à ceci près qu’il ne retire que l’exercice de l’autorité parentale. À l’annonce de son emprisonnement, Patrice explose : « Vous n’apaisez rien ! Vous n’avez aucune dimension humaine ! Puisque c’est comme ça, je fais appel. » Le cliquetis des menottes et les mouvements dans la salle couvrent ses dernières insultes.

 

* Les prénoms des victimes ont été modifiés

Tribunal de Meaux : « Je ne suis pas misogyne puisque je déteste les homosexuels ! »
Me Valérie Lefèvre-Krummenacker, avocate des parties civiles, au tribunal de Meaux, le 4 octobre 2024 (Photo : ©I. Horlans)
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