Hauts-de-Seine (92)

Nanterre et ses prisons

Publié le 12/01/2022

Nanterre a connu plusieurs établissements pénitentiaires. Il y eut la maison d’arrêt construite au XIXe siècle, dont le bâtiment héberge aujourd’hui le Centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH). Puis il y a, toujours en activité, la maison d’arrêt construite dans les années 1980, ayant accueilli les premiers détenus en 1991. Depuis 2019, la ville accueille même un quartier de semi-liberté…

En 1872, la Direction des travaux de Paris fait l’acquisition d’un terrain de douze hectares à Nanterre, à l’extrémité nord de la ville dans une zone quasi inhabitée, pour y construire une « maison de répression ». Le chantier a duré douze ans, de 1874 à 1886. Lorsqu’il est construit, le bâtiment de la prison de Nanterre est conçu pour accueillir d’un côté 1 000 hommes et de l’autre 500 femmes.

La construction de la première « Maison de Nanterre »

Dans son article paru dans la revue de la Société d’histoire de Nanterre, le président Robert Cornaille explique que le projet du Conseil général de la Seine était de transférer à Nanterre les détenus de la maison de répression de Saint-Denis, alors surpeuplée et insalubre. « L’établissement était destiné à des fonctions de prison d’État et de dépôt de la mendicité », écrit-il.

Le concours d’architecture est ouvert par le Conseil général de la Seine en 1874. C’est l’architecte Achille Hermant qui est retenu. Élève d’Abel Blouet à l’École des beaux-arts, il est architecte-expert près les tribunaux à partir de 1857. Inspecteur dans le service d’architecture de la ville de Paris en 1860, il devient chef de service en 1870. Nommé architecte de la ville en 1880, il a notamment réalisé l’agrandissement de la caserne de la rue Mouffetard (Ve) en 1883.

Robert Cornaille détaille le bâti de cette « réalisation moderne » : « Une double porte cochère, flanquée de deux pavillons comprenant le logement du concierge et un corps de garde, s’ouvre sur une vaste cour d’honneur, fermée par le bâtiment administratif. Celui-ci comprend le bureau du directeur. (…) À sa suite, viennent une chapelle au centre d’un jardin, puis des bâtiments pour loger une communauté religieuse, pourvus d’un petit cloître. Plus loin se trouve l’infirmerie, imposant édifice ayant reçu une sobre décoration, d’influence florentine. Cette disposition sur l’axe nord-sud matérialise la séparation entre le quartier des femmes à l’ouest et celui des hommes à l’est (…). Le quartier de détention cellulaire est isolé de l’ensemble par une enceinte intérieure. Il comprend quatre bâtiments de deux étages contenant quatre-vingt-huit cellules. Côté est, un bâtiment de douze logements pour du personnel a été construit le long du mur d’enceinte. La conception des bâtiments, élevés sur caves, et leurs aménagements obéissent aux préceptes hygiénistes de l’époque. (…) Les dortoirs, prévus pour cinquante personnes, et les ateliers, prévus pour vingt à cent soixante-cinq travailleurs, sont équipés de lavabos sur le palier. Chaque cour est pourvue d’urinoirs et de cabinets munis de chasses d’eau périodiques avec conduite au tout-à-l’égoût. Cet équipement constitue une innovation si l’on sait que le tout-à-l’égoût n’a été rendu obligatoire à Paris qu’en 1902 ».

La « Maison de Nanterre » devient très vite un « dépôt de mendicité ». Administré par le préfet de la Seine, il a pour mission d’héberger, dans un but à la fois humanitaire et d’ordre public, les indigents de Paris et du département de la Seine (vagabonds, mendiants, indigents infirmes ou invalides), selon le décret du 13 septembre 1887. Pour répondre aux besoins des populations, une infirmerie se développe ainsi qu’une maternité et une crèche. On compte au total un dépôt de mendicité, un hospice et une infirmerie hébergeant jusqu’à 4 900 pensionnaires : 3 400 hommes, 1 400 femmes et 100 enfants des hospitalisés.

Maison départementale de répression de Nanterre

DR

Les détenues de Nanterre

Si les premiers reclus sont arrivés à Nanterre en 1887, c’est en 1890 que les premières détenues femmes y sont enfermées.

À partir de 1893, des femmes mineures de 16 ans purgent leur peine dans la prison de Nanterre avec les femmes majeures. Elles n’y restent pas longtemps, deux mois environ. Certaines sont des « insoumises », décrites comme des « jeunes vagabondes ou prostituées non encartées » qui étaient « punies administrativement comme telles par le préfet de police », selon le Répertoire des fonds conservés des archives de Paris.

Parmi les détenues célèbres, citons par exemple Gabrielle Bompard, reconnue coupable de l’assassinat de l’huissier de justice parisien Toussaint-Augustin Gouffé. Cette affaire sera connue comme celle de « la malle sanglante de Millery ». Son mari Michel Eyraud, complice, sera pour sa part guillotiné.

Au printemps 1902, toutes les femmes sont déplacées vers la maison d’arrêt de Fresnes dans le Val-de-Marne. C’est même la vocation carcérale de la Maison de Nanterre qui est abandonnée cette année-là au profit d’une mission exclusive d’assistance et de soin.

La « Maison de Nanterre » devient le Cash

Alors que la France fait face à une pénurie de l’offre hospitalière, l’infirmerie de la Maison de Nanterre devient petit à petit un hôpital à part entière. En 1893, elle est d’ailleurs autorisée à accueillir les urgences. En 1930, ce sont tous les patients de plus de 16 ans des communes environnantes qui peuvent venir être soignés.

En 1964, la Maison de Nanterre passe sous la tutelle de la préfecture de Paris puis, à la fin des années 1980, elle est déclarée « établissement public autonome à caractère sanitaire et social ». La loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 lui confère ensuite une double vocation sanitaire et sociale avec : un pôle hospitalier performant et un pôle médico-social dont le but est d’héberger et de prendre en charge à des fins médico-sociales des personnes sans abri. Il change de nom et devient le Centre d’accueil et de soins hospitaliers (Cash).

La maison d’arrêt des Hauts-de-Seine

C’est à la même période qu’est construite la nouvelle maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. Les premiers détenus y ont été reçus à partir de 1990-1991. Elle s’ajoute aux établissements déjà en service, notamment la Santé à Paris, Fresnes, Fleury-Mérogis ou Bois-d’Arcy. Tous types de détenus sont accueillis, mais surtout des courtes peines, en majorité pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, des affaires de mœurs ou des personnes en situation irrégulière. Jusqu’en 2002, seuls les majeurs étaient incarcérés dans cet établissement.

Au 1er janvier 2021, selon l’Observatoire international des prisons (OIP), le quartier des hommes majeurs comptait une densité carcérale de 140,6 %, soit 807 personnes hébergées pour 574 places. Le quartier des hommes mineurs comptait 21 personnes hébergées pour 18 places.

Le quartier de semi-liberté de Nanterre

La ville de Nanterre a de nouveau accueilli sur son territoire un établissement en 2019 : un quartier de semi-liberté (QSL) livré en 2019 pour le ministère de la Justice. Ce QSL permet à une personne condamnée de bénéficier d’un régime particulier de détention qui l’autorise à quitter l’établissement pénitentiaire afin de s’investir dans un projet de réinsertion. Le site accueille aussi le siège des services pénitentiaires d’insertion et de probation des Hauts- de-Seine (SPIP) qui assure le suivi des personnes placées sous-main de justice.

« L’organisation des différentes zones du quartier de semi-liberté est contrôlée à partir du poste d’entrée protégée (PEP). Placé stratégiquement, il bénéficie d’une vue directe sur la cour d’accueil qui gère les accès aux zones logistiques, administratives et de détention », écrit la rédaction du site Chroniques d’architecture. « Sur quatre niveaux, le quartier de semi-liberté compte 89 cellules accueillant 92 détenus. Les cellules sont desservies par des larges circulations et bénéficient de vues, soit sur la cour de promenade soit sur les jardins plantés, sans vis-à-vis. Les salles collectives (réfectoire, salle de musculation, médiathèque et laverie) situées au rez-de-chaussée s’ouvrent sur la cour de promenade ».

Depuis la fin du XIXe siècle, Nanterre a donc eu une longue histoire pénitentiaire qui est loin d’être finie. Mais aujourd’hui, ce qui fait couler le plus d’encre, ce sont les conditions d’hébergement au sein de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine, régulièrement dénoncées. Un communiqué de l’OIP déclare : « Dans une ordonnance rendue le 16 décembre 2020, le Conseil d’État a constaté en référé les conditions indignes de détention subies par un détenu de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine et souligné les représailles qui ont accompagné son action devant les tribunaux ». L’OIP conclut : « Le Conseil d’État vient effectuer un rappel salutaire : le fait que la personne détenue, placée dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis de l’administration, se heurte à une absolue inégalité des armes pour rapporter la preuve des conditions indignes de détention ».

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