Faculté de droit de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines : « Il faut faire au mieux avec ce dont nous disposons »
Marie-Emma Boursier travaille au sein de la faculté de droit et de science politique de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines depuis plus de 17 ans. Élue doyenne en 2017, elle est maître de conférences HDR et membre du laboratoire de recherche de droit des affaires et des nouvelles technologies. Elle revient sur la gestion de la faculté en cette période de crise. Elle assure que, malgré les difficultés, « la valeur des diplômes a été préservée ».
Les Petites Affiches : Comment s’est déroulée la rentrée 2020-2021 au sein de votre faculté ?
Marie-Emma Boursier : Nous avons eu plus de temps que lors du premier confinement pour nous organiser avec des promotions de licence très importantes. À Versailles, pour les L1 et L2 nous avons deux groupes pour chaque promotion et nous avons près de 400 étudiants en L3. Nous avons mis en place le système de semaine A et semaine B, avec des cours en présentiel et en ligne en même temps, ce qui a permis aux étudiants non-présents de suivre les cours. Ce système « hybride » nous a imposé de dédoubler les promotions L1 et L2, soit quatre groupes par niveau.
LPA : Aviez-vous suffisamment de moyens techniques à disposition ?
M.-A.B. : Nous n’avions pas de licence Zoom pour tous les enseignants. Nous avons alors produit des enregistrements mis en ligne par les services de la faculté sur la plateforme Moodle [Moodle est une plateforme d’apprentissage en ligne libre qui est développée à partir de principes pédagogiques et permet de créer des communautés s’instruisant autour de contenus et d’activités, NDLR] Mais cela prenait beaucoup de temps, avec parfois des délais d’accès de deux jours. Pour les travaux dirigés (TD), cela se passait de la même façon, parfois avec des Zoom synchrones, parfois avec des enregistrements différés. Ce n’était pas idéal. Nous avons engagé des stagiaires de l’Institut international de l’image et du son (3iS) de Versailles pour former notre équipe logistique. L’expérience a montré que les cours en Zoom pour des promotions importantes permet d’approcher une qualité assez satisfaisante (Tchat, questions orales). Mais l’enseignement de cette terrible crise est que la présence en cours, en cours magistral notamment, est irremplaçable en termes de qualité de l’enseignement et d’échanges.
LPA : Nous entendons régulièrement parler des étudiants les plus fragiles. Qui sont-ils ?
M.-A.B. : Ceux que l’on identifie comme les plus « fragiles » sont les L1 parce qu’ils n’ont pas pu s’adapter à la vie étudiante. Nous avons intensifié les liens avec les équipes administratives et les chargés d’enseignement. Mais le lien avec leurs camarades leur manque beaucoup. Je n’ai pas de chiffres précis concernant les 3 000 étudiants de la faculté. Nous observons cependant des phénomènes que nous n’avions pas perçus jusqu’alors avec des absences justifiées pour des étudiants qui font valoir des situations psychologiques difficiles. On les oriente vers les services de l’université qui sont organisés pour offrir un soutien médical. Mais certains étudiants souffrent particulièrement d’isolement, ou de conditions de travail difficiles. À cela s’ajoutent les difficultés financières liées à la perte de contrats de travail à côté de leurs études.
LPA : Comment avez-vous affronté le deuxième confinement ?
M.-A.B. : La fermeture de l’université a été très difficile à vivre pour les étudiants. Mais nous nous sommes retrouvés beaucoup moins démunis qu’en mars dernier. Tous les paramétrages étaient en place. Pour les chargés d’enseignement, c’est un travail considérable que de gérer leurs travaux dirigés dans ces conditions entre la manipulation de devoirs, l’envoie de mails, de copies… Nous sommes reconnaissants de leur investissement.
LPA : Que préconisait le ministère pour la reprise des cours du second semestre ?
M.-A.B. : Dans les nouvelles préconisations prévues dans la circulaire du 22 janvier dernier, nous avions une double contrainte d’une jauge à 20 % d’occupation des locaux, et 20 % du temps étudiant, sans compter le nettoyage et l’impossibilité de manger sur place, et la fermeture des locaux à 18h. C’est une équation quasiment impossible à résoudre. Nous avons élaboré plusieurs hypothèses et possibilités mais nos emplois du temps ne sont pas élaborés pour optimiser l’alternance entre les cours en présentiel et les cours en ligne. Nous avons dû mettre en place, à nouveau, l’enregistrement de tous les cours magistraux déposés sur Moodle pour que les étudiants qui ont fait le choix de suivre les TD à la faculté puissent les rattraper plus tard. Au fond, le « tout à distance » est presque plus facile que l’hybride. Certains vont avoir trois TD sur trois jours mais trois journées de cours magistraux à rattraper.
LPA : Ces nouvelles dispositions ont-elles impacté vos budgets ?
M.-A.B. : C’est très clair : nous devions tout faire à budget constant. Il n’y a pas eu d’heures supplémentaires de quelque nature que ce soit. Les stagiaires de l’école 3iS ont été pris en charge sur les ressources propres de la faculté.
LPA : Le virus a-t-il touché beaucoup de monde dans votre faculté ?
M.-A.B. : Nous avons une remontée directe des cas contacts ou cas avérés. À ma connaissance, il y a eu peu de cas de Covid-19 chez les étudiants.
LPA : Avez-vous dû modifier vos moyens de communication ?
M.-A.B. : Au sein de la faculté de droit et science politique, nous avons 53 enseignants-chercheurs et 25 personnels administratifs. Nous avons une réunion presque hebdomadaire avec les organes de direction et les directeurs des départements depuis mars dernier, mais également avec les étudiants élus. La communication interne s’est intensifiée avec les enseignants.
LPA : Quel est votre sentiment par rapport à la situation ?
M.-A.B. : J’ai une position pragmatique. Nous ne pouvons pas faire autrement. Nous souffrons des contraintes de la distance. Je constate que pour les résultats des examens de mai 2020, il y a eu une réussite et un éventail de notes identiques aux années précédentes. Je ne vois pas comment évoquer des positions de principe alors même que nous sommes confrontés à des situations qui nous échappent. Il faut faire au mieux avec ce dont nous disposons.
LPA : Les diplômes n’ont donc pas perdu de valeur, comme on peut le craindre ?
M.-A.B. : Ma réponse est statistique : les taux de passage sont identiques. Les diplômes n’ont pas été « offerts » aux étudiants, leur valeur est préservée. C’est un choix collectif de conserver cette exigence fût-ce dans les conditions actuelles puisque les modalités des examens ont elles-mêmes évolué. Concernant l’enjeu des recrutements en master, qui préoccupe les étudiants de licence, aucun collègue d’aucune faculté n’ignore les conditions de fin de leur diplôme. Malgré tout, les étudiants ont appris et progressé. Le service public a été assuré.
LPA : Qu’attendez-vous pour la rentrée 2021-2022 ?
M.-A.B. : Nous espérons tout simplement une rentrée dans des conditions normales.