Nouvelle prise en charge du harcèlement scolaire
Depuis de nombreuses années, il est beaucoup question de différentes formes de violences dans des textes juridiques pour mieux soutenir et accompagner les victimes. Il ne faut toutefois pas oublier que subir des harcèlements fait souffrir et qu’il faut sanctionner les auteurs, y compris dans la sphère scolaire, thème abordé par le décret n° 2023-782 du 16 août 2023, relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale.
D. n° 2023-782, 16 août 2023, relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale
De nombreux élèves souffrent à l’école et voudraient mettre fin à leurs études. Le harcèlement scolaire fait effectivement partie des drames qu’il convient de tenter d’éradiquer (I), en prenant le plus rapidement possible des mesures appropriées et efficaces (II).
I – Le constat du harcèlement scolaire
Il a beaucoup été question de cette forme de violence depuis que la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019, pour une école de la confiance1, a modifié l’article L. 511-3-1 du Code de l’éducation affirmant qu’il ne doit pas y avoir de harcèlement entre les élèves2. Il ne faut pas, en effet, qu’un élève subisse une « dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale ». Certes, la Cour de cassation a rappelé les règles prévues par le Code de l’éducation en cas de responsabilité d’un membre de l’enseignement public pour harcèlement3, mais les élèves de tout âge ne doivent pas non plus avoir un comportement dégradant vis-à-vis de leurs camarades de classe.
Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Cette violence se retrouve aussi au sein de l’école : elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui a du mal à se défendre en raison de son jeune âge et qui parfois n’ose pas signaler ces agissements, de peur d’être encore plus malmenée. Ces comportements nuisibles et répétitifs sont redoutables parce qu’ils font peser un risque sur la sécurité ou la santé des enfants qui sont scolarisés au même endroit. Leurs camarades de classe risquent de subir un décrochage scolaire en raison d’une phobie scolaire et de nombreux troubles.
Lorsqu’un enfant ou un adolescent est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement, harcèlement scolaire si cette forme de violence a lieu au sein de l’école primaire, du collège ou du lycée. Cette forme de violence risque d’entraîner des troubles du sommeil, de l’anxiété, de la dépression, voire des conduites suicidaires.
Pour mieux soutenir les élèves victimes de ces formes d’agression intentionnelle, la proposition de loi n° 4658 a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 5 novembre 2021, ses auteurs estimant que la réforme de 2019 souffrait de plusieurs lacunes4. Selon eux, « le harcèlement gangrène notre société », y compris au cours de la scolarité et des études supérieures et il ne faut pas tolérer la violence à l’école, y compris quand elle vise des mineurs de plus de 15 ans, de même que des jeunes étudiants.
Ces réflexions ont débouché sur la promulgation de la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, visant à combattre le harcèlement scolaire5, cette attitude condamnable étant dorénavant reconnue comme un délit. Les peines maximales encourues sont de 10 ans de prison et de 150 000 € d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime harcelée (C. pén., art. 222-33-2-3). Ces sanctions peuvent également être prononcées lorsque les faits continuent alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de son école. Un stage de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire peut de même être prononcé par le juge.
Le harcèlement subi par les élèves est d’autant plus redoutable que les violences ne cessent pas toujours lors de la sortie de l’école, du collègue ou du lycée car elles se prolongent de plus en plus par le biais de l’utilisation des nouvelles technologies de communication (téléphones et réseaux sociaux), les élèves souffrant alors de cyberharcèlement6. Un tel comportement doit également être sanctionné (C. pén., art. 222-33-2-2) car c’est une forme de violence qui peut être dangereuse et avoir de lourdes retombées et, dans ce contexte, le téléphone portable ou l’ordinateur ayant servi à commettre cette infraction pourra être confisqué (C. pén., art. 131-2).
II – Les mesures de lutte contre le harcèlement scolaire
Il est certes indispensable de soutenir les élèves qui subissent cette attitude de certains de leurs camarades de classe, mais il est aussi important d’aider le personnel scolaire. En effet, les directeurs d’école sont parfois démunis, alors qu’ils doivent pouvoir repérer ces formes de violences et protéger les victimes, de même que faire le nécessaire en classe en vue de développer la sensibilisation à cette thématique. Durant leur vie scolaire, les élèves ont intérêt de comprendre que les situations de harcèlement doivent être désamorcées et que les auteurs de tels agissements peuvent être lourdement sanctionnés, d’autant plus que l’on relève que des victimes sont allées jusqu’au suicide.
Pour que les professionnels soient plus efficaces, la loi du 2 mars 2022 a prévu que tous les personnels doivent être formés à la lutte contre le harcèlement scolaire, à commencer par la formation systémique des professeurs stagiaires.
Il ne faut surtout pas que le harcèlement perdure une fois que ces agissements ont été repérés et que les victimes ont été soutenues et accompagnées. Si la place des psychologues de l’éducation nationale est importante, il faut se féliciter des avancées du décret du 16 août 2023 qui prévoit que l’auteur de ces faits peut désormais être affecté dans une autre école afin que la sécurité et la santé des autres élèves soient rétablies, sachant que les parents n’ont pas à donner leur accord pour ce changement d’établissement scolaire.
Lorsqu’un risque pèse sur la santé ou la sécurité des élèves, le directeur d’école doit prendre des mesures éducatives de nature à faire cesser ce comportement (C. éduc., art. R. 411-11-1). Il peut notamment « suspendre l’accès à l’établissement de l’élève dont le comportement est en cause pour une durée maximale de cinq jours ». À compter de septembre 2023, la prise en compte des violences est encore améliorée puisque les directeurs d’école ont désormais la possibilité d’exclure temporairement, à savoir jusqu’à cinq jours maximums, un élève de leur école, sans avoir besoin de consulter préalablement l’inspecteur de l’éducation nationale. Mais surtout, en cas de harcèlement scolaire qui nuit à la sécurité des élèves, lorsque ce comportement persiste, le directeur académique des services de l’éducation nationale saisi par le directeur de l’établissement scolaire a désormais la possibilité de demander au maire de procéder à la radiation de l’élève harceleur de son établissement scolaire (C. éduc., art. R. 411-11-1).
Toutefois, la scolarisation dans une nouvelle école doit faire l’objet de l’accord du maire de la commune concernée. L’auteur de ces faits répréhensibles est donc contraint de changer d’école dans le but de l’éloigner de ses camarades, alors que, auparavant, c’était l’élève victime qui changeait d’école ; cette nouvelle mesure étant mieux adaptée à l’accompagnement des victimes qui veulent poursuivre leur scolarisation.
Tout est fait pour mieux protéger les élèves et leur permettre d’être bien éduqués, raison pour laquelle le décret met l’accent sur la prévention et le traitement le plus efficace et rapide possible de ces formes de violences. Il fallait pour ce faire que les directeurs d’école et les chefs d’établissement scolaire puissent apporter une réponse appropriée à l’attitude d’un élève auteur de harcèlement scolaire qui, par son comportement sanctionnable, fait peser un risque sur le bien-être à l’école.
Il importe effectivement de séparer les élèves harcelés de leur harceleur, ce qui justifie que ce dernier puisse être radié de son école en fonction de la gravité de la situation. Si, malgré la tentative de conciliation, l’attitude du harceleur perdure, il doit être sanctionné au plus vite afin d’éviter que des élèves ne soient trop impactés par celle-ci. La lutte contre la provocation au suicide est inscrite dans la loi (C. pén., art. 223-13), surtout quand des mineurs sont concernés. Il faut toutefois éviter qu’il y ait aussi des victimes dans la nouvelle école, raison pour laquelle un suivi pédagogique et éducatif renforcé de l’élève harceleur doit être mis en place jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.
Le décret vise non seulement les victimes, mais aussi l’auteur de ces faits répréhensibles, ajoutant que d’autres sanctions sont à prévoir pour mieux sécuriser le temps scolaire. Une procédure disciplinaire applicable aux élèves qui ont une attitude jugée répréhensible parce qu’ils portent atteinte soit aux principes de la République, soit au principe de laïcité (C. éduc., art. R. 421-10 – C. éduc., art. R. 511-14 – C. éduc., art. R. 511-20-1) est effectivement également évoquée dans ce texte. Assurément, pour que les élèves grandissent bien, il est essentiel que la transmission des valeurs de la République, incluant la laïcité, soit efficace à l’école.
Ce décret du 16 août 2023 montre que la prise de conscience sociétale de la gravité des différentes formes de harcèlement scolaire ou de cyberharcèlement contre des élèves ou des étudiants s’est améliorée au fil du temps et qu’il importe de lutter contre toutes les formes de violences, même entre des camarades de classe. Prévenir et traiter les cas de harcèlement est essentiel, de même que bien informer sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement en milieu scolaire. Le décret confirme donc le droit à une scolarité sans harcèlement mis en place depuis 2019. Par ailleurs, il prévoit que ce harcèlement est sanctionnable, même lorsque le collégien ou le lycéen commet des actes de harcèlement contre des élèves d’un autre établissement scolaire.
Le harcèlement scolaire est devenu une grande cause nationale (programme pHAre, « prévenir le harcèlement et agir avec respect à l’école »7), comme la lutte contre toutes les violences. Savoir que l’auteur de ces agissements répréhensibles peut être obligé de changer d’école incitera peut-être les jeunes victimes à ne pas rester silencieuses. Elles peuvent en parler à leur famille mais aussi contacter les responsables de leur établissement scolaire. Il est essentiel d’indiquer à tous les élèves qu’ils ont intérêt de signaler rapidement ces comportements perturbateurs et dangereux pour éviter que cela aille plus loin. Par ailleurs, les témoins de ces actes devraient aussi se faire connaître et soutenir les élèves.
Tout cela doit permettre de créer un environnement plus respectueux des jeunes élèves en vue d’éviter que les enfants ou les adolescents subissent un quelconque harcèlement.
Il est urgent de réduire toutes les formes de violence et, à l’école, sensibiliser les élèves aux conséquences de ces comportements est une action de prévention pertinente. Cela peut conduire les auteurs du harcèlement scolaire à une meilleure prise de conscience et les victimes à faire des signalements8.
Notes de bas de pages
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1.
Dite loi Blanquer : JO, 28 juill. 2019 ; D. Necib, « L’école de la confiance fait sa rentrée ! », AJCT 2019, n° 9, p. 368 ; E. Maupin, « Adoption de la loi pour une école de la confiance », Dalloz actualité, 4 juill. 2019 ; AJDA 2019, p. 1365.
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2.
La lutte contre le harcèlement scolaire avait déjà été inscrite dans la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République (JO, 9 juill. 2013), en vue d’améliorer l’enseignement scolaire et renforcer l’équité du système éducatif.
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3.
Cass. crim., 2 févr. 2022, n° 21-82535 : JAC 2022, n° 219, note I. Corpart.
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4.
C. Stoclin-Mille, « L’Assemblée nationale examinera une proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire », Dalloz actualité, 23 nov. 2021 ; v. aussi A. Denizot, « Le harcèlement scolaire estropié par la loi pour une école de la confiance », RTD com. 2019, p. 952 ; R. Hoch, « Harcèlement scolaire : les points faibles des stratégies de lutte actuelles », The Conversation, 27 avr. 2021.
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5.
JO, 3 mars 2022 ; A. Denizot, « Harcèlement scolaire, du mieux et du moins bien ; instruction dans la famille, de pire en pire », RTD com. 2022, p. 470 ; T. Giraud, « Enfance et jeunesse – Une loi pour lutter contre le harcèlement scolaire », JA 2022, n° 656, p. 7 ; M. Segonds, « La prévention/répression d’une nouvelle infraction (faussement) autonome », RSC 2022, p. 889.
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6.
T. Labatut, « Harcèlement scolaire via internet et les médias sociaux : quels moyens de lutte ? », LPA 23 déc. 2019, n° LPA149p4 ; adde G. Verhaegue, « Le cyber-harcèlement à l’école : une nouvelle violence en évolution », Journal de médecine légale, 1er mars 2015, n° 57, p. 49.
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7.
Programme mis en place par l’exécutif français et obligatoire dans tous les collèges et toutes les écoles élémentaires depuis 2022 et dans tous les lycées à compter de la rentrée 2023.
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8.
Deux numéros gratuits sont à la disposition des victimes et des témoins : 3020, pour le harcèlement scolaire, et 3018, pour le cyberharcèlement.
Référence : AJU010k5