Paris (75)

Botaki : faire germer les graines du développement durable par le jeu

Publié le 19/09/2022

Cosette Vivier a été finaliste du prix Créatrices d’Avenir en 2021 dans la catégorie « Innovation » pour Botaki, une start-up parisienne qui propose aux enfants de 5 à 10 ans des kits mensuels d’activités ludiques et pédagogiques pour partir à la découverte de la nature. Depuis sa participation au concours, le projet se développe à grands pas : partenariat avec Joué Club pour distribuer ses kits dans 300 points de vente, expérimentation dans une trentaine de classes de cycle 2 (CP-CE1-CE2) en partenariat avec Nathan Pédagogie, Botaki n’en est qu’à ses débuts. Cosette Vivier, co-fondatrice (avec Thomas Ounnas et Margaux Villemin) de Botaki, nous parle de ce projet.

Actu-Juridique : De quel constat êtes-vous partis pour lancer Botaki ?

Cosette Vivier : Nous avons été marqués par des études réalisées par Santé Environnement France en 2013 qui montraient que 87 % des enfants en France ne savaient pas ce qu’était une betterave ou qu’un enfant sur 4 ignorait que les frites, aliments consommés par les enfants par excellence, provenaient des pommes de terre.

Par ailleurs, nous avions un attrait pour le monde des enfants et pour ce que les parents ou les écoles mettent en place pour leur transmettre un lien et des connaissances sur la nature. Nous avions envie de « révolutionner » le monde du jouet en proposant des jeux éco-conçus sur le thème de la nature et de sa protection.

Nous avons aussi créé un univers, celui de la tribu Botaki. Nos jeux se présentent sous forme de kits qui contiennent une activité manuelle et un carnet d’exploration. Et surtout, nous avons un totem magique, un objet connecté qui se plante dans la terre et qui permet à l’enfant de communiquer avec sa plante grâce à une application montrant les besoins de la plante. L’enfant comprend ainsi que la plante est vivante, qu’elle a des besoins, évalués en fonction d’une jauge et de quatre critères : l’humidité, la nutrition, la température et la luminosité. Par la présence de capteurs, l’enfant peut voir en temps réel l’impact de ses actions sur l’avatar Botaki de sa plante.

Actu-Juridique : Comment expliquer le manque de connexion des enfants à leur alimentation ?

Cosette Vivier : Nous sommes clairement dans une société de plus en plus urbaine et de plus en plus bétonnée, dans laquelle les parcelles de cultures sont liées à l’industrie et donc inaccessibles aux individus dans la vie de tous les jours. À cela s’ajoutent les habitudes alimentaires industrielles. Mais les choses changent : nous sommes aussi à l’ère des « consommacteurs », c’est-à-dire des personnes conscientes de ce qu’elles consomment au quotidien et qui veulent des aliments respectueux pour elles comme pour l’environnement. La mission d’une société à impact comme la nôtre est de participer à l’émergence d’une nouvelle génération plus consciente, davantage en harmonie avec l’environnement et la nature.

Actu-Juridique : Comment donner envie aux enfants de davantage protéger la nature sans les angoisser ?

Cosette Vivier : Les enjeux de ce côté-là sont énormes. Par le jeu, les défis, les challenges, nous ambitionnons de donner envie aux enfants de mieux la protéger. Nous pensons qu’en la comprenant mieux, en leur faisant comprendre qu’ils font partie d’un grand tout, ils la respecteront mieux. Les plantes sont des êtres vivants : si les enfants prennent conscience de leur fragilité, cela leur donnera plus envie d’y être attentifs.

À travers ces kits, conçus par des spécialistes, nous abordons différents thèmes. Autant nous avons la trame, autant le contenu scientifique est laissé aux spécialistes. Ils nous aiguillent sur l’activité manuelle de chaque kit comme sur le carnet d’exploration. Par exemple, concernant le coffret sur les insectes, c’est François Lasserre, vice-président de l’Office pour les insectes et leur environnement, qui nous a aidés. Il a révisé les bonnes dimensions de l’hôtel à insectes à construire car, dans le commerce, elles ne sont pas toujours bien dimensionnées, et a été vigilant sur les bons compartiments à inclure, adaptés aux papillons, aux coccinelles etc.

Actu-Juridique : Êtes-vous aussi présent dans les écoles ?

Cosette Vivier : Notre but est d’être présent dans un maximum de foyers mais aussi de classes. La dimension éducative nous semble essentielle, afin de rendre ces connaissances les plus accessibles au plus grand nombre. Nous venons à ce titre de finir de créer un partenariat avec Nathan Pédagogie : cette maison a le savoir-faire sur les dispositifs à mettre en place pour accompagner les enseignants dans leur transmission, tandis que nous avons la main sur le côté « nature », l’aspect ludique et l’univers. Nous avons conduit une expérimentation avec une trentaine de classes du cycle 2 (CP-CE1-CE2) sur une année scolaire avec nos kits grand public, les retours des enseignants et des élèves ont été très positifs et cela nous a permis de créer une offre adaptée à l’usage en classe !

Nous répondons aussi à des demandes d’ateliers physiques dans des écoles en Île-de-France ou par des entreprises.

Actu-Juridique : Quels kits ont-ils le plus de succès ?

Cosette Vivier : Le kit du potager – proposé de manière saisonnière – a un grand succès, grâce aux plantations de tomates cerises, que les enfants adorent, ainsi que celui sur les insectes et les oiseaux, qui permet de construire son nichoir à oiseaux. Parfois, ce sont les parents qui sont un peu réticents, ils ont peur d’installer un hôtel à insectes sur leur balcon ! (rires) Cela nous permet d’aller au-delà des idées reçues : dans l’esprit de certains, les insectes ne seraient pas propres. On parle même de « mouches à merde » : mais les mouches digèrent et recyclent les déchets de la planète donc quand elles se nourrissent de crottes, en fait, elles sont hyper cool ! (rires) Idem pour le pigeon, qui n’est pas l’oiseau préféré des villes, mais qui pourtant a son rôle à jouer. Et puis nous sommes quand même contents de le voir voler dans les cieux, qu’il fasse partie de notre quotidien…

Le kit sur le Grand Nord, avec comme invité l’explorateur Nicolas Vannier, qui procurait un chien de traîneau à créer en bois à la façon des Inuits, c’est-à-dire sans clou ni vis, a aussi rencontré un beau succès. Notre prochain kit, que nous avons développé avec le Centre National d’Études Spatiales, portera sur l’espace.

Par ailleurs, découvrir Botaki est une expérience non genrée : certaines filles vont adorer les constructions, tandis que les ateliers de cuisine (nous proposons aussi des recettes) vont être adorés par les garçons. Il n’y a aucune raison de genrer la découverte de la nature.

Actu-Juridique : À quel stade de développement êtes-vous ?

Cosette Vivier : Nous en sommes à une période de levée de fonds, afin de booster la partie abonnement et notre visibilité.

Actu-Juridique : Vous avez choisi de réduire votre impact environnemental. De quelle façon ?

Cosette Vivier : Nous fabriquons nos kits le plus localement possible, de la manière la plus respectueuse possible. Nos jeux éco-conçus le sont dans des matières premières soigneusement choisies. Nous passons par un ESAT (établissement ou service d’aide par le travail) pour l’assemblage des kits et nous sensibilisons les enfants sur le recyclage : par exemple, le packaging est à découper et sert ainsi d’activité en lui-même.

Actu-Juridique : Vous avez été finaliste, à défaut d’être lauréate du prix Créatrices d’Avenir. C’est quand même une très bonne chose ?

Cosette Vivier : Le prix Créatrices d’avenir a une certaine notoriété et visibilité, et fait bonne place aux femmes dans l’entrepreneuriat. Il était aussi intéressant de faire connaissance avec les autres finalistes dans le cadre d’une journée de rencontres où nous avons bénéficié d’un accompagnement au pitch. Cette nomination est la reconnaissance de notre engagement au quotidien. La lauréate avait un projet de technologie médicale pour les patients atteints de drépanocytose. Chacune à notre échelle, nous portions des projets engagés, avec des entreprises à impact, ambitieuses et qui n’ont pas peur de l’être.

Actu-Juridique : Quel est le profil de vos clients ?

Cosette Vivier : Initialement, nous avons cru que nous toucherions plutôt des urbains CSP + mais on se rend compte que nous sommes présents dans toute la France, dans les villes où règne un manque de nature, comme à la campagne, où les gens veulent approfondir leurs connaissances.

Nous restons relativement accessibles avec des produits au prix très correct pour une gamme produite en France. Mais notre présence dans les écoles sera la meilleure façon d’être encore plus accessibles.

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