Droit européen de l’environnement : vers la confirmation d’un droit accessoire ?

Publié le 26/09/2023
environnement, climat
YummyBuum

Avec une européanisation de nos règles juridiques de plus en plus importante, provenant à la fois de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’Homme, il existe un risque de création de droits qui relèvent plus de l’accessoire que de l’autonomie. La question se pose pour le droit de l’environnement à travers une décision attendue de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le fondement de l’inaction climatique, qui aura à répondre à de nombreuses questions procédurales portant sur l’instauration d’un standard juridique en matière environnementale.

Le droit de l’environnement est touché par un accroissement légal et jurisprudentiel qui contribue, in fine, à créer une certaine chienlit au sein de l’économie juridique française et européenne. Il existe un risque réel que la décision tant attendue que doit prendre la Cour européenne des droits de l’Homme à travers un recours formé par le député européen Damien Carême, contre la France, sur le fondement de l’inaction climatique s’inscrive dans cette démarche. La question demeure donc de savoir si toute personne peut faire prévaloir la réparation d’un préjudice personnel subi par l’inaction climatique ou s’il existe vraiment un droit autonome en matière environnemental.

I – Un risque malvenu d’une extension d’un droit environnemental accessoire

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), réuni en grande chambre, va devoir statuer sur le point de savoir s’il est possible d’étendre le champ d’application des articles 2 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, pour y intégrer une compétence rationae materiae environnementale. Une décision en ce sens serait dommageable, tant pour les droits de l’homme que pour le droit de l’environnement. En effet, une interprétation stricte du traité veut que la Cour qui a été créée soit une Cour européenne des droits de l’Homme, et non une Cour européenne des droits de l’Homme et de l’environnement. De ce fait, le simple intitulé de la juridiction chargée de considérer la question environnementale démontre qu’elle agit hors champ de compétence rationae materiae. Il est d’ailleurs étonnant que cette Cour ne se soit pas déclarée incompétente de ce fait-là, d’autant plus que le fondement de la demande était clair dès sa saisine.

Qui plus est, cette reconnaissance ferait perdre à la Cour européenne des droits de l’Homme du crédit quant à la défense des intérêts particuliers. En effet, cela reviendrait à rabaisser la cause environnementale à l’atteinte individuelle qu’elle provoque en oubliant les libertés fondamentales et individuelles violées par un fait dommageable et objectivement subi par l’intéressé. De plus, cette reconnaissance serait une atteinte portée à la substance d’un traité et serait donc préjudicielle pour les pays signataires et ratificateurs.

II – Une judiciarisation compliquée de « l’inaction climatique »

Le fondement de la saisine de la CEDH porte sur « l’inaction climatique ». Une reconnaissance par les juges de ce « standard juridique » intégrerait une norme dont la subjectivité reprendrait le dessus et qui reviendrait à rendre un droit de l’environnement encore moins effectif. En effet, sur quelles bases les juges vont-ils s’appuyer pour reconnaître que l’État aurait dû agir d’une certaine manière : les recommandations du GIEC ? les promesses prises par les différentes COP et accords ? Si l’État met en place des prérogatives en faveur de l’environnement, la CEDH peut-elle considérer qu’elles sont insuffisantes pour in fine protéger les libertés individuelles ? Cela n’aurait pas de sens et la question de la pérennité de cette jurisprudence se poserait.

En effet, tous les pays sont alors coupables d’atteintes contre l’environnement dans cette situation. L’augmentation ou le dépassement d’un plafond d’émission de gaz autorisé ne peut être jugé contraire aux droits de l’environnement qu’à la condition que cette augmentation soit pérenne. Au contraire, il est nécessaire d’encourager les États membres à adopter une législation interne et renforcer celle déjà existante afin de permettre un véritable contrôle effectif des actions de l’État à travers ses collectivités mais également des particuliers et des sociétés, en matière environnementale.

III – L’impératif d’une autonomie du droit de l’environnement

Quelle que soit la décision rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme, un débat naîtra sur l’impératif ou non de reconnaître une autonomie au droit de l’environnement. En effet, la première victime des actions ou des inactions est la Terre, les êtres humains étant victimes par ricochet. C’est le préjudice qu’elle subit qui doit être réparé. À titre d’exemple, si les individus, du fait de la montée des eaux menaçant leur propriété privée, veulent agir, il ne semblerait pas pertinent de leur reconnaître un préjudice sur le fondement du droit de l’environnement. Le danger vient dès lors de son individualisation, alors qu’au contraire c’est une action collective qui doit être recherchée.

Le droit de l’environnement ne peut être ainsi considéré comme un accessoire, voire un attribut d’une liberté fondamentale dont chaque individu peut rechercher la violation pour réparer un préjudice personnel et à travers lequel il peut se considérer comme étant victime. En effet, le lien de causalité sera difficile à démontrer à travers chaque situation de violation, quand bien même la CEDH pourrait déclarer l’État français responsable d’inaction climatique pour les faits d’espèce. Surtout, cela contribuerait à favoriser un contentieux subjectif de masse rendant la jurisprudence inapplicable pour les particuliers sur le droit de l’environnement. Bien au contraire, ce doit être un droit autonome, qui pourrait se traduire comme un véritable droit accordé à la nature.

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