Durabilité : quelles sont les nouvelles obligations pour les sociétés commerciales ?

Publié le 09/07/2024
Durabilité : quelles sont les nouvelles obligations pour les sociétés commerciales ?
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Le décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023 précise les seuils applicables aux définitions des différentes tailles de sociétés et de groupes de sociétés. Il détermine le type d’informations, en matière de durabilité, devant être établies et publiées par les différentes sociétés concernées. Le décret modifie également la structure et les dispositions du titre II du livre VIII du Code de commerce relatives aux commissaires aux comptes afin de les adapter à la mission de certification des informations en matière de durabilité, notamment en ce qui concerne l’autorité publique indépendante de supervision, la Haute autorité de l’audit (chapitre préliminaire), la profession de commissaire aux comptes (chapitre 1), et les organismes tiers indépendants et auditeurs des informations en matière de durabilité qui y sont attachés (chapitre 2). Le décret précise également les règles applicables au rapport financier annuel des émetteurs.

D. n° 2023-1394, 30 déc. 2023, pris en application de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales

La France est le premier État membre de l’Union européenne à adapter son droit interne aux exigences nouvelles de reporting.

Le décret est pris en application de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales. Cette ordonnance a transposé la directive CSRD en droit français (Corporate Sustainability Reporting Directive : reporting de durabilité des entreprises).

La directive a pour objet d’imposer la publication, par les entreprises, d’informations en matière de « durabilité ». Cette obligation remplace la « déclaration de performance extra-financière » (DPEF) et prend sa place au sein du rapport de gestion.

Ainsi que le précise le rapport au président de la République, cette obligation répond au besoin croissant de données extra-financières exprimé par les institutions financières qui les utilisent dans leurs décisions d’investissement, dans leurs politiques de gestion des risques et dans leurs activités d’engagement actionnarial, tout comme par de nombreuses autres parties prenantes, dont les clients, les partenaires sociaux, les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales. Les catégories d’informations demandées représentent ainsi une incitation forte pour les sociétés concernées à engager des actions vertueuses dans les domaines concernés.

Le décret est complété par deux arrêtés en date du 28 décembre 2023 : l’arrêté du 28 décembre 2023 portant modification du titre II du livre VIII du Code de commerce (JORF, texte n° 42) et l’arrêté du 28 décembre 2023 pris en application de l’article 37 de l’ordonnance précitée.

À noter. Le décret n° 2024-60 du 31 janvier 2024 modifie le décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023 et a avancé au 1er février 2024 l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires des articles 7 à 11 du décret du 30 décembre 2023 (statut de la haute autorité de l’audit, des CAC et des OTI et auditeurs des informations en matière de durabilité).

I – Les seuils définissant la taille des sociétés et des groupes

Ces seuils sont pris en compte dans le cadre des obligations portant sur l’établissement et la certification des comptes et des informations en matière de durabilité.

A – Seuils définissant la taille d’une entreprise (D. n° 2024-152, 28 févr. 2024)

L’entreprise (à l’exception de la grande entreprise) ne doit pas dépasser deux des trois seuils fixés : total du bilan, montant net du chiffre d’affaires, nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice.

En ce qui concerne les microentreprises, le total du bilan est fixé à 450 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 900 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 10.

En ce qui concerne les petites entreprises, le total du bilan est fixé à 7 500 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 15 millions d’euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 50.

En ce qui concerne les moyennes et grandes entreprises, le total du bilan est fixé à 25 millions d’euros, le montant net du chiffre d’affaires à 50 millions d’euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 250.

Sauf disposition contraire, ces seuils sont réputés franchis à la date de clôture de deux exercices consécutifs sur la base des derniers comptes annuels arrêtés.

Le décret précise que le total du bilan est égal à la somme des montants nets des éléments d’actif.

Le montant net du chiffre d’affaires, quant à lui, est égal au montant des ventes de produits et services liés à l’activité courante, diminué des réductions sur ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées.

En outre, le nombre moyen de salariés est apprécié selon les modalités prévues au I de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale. Par dérogation à ces modalités, il est apprécié sur le dernier exercice comptable lorsque celui-ci ne correspond pas à l’année civile précédente.

B – Seuils de catégorisation de groupe

Le groupe (à l’exception du grand groupe) ne doit pas dépasser deux des trois seuils fixés : total du bilan, montant net du chiffre d’affaires, nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice.

En ce qui concerne les petits groupes, le total du bilan est fixé à 9 millions d’euros, le montant net du chiffre d’affaires à 18 millions d’euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 50.

En ce qui concerne les groupes moyens et grands, le total du bilan est fixé à 30 millions d’euros, le montant net du chiffre d’affaires à 60 millions d’euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 250.

C – Seuils concernant l’obligation de nommer un commissaire aux comptes

Lorsque deux des trois seuils précités sont franchis, la société doit obligatoirement nommer un commissaire aux comptes.

  • sociétés indépendantes : total du bilan : 5 millions d’euros ; montant net du chiffre d’affaires : 10 millions d’euros ; effectif au cours de l’exercice : 50 salariés.

  • sociétés contrôlées directement ou indirectement par une ou plusieurs personnes et entités : total du bilan : 2,5 millions d’euros ; montant net du chiffre d’affaires : 5 millions d’euros ; effectif au cours de l’exercice : 25 salariés.

II – Les informations en matière de durabilité

L’article L. 232-6-3, I, du Code de commerce prévoit que les informations en matière de durabilité doivent figurer au sein d’une section distincte de son rapport de gestion.

Ces informations doivent permettre de comprendre les incidences de l’activité de la société sur les enjeux de durabilité, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l’évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation. Les enjeux de durabilité comprennent les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernement d’entreprise.

Les entreprises sont tenues de publier les informations de durabilité importantes selon un principe dit de « double matérialité » (ou « double importance »), c’est-à-dire les informations nécessaires pour comprendre, d’une part, les effets des enjeux de durabilité sur leur situation et leur performance financière et, d’autre part, les impacts des entreprises sur l’environnement et la population.

Par exemple, si l’entreprise conclut que le changement climatique n’est pas une question « importante » au regard de ce principe et que, par conséquent, elle ne publie pas les informations prescrites par la norme ESRS E1 (« changement climatique »), l’entreprise devra justifier sa décision de ne pas communiquer à ce sujet en fournissant des explications détaillées sur les conclusions de son évaluation1.

Rappel. Le rapport de durabilité se substitue à la « déclaration de performance extra-financière ».

Les informations en matière de durabilité doivent décrire :

  • le modèle commercial et la stratégie de la société, en indiquant notamment :

    • le degré de résilience du modèle commercial et de la stratégie de la société en ce qui concerne les risques liés aux enjeux de durabilité,

    • les opportunités que recèlent les enjeux de durabilité pour la société,

    • les plans de la société, y compris les actions prises ou envisagées et les plans financiers et d’investissement connexes, pour assurer la compatibilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C, et, le cas échéant, l’exposition de la société à des activités liées au charbon, au pétrole et au gaz,

    • la manière dont le modèle commercial et la stratégie de la société tiennent compte des intérêts des parties prenantes et des incidences de son activité sur les enjeux de durabilité,

    • la manière dont la stratégie de la société est mise en œuvre en ce qui concerne les enjeux de durabilité,

• les objectifs assortis d’échéances que s’est fixée la société en matière de durabilité et les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs, y compris, s’il y a lieu, des objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre au moins pour 2030 et 2050 ;

• le rôle des organes de direction, d’administration ou de surveillance concernant les enjeux de durabilité, ainsi que les compétences et l’expertise des membres de ces organes à cet égard ou les possibilités qui leur sont offertes de les acquérir.

Dérogations. Le décret précise que, par dérogation, les informations en matière de durabilité publiées par les petites et moyennes entreprises peuvent se limiter à décrire :

« 1° Le modèle commercial et la stratégie de la société ;

2° Les politiques de la société en ce qui concerne les enjeux de durabilité ;

3° Les principales incidences négatives, réelles ou potentielles, de la société sur les enjeux de durabilité et les mesures prises afin de les recenser, surveiller, prévenir, atténuer ou corriger ;

4° Les principaux risques pour la société liés aux enjeux de durabilité et la manière dont elle les gère ».

III – Audit et certification

A – Commissaire aux comptes ou organisme tiers indépendant

Le reporting de durabilité doit faire l’objet d’une vérification par un commissaire aux comptes (CAC) – qui peut être différent de celui certifiant les comptes – ou un organisme tiers indépendant (OTI accrédité sous la norme ISO 17029).

En effet, la directive CSRD a autorisé les États membres à permettre également, aux côtés des commissaires aux comptes, à des « prestataires de services d’assurance indépendants » (PSAI), d’effectuer l’audit des informations en matière de durabilité, à condition, d’une part, d’être accrédités par les États membres et, d’autre part, de respecter des exigences équivalentes à celles énoncées dans la directive Audit pour les commissaires aux comptes.

La France permet ainsi aux OTI de procéder à l’audit des informations de durabilité. Cela doit permettre de conserver un marché de l’audit ouvert, stimulant une diversification de l’offre, et contribuer à améliorer la qualité du service.

À noter. Selon la taille et les besoins de l’entreprise, il est possible de nommer comme auditeur de durabilité un seul OTI, plusieurs OTI en co-assurance ou un OTI et un CAC inscrit en audit de durabilité.

B – Haute autorité de l’audit

Quoi qu’il en soit, l’auditeur de durabilité choisi par l’entreprise (v. supra) doit être inscrit auprès de la Haute autorité de l’audit (H2A).

Depuis le 1er janvier 2024, la Haute autorité de l’audit a succédé au Haut conseil du commissariat aux comptes, en vertu de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 précitée. Une nouvelle mission lui est confiée : celle de superviser les professionnels qui certifieront les rapports de durabilité des entreprises, en sus des missions précédemment assurées par le H3C.

« Peuvent être désignées contrôleurs les personnes qui justifient :

1° D’une formation en matière comptable ou financière ou en matière d’information en matière de durabilité ;

2° D’une expérience professionnelle d’au moins trois années dans le domaine de la certification des comptes et de l’information financière ou dans le domaine de la certification des informations en matière de durabilité ou en ce qui concerne d’autres services liés à la durabilité ;

3° D’une formation spécifique en matière de contrôle de la qualité dans ces domaines ». Avant de procéder aux opérations de contrôle, les contrôleurs doivent déclarer à la Haute autorité ou, en cas de délégation, à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes qu’ils ne sont pas dans une situation de conflit d’intérêts avec les personnes qu’ils sont chargés de contrôler.

Ils ne peuvent contrôler une personne si, au cours des trois années précédentes, ils ont été associés, salariés ou collaborateurs de celle-ci.

Les contrôles sont réalisés en fonction d’une analyse des risques. Ils portent notamment sur :

• les missions de certification des comptes ou d’informations en matière de durabilité sélectionnées par le contrôleur. Celui-ci vérifie notamment le respect des règles d’indépendance, la conformité aux normes mentionnées au I de l’article L. 821-11 et à l’article L. 821-59 du Code de commerce, l’adéquation des ressources affectées à la réalisation des missions ainsi que les honoraires perçus par le commissaire aux comptes ;

• le système de contrôle de qualité interne mis en place par le commissaire aux comptes, sauf lorsqu’il s’agit d’une société de commissaires aux comptes inscrite en application de l’article ;

• les autres missions exercées ou toute autre prestation fournie par le commissaire aux comptes aux personnes ou entités dont il certifie les comptes ou les informations en matière de durabilité.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Source : Autorité des marchés financiers.
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