Île-de-France : préparer les forêts au changement climatique
Comment protéger les massifs forestiers aux portes de la capitale de la sécheresse, des brasiers et des contaminations, menaces poussées par le réchauffement climatique ? Réponse avec l’Office national des forêts.
Citadins, les Franciliens ont pour beaucoup recours à la balade en forêt pour décompresser. La région est très richement dotée en massifs boisés : la vallée de Chevreuse pour les randonnées, Rambouillet (26 000) ou Chantilly (7 000 hectares) pour se perdre dans les domaines de chasse royaux, et bien sûr la sableuse Fontainebleau (30 000 hectares) dotée de son propre arrêt de RER, en plein cœur de la forêt. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la région est quasiment aussi boisée que le reste du pays : 22% de son territoire est recouvert de forêts, contre 30 % au niveau national.
Une politique publique de protection des forêts
Preuve que les forêts sont un patrimoine essentiel de la région, 30 % de la forêt est publique (contre 25 % au niveau national) et l’État n’a de cesse de racheter des hectares de forêts, qui restent en très grande majorité privés : 177 000 hectares sont détenus par plus de 148 000 propriétaires. 96 % des propriétaires forestiers possèdent une superficie de moins de quatre hectares. Les 4 % restants (propriétés d’une superficie inférieure à quatre hectares) représentent 80 % de la superficie exploitable, dont plusieurs sylviculteurs. En janvier 2020, la préfecture de la région Île-de-France a adopté le programme national de la forêt et du bois qui est censé mettre en place cinq orientations stratégiques entre 2019 et 2029, pour la gestion publique et privée des forêts. La première d’entre elles, « Gérer nos forêts de manière dynamique, durable et multifonctionnelle dans un contexte de changement climatique ». « Du fait du caractère fortement urbain de la région capitale, les forêts franciliennes font l’objet de nombreux usages. Elles constituent pour les Franciliens un des rares espaces récréatifs qu’ils considèrent encore comme naturels. Ce patrimoine d’une grande diversité biologique se doit donc d’être préservé et géré durablement pour lui permettre d’assurer à long terme son rôle social et écologique, tout en valorisant son potentiel économique », soulignait le préfet de l’époque, Michel Cadot. « La protection de ce patrimoine est indissociable de la gestion forestière durable et multifonctionnelle. En effet, une telle gestion, qui intègre le changement climatique, peut significativement améliorer la « pompe carbone » des forêts et leur résilience face aux aléas naturels. C’est entre autres pour contribuer à ce stockage carbone et pour endiguer la pollution des sols dans la plaine de Pierrelaye-Bessancourt que l’État et les collectivités partenaires y ont engagé l’aménagement d’une nouvelle forêt de près de 1 400 hectares, ce qui est unique en France », soulignait-il.
Une révolution qui rappelle une jolie initiative datant de 2019, à l’occasion du mois de la forêt : 2 000 arbres (de 23 essences locales) avaient été plantés dans une parcelle du Bois de Vincennes en une matinée par l’entreprise Reforest’Action associée à la Mairie de Paris. « On estime qu’en adoptant un mode de vie respectueux de l’environnement, planter une forêt de 5 000 arbres permettrait de compenser le CO2 que l’on produit malgré tout », avait expliqué à nos confrères du Parisien, Stéphane Hallaire, président de Reforest’Action. « C’est un objectif que chacun devrait se fixer pour avoir une empreinte positive sur le monde ».
La sécheresse, premier enjeu
Le 17 avril 2021, sur le site des trois bornes en pleine forêt de Fontainebleau, trois hectares de forêt partent en fumée après qu’un feu de camp, attisé par le vent et la sécheresse, se soit répandu. Durant l’été 2020, près de 25 départs de feu ont été comptabilisés et les domaines ont été plusieurs fois interdits aux visiteurs. La démonstration est faite que le risque incendie est réel dans ces massifs, constitués de pinèdes très vulnérables à la sécheresse.
Sylvain Ducroux est directeur territorial adjoint de l’Office national des forêts (ONF) et selon lui, les forêts franciliennes ont énormément souffert de trois années consécutives de sécheresses et de canicules. « Surtout pour les forêts établies sur des sols drainants, comme les forêts sur sable de Fontainebleau ou Chantilly. Les forêts sur les sols plus argileux, comme Rambouillet ou les forêts de la Brie, ont mieux traversé cette période ». Selon lui, le problème de la sécheresse est d’autant plus préoccupant qu’il se couple avec d’autres dangers, comme les maladies : « c’est comme une association de malfaiteurs : l’absence d’hiver froid et de gel favorise la prolifération des maladies. On a la maladie de l’encre qui fait des ravages dans la population des châtaigniers que l’on trouve traditionnellement dans les massifs du Val d’Oise, les Hauts-de-Seine ou les Yvelines. Dans une moindre mesure, les frênes aussi sont touchés par la chalarose ».
Pour réduire et éliminer ces risques sur le long terme, l’ONF a amorcé un plan ambitieux qui changera le visage de nos forêts. « On est sur du travail de longue haleine », souligne Sylvain Ducroux, « dans le cas de Fontainebleau il peut y avoir des récoltes dans les pinèdes que nous allons substituer avec des essences moins inflammables ». Si la catastrophe du grand incendie est largement anticipée par les départements de secours et que le risque est réduit par le développement de la technologie mobile qui réduit les délais d’intervention, l’ONF gage aussi sur un entretien soutenu des réseaux de pistes, pour les véhicules de secours.
Quant au risque de grandes tempêtes, généré également par le changement climatique, l’ONF a changé son fusil d’épaule dans sa gestion des populations, et ce depuis plusieurs années (notamment après que la tempête Lothar de 1999 a dévasté 1 500 hectares de forêt en Seine-et-Marne et arraché 4 000 arbres dans le domaine de Versailles). « Depuis, on évite les coupes rases et on travaille pour avoir une gestion avec des arbres de tous âges et de différentes hauteurs ce qui évite un peuplement homogène qui consomme beaucoup d’eau, ça permet aussi en cas de catastrophe que des arbres plus jeunes puissent déjà prendre le relais. Cela va augmenter la résistance de la forêt au vent, car de toute façon le vent à 130 km/h déracine les grands arbres et l’on ne peut rien y faire », conclut Sylvain Ducroux. Des initiatives qui donnent de l’espoir quant à la préservation de nos paysages franciliens.
Référence : AJU002p3